Édition du 17 décembre 2024

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Les émissions de GES liées à Énergie Est sur 40 ans : l’équivalent de plus de 1,3 milliard d’autos

Résumé : dans l’analyse qui suit, Alain Brunel, directeur climat énergie de l’AQLPA, expose des données inédites sur les émissions totales de gaz à effet de serre (GES), produites en amont par l’extraction et en aval par la combustion, associées au pétrole bitumineux transporté par les nouveaux projets d’oléoducs ou d’expansion des anciens sur toute leur durée d’opération. Les chiffres sont astronomiques. Et c’est une estimation conservatrice lorsqu’on la compare aux données du département d’État des États-Unis relativement au pipeline Keystone XL. Les émissions totales projetées sont également mises en perspective avec le budget carbone mondial limité qui nous est imparti pour éviter l’emballement climatique. Cette recherche montre hors de tout doute qu’on ne peut vouloir à la fois réduire les GES et favoriser l’exploitation des sables bitumineux. 

« Sur 40 ans, les émissions totales amont et aval du pipeline Énergie Est dépasseraient les 5,2 milliards de tonnes équivalent CO2, (GteqCO2) soit 64 fois les émissions du Québec de 2011. »
- Alain Brunel, directeur climat énergie, AQLPA 

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Par Alain Brunel, directeur climat énergie AQLPA, mars 2015

Pour une deuxième fois depuis qu’il est au pouvoir, le président des États-Unis a apposé son veto au projet de pipeline Keystone XL. Sur le fond, nous le savons, Barack Obama est préoccupé par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) que l’utilisation du pipeline entraînerait. Il a bien raison. En juin 2013, il affirmait dans un discours à Georgetown University qu’il considérerait KXL d’intérêt national pour les États-Unis uniquement s’il était démontré que l’oléoduc « n’exacerberait pas significativement » la pollution carbone. Et il a déclaré tout récemment que la production de pétrole bitumineux était « extraordinairement sale ».

Les positions canadienne et québécoise (ou canabécoise) à ce propos sont d’une hypocrisie sans nom. Les gouvernements prétendent vouloir réduire les GES tout en soutenant directement ou indirectement le développement tous azimuts des pétroles extrêmes, lequel passe obligatoirement par la construction ou l’expansion de nombreux oléoducs.

L’ensemble des projets de nouveaux oléoducs ou d’expansion de pipelines actuellement prévus au Canada pourrait transporter 3,7 millions de barils par jour (b/j). À lui seul, l’oléoduc Énergie Est en transporterait 1,1 million et ajouterait dans l’atmosphère l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre de 7,6 millions de voitures par année ou 304 millions de véhicules sur sa durée opérationnelle de 40 ans, et ce, en calculant uniquement les émissions liées à la production. Si l’on comptabilisait les émissions liées à la combustion du pétrole Énergie Est, qui sont 5 fois plus importantes que les émissions liées à la production, ce projet à lui seul émettrait en 40 ans autant de gaz à effet de serre que 1,3 milliard de voitures sur une année ! Soit 30% de plus que toutes les voitures roulant actuellement sur la planète !!!

Cette contradiction ne semble pas troubler l’esprit du premier ministre Couillard quand, du même souffle, il souligne l’importance de diminuer les GES et qu’il approuve Énergie Est. La planète brûle et les Canabécois regardent … où ? Dans leur portefeuille d’actions probablement…

Il faut le redire haut et fort : ces projets d’oléoduc aboutiraient à annuler tous les efforts des provinces et citoyens en matière de réduction des gaz à effet de serre. Ils sont donc incohérents avec l’objectif planétaire de réduction des GES de 40 à 70% d’ici 2050. Et ils sont parfaitement incompatibles avec celui d’atteindre zéro émission de GES dans la deuxième moitié du siècle, deux objectifs que les experts du climat disent incontournables si nous voulons limiter le réchauffement planétaire à 2°C et avoir une chance d’éviter un emballement climatique catastrophique. En voici la démonstration.

Le pétrole sur rail

Avant tout, d’où sortent donc tous ces projets de pipeline ? Il faut savoir que les capacités de transport de pétrole, par train ou par oléoduc, sont saturées dans l’ouest canadien. Au point que des pipeliniers comme TransCanada ont décidé d’investir dans le rail ! Et que même si la croissance du transport par train ralentit en raison des bas prix actuels, plusieurs projets ferroviaires sont malgré tout lancés ou en développement dont un terminal ferroviaire par USD Group LLC, d’une capacité de chargement 140 000 b/j mis en activité en juin dernier près de Hardisty en Alberta. Un autre projet est en construction à Lashburn en Saskatchewan pour Altex qui augmentera ses capacités de transport ferroviaire à 110 000 b/j. Imperial Oil et Kinder Morgan disposeront de capacités de 210 000 b/j en cours d’année 2015 et il y en a d’autres… Selon les statistiques de l’Office national de l’énergie les exportations de pétrole par train ont diminué légèrement à 173 000 b/j au dernier trimestre 2014. Compte tenu du prix actuel qui rend non rentables les exportations du nord de l’Alberta jusqu’aux raffineries du Golfe du Mexique il serait étonnant que les prévisions de transport par rail de 700 000 barils par jour de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACCP ou CAPP en anglais) pour 2016 soient réalistes. Mais Russ Girling, le PDG de TransCanada, estime que l’ouest sera en mesure de transporter par train 1,2 millions de barils par jour (Mb/j) et que ses capacités de transport par train atteindraient à terme 2 Mb/j.

L’environnement économique actuel est donc défavorable au train. Il en coûte 21$ par baril pour envoyer le pétrole par train au Texas alors qu’il en coute 7$ par pipeline. D’où l’intérêt de Keystone XL et des nombreux projets d’oléoducs sur la table à dessin du Canada.

Considérant que KXL est toujours bloqué, que Northern Gateway et TransMountain Expansion font face à de vives résistances et contestations en cour en Colombie Britannique, la pression sera forte pour faire avancer Énergie Est à vive allure. TransCanada a d’ailleurs un nouveau projet en rayon, le Upland Pipeline, qui partirait du Dakota du nord et irait 300km vers le nord rejoindre l’oléoduc Énergie Est à Moosomin Saskatchewan. Capacité : 300 000 barils par jour.

Les promoteurs des pipelines soutiennent que ce moyen de transporter l’or noir est plus sécuritaire que le train. C’est un argument fallacieux. Car les plans actuels de développement pétrolier requerront tous les moyens disponibles, pipeline et rail, pour pouvoir écouler l’augmentation prévue de la production du pétrole enclavé dans l’ouest (incluant le Bakken du Dakota du nord) comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous :

Figure 1 : Prévisions de production et capacités de transport depuis le bassin sédimentaire de l’ouest (Source CAPP 2014, Crude Oil, Forecast, Markets & Transportation)

La ligne rouge en croissance indique les prévisions d’augmentation de production du bassin sédimentaire de l’ouest incluant le pétrole de roche mère du Bakken (tight oil) du Dakota du nord selon l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Chaque rectangle dans le graphique correspond aux capacités de transport des projets de pipelines sur la table. On voit bien qu’ils sont concomitants à l’augmentation prévue de la production, tout comme les projets d’expansion du transport par rail.

Keystone XL et le projet Upland Pipeline jusqu’à Énergie Est permettraient de leur côté d’accroître également la part du pétrole de schiste du Dakota du nord transportée par pipeline (qui n’est que de 20% actuellement).

Si tous ces projets de pipelines sont autorisés, les Canadiens auront droit au jackpot : les risques associés aux oléoducs en plus de ceux qui viendront avec les trains et les navires qui chargeront leurs cargaisons…

Au total, les pipelines en activité aujourd’hui ont une capacité de sortir 3,7 Mb/j de l’ouest canadien. L’ensemble des projets anticipés ajouterait une capacité nouvelle de 3,7 millions de baril par jour.[1] Énergie Est et l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge représentent 38% de cette croissance potentielle.

Il découle de ces constats un corollaire incontournable : l’augmentation prévue de la production n’est possible qu’avec la construction de nouveaux oléoducs. Si un seul de ces projets de pipeline ne se réalisait pas, l’augmentation prévue de la production serait ralentie d’un volume équivalent à sa capacité de transport. Si tous les projets étaient bloqués la production de quelque 3,7 millions b/j serait impossible à écouler et les émissions de gaz à effet de serre correspondantes empêchées.

Un autre constat peut être fait. Au Canada, l’essentiel de l’augmentation de la production prévue est tiré par les projets de pétrole bitumineux en opération, en développement ou à venir comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous :

Figure 2 : Production de pétrole conventionnel et bitumineux (Source CAPP 2014, Crude Oil, Forecast, Markets & Transportation)

La part de la production provenant de l’est canadien est négligeable et en décroissance d’ici 2030. Les prévisions de production de 2014 sont en léger retrait sur celles de 2013. La mise à jour de janvier 2015 de l’Association canadienne des producteurs pétroliers a encore retranché de la courbe de croissance prévue de la production un volume de 120 000 b/j à l’horizon 2016, dont – 56 000 de pétrole bitumineux. Mais la croissance se poursuit néanmoins et il n’y a toujours aucun pic de production en vue.

Les chiffres du tableau suivant le montrent autrement :

Tableau 1 : Production de pétrole brut au Canada 2013-2030 (Source CAPP 2014, adaptation AQLPA)

En 2030, la production de pétrole bitumineux augmenterait d’un facteur 2,5 par rapport à 2013 ; 72% de la production canadienne de pétrole proviendrait des sables bitumineux contre 54% aujourd’hui. Le quasi doublement de la production totale entre 2013 et 2030 vient donc essentiellement des sables bitumineux, la production de pétrole conventionnel atteignant un plateau de 1,5 millions de barils par jour. Il est toutefois possible que l’Est contribue davantage au final, selon le rapport de CAPP 2014, car de nouveaux gisements exploitables ont été identifiés en Atlantique.

Émissions cumulatives de GES liées aux projets d’augmentation de capacités de transport par oléoduc

Venons-en à notre question centrale, celle que l’Office national de l’énergie se refuse d’étudier pour Énergie Est ou Northern Gateway prétextant qu’elle sort de son mandat : quelle quantité de gaz à effet de serre pourrait être injectée dans l’atmosphère chaque année grâce à ces nouveaux pipelines ou ces projets d’expansion ? Et combien au total sur leur durée opérationnelle de 40 ans ? [2]

L’institut Pembina de Calgary a réalisé une intéressante étude à ce propos sur les émissions associées à la production des barils de pétrole qui transiteraient dans l’oléoduc Énergie Est. [3] Ce travail rigoureux et éclairant nous a servi de base pour estimer les émissions de GES des projets de nouveaux pipelines et d’expansion de pipelines existants dans le tableau ci-dessous.

Nous avons cependant voulu aller plus loin que Pembina en extrapolant les émissions liées à la combustion. Pembina s’est refusé à effectuer ce calcul dans son étude au motif que les émissions liées à la combustion sont attribuées à l’inventaire des émissions du pays dans lequel elles sont produites, selon les règles fixées par les Nations Unies pour la comptabilité des émissions.

Cette approche se justifie quand on veut attribuer les émissions nationalement et ce, afin d’éviter les doubles comptages. Mais à l’heure où il faut éliminer les émissions de GES partout sur la planète et donc se détourner résolument des énergies fossiles, il s’agit plutôt ici pour nous d’évaluer l’apport supplémentaire de dioxyde de carbone des nouveaux projets d’infrastructures sur l’ensemble de leur cycle de vie, du puits à la roue, afin d’obtenir une première estimation de leur contribution au budget carbone mondial limité qui nous est alloué si l’on veut éviter l’emballement climatique.

Afin d’évaluer le potentiel d’émissions à long terme sur la durée de vie des ouvrages, nous avons aussi effectué le calcul pour toute la durée opérationnelle de 40 ans prévue par TransCanada pour son pipeline Énergie Est. Cette valeur inscrite dans le temps doit toujours rester à l’esprit car elle représente la totalité des GES que le pipeline permettrait effectivement d’ajouter globalement dans un système climatique déjà saturé, alors même que les experts du climat du GIEC nous disent qu’il faut aller vers zéro émission le plus tôt possible dans la deuxième moitié du siècle.

Enfin, pour avoir une vue de l’ensemble de la croissance des émissions mondiales attribuables au Canada, nous avons fait le même exercice pour les autres projets de construction ou d’expansion de pipeline destiné à exploiter essentiellement le pétrole bitumineux de l’ouest canadien. Les résultats sont stupéfiants comme on peut le voir dans le tableau 2 suivant :

Tableau 2 : Capacités supplémentaires des projets de pipeline et émissions associées de GES, amont et aval, par an et sur 40 ans[4] 

Les lignes d’Énergie Est de TransCanada et ligne 9B d’Enbridge sont à examiner attentivement car elles correspondent aux projets concernant directement le Québec.

Voici quelques faits saillants :

 Les émissions amont uniquement de l’oléoduc Énergie Est (EE) sur 40 ans dépasseraient le milliard de tonnes de dioxyde de carbone équivalent (eq CO2) soit 13 fois les émissions totales du Québec de 2011 (81 millions de tonnes). La ligne 9B ajouterait 3 années d’émissions à ce chiffre.

 Les émissions totales amont et aval du pipeline EE sur 40 ans dépasseraient les 5,2 milliards de tonnes équivalent CO2, (GteqCO2) soit 64 fois les émissions du Québec de 2011. Cela donne une idée de l’énormité de cet oléoduc un tiers plus gros que Keystone XL.

 Sur 40 ans, les émissions combinées amont et aval d’Énergie Est et de la ligne 9B (6,6 GteqCO2) équivaudraient à 82 fois les émissions du Québec de 2011.

 Les émissions annuelles amont de l’ensemble des projets pipeliniers ajouteraient 103 Mt eq CO2 au bilan canadien soit 15% du total des émissions canadiennes de 2011.

 Mais sur 40 ans, les émissions uniquement amont de l’ensemble des projets donneraient 3,5 milliards de tonne de CO2 de plus, soit cinq fois les émissions canadiennes de 2011 (701 mt).

 Les émissions amont et aval de l’ensemble de ces projets s’élèveraient à près de 17,5 Gt eq CO2, et ajouteraient dans l’atmosphère l’équivalent de 25 années d’émissions canadiennes de 2011. 

Pour utiliser une comparaison souvent reprise, nous avons transposé ces émissions en nombre de voitures supplémentaires/an sur les routes dans le tableau suivant :

Tableau 3 : Équivalences des émissions de GES des oléoducs en nombre de voitures ajoutées sur les routes (amont et aval, par année et sur 40 ans) 

Faits saillants :

 Les émissions annuelles, amont uniquement, de tous ces projets ajouteraient l’équivalent de 25 millions de voitures tous les ans sur les routes du Canada.

 Sur 40 ans, les émissions amont seulement de l’ensemble des projets ajouteraient quelque 1,02 milliard de voitures, soit presque l’équivalent du parc mondial d’automobiles.

 Sur 40 ans, les émissions amont de GES d’Énergie Est ajouteraient l’équivalent de plus de 300 millions de véhicules légers sur les routes (16% de plus que le parc automobile étasunien).

 Sur 40 ans, les émissions amont et aval d’Énergie Est ajouteraient l’équivalent de plus 1,3 milliard d’automobiles (30% de plus que le parc mondial d’automobiles). 

 L’ensemble des projets de pipelines prévus dans ce tableau ajouteraient au total sur 40 ans l’équivalent des gaz à effet de serre de 4,3 milliards de voitures sur les routes soit plus de 4 fois le parc mondial d’automobiles…. 

Une part significative du budget carbone mondial

On voit que les émissions de dioxyde de carbone associées aux projets pipeliniers entraînant l’augmentation de la production de pétrole bitumineux sont majeures à l’échelle du Québec et du Canada.

Mais ce qui est plus surprenant c’est qu’elles le sont tout autant à l’échelle du budget carbone mondial. Dans un premier temps, voyons le tableau suivant qui nous permet de comprendre les différents chiffres qui circulent sur le budget carbone restreint qui nous est imparti si l’on veut tenter de limiter le réchauffement planétaire à une moyenne de 2°C d’ici 2100. 

Tableau 4 : Émissions cumulatives de CO2 compatibles avec la limitation du réchauffement à des seuils de température limite selon différents niveaux de probabilité (source Rapport synthèse du GIEC, AR5 2014)

Il faut lire ce tableau ainsi : 66% des modèles climatiques restent sous le seuil de 2°C en 2100 lorsque les émissions cumulatives depuis 1870 ne dépassent pas 2900 GtCO2. Mais pour obtenir que 66% des simulations restent sous la barre des 2 degrés d’ici la fin du siècle, le budget de CO2 de 2011 à 2100 doit être limité à 1000 GtCO2 selon la ligne des modèles complexes qui ont servi de base aux scénarios d’évolution du GIEC.
Or les réserves totales de carbone fossile disponibles en 2011 (dernière ligne), avec les technologies et les conditions d’opération existantes, sont de 3,7 à 7 fois plus importantes que le budget de 1000 GtCO2. Et les ressources de carbone fossile, potentiellement exploitables avec de nouvelles technologies ou des conditions économiques favorables, dépassent de 30 à 50 fois le budget carbone global alloué pour limiter la hausse moyenne à 2°C ! 

Les émissions ont continué à croître depuis 2011 et selon le GlobalCarbonProject, il faut retrancher quelque 108GtCO2 au solde du bilan qui est maintenant de 892 milliards de tonnes en 2015.

Autre « léger » détail à ne pas négliger : les émissions qui sont déjà engagées dans le système économique et climatique avec le parc technologique et d’infrastructures existant, donc qu’on ne peut pas éliminer du jour au lendemain. Par exemple les centrales thermiques, toutes énergies fossiles confondues, vont encore émettre 307 GtCO2 sur leur durée de vie selon une recherche de Steven Davis et Robert Socolow. Une autre équipe de chercheurs, Raupach et al, estime que les émissions totales déjà engagées dans le système, incluant le transport, s’élèvent à 729 GtCO2.

Et là, Houston, nous avons un gros problème. Si l’on retire du solde actuel de 892Gt les émissions déjà commises dans le système de 729Gt, il nous reste un petit 163Gtde marge, 163 milliards de tonnes de nouvelles émissions que l’humanité peut ajouter d’ici 2100 dans le système, soit l’équivalent de 4 ans d’émissions mondiales de 2015 !
Les projets de nouveaux pipelines et d’expansion d’anciens oléoducs qui sont en cours au Canada retrancheraient donc quelque 16 à 17,5Gt (selon que l’on inclue ou pas la ligne 9B) à un budget de 163 GtCO2 d’émissions admissibles, soit de 10 à 11% du budget total autorisé de nouvelles émissions pour le XXIe siècle. C’est énorme pour une population canadienne qui représente 0,5% de la population mondiale.
Nous comprenons ainsi mieux pourquoi cette question ne peut pas être traitée par l’Office national de l’énergie. L’instance supposée faire les évaluations environnementales des projets pipeliniers au Canada ne peut aborder un sujet environnemental si chaud, si brûlant, qu’il carboniserait littéralement les projets d’exploitation des sables bitumineux et les moyens d’en augmenter la production…

Notes

[1] Les projets ferroviaires comblant la différence pour frôler les 8 millions b/j de capacités de transport en 2030. Il faut ici prendre garde à ne pas confondre capacités de transport et volumes effectivement transportés. Les oléoducs transportent en général 80-85% de leurs capacités maximales.

[2] La durée de 40 ans est celle indiquée par TransCanada. Dans les faits il est très probable, si la ressource existe encore et est toujours en demande, que celle-ci soit prolongée. La ligne 9B d’Enbridge a 40 ans et vit une nouvelle jeunesse avec le projet d’inversion en cours.

[3] Flanagan Erin & Demerse Claire, Climate Implications of the Proposed Energy East Pipeline, A Preliminary Assessment, Pembina Institute, February 2014.

[4] Méthodologie : pour les fins de la présente approximation nous reprenons le scénario moyen 2 de l’étude citée de Pembina qui suppose qu’Énergie Est transporterait 50% de bitume dilué, 20% de pétrole conventionnel et 30% de pétrole synthétique. Pour évaluer les émissions de GES des autres pipelines nous avons emprunté les valeurs retenues par Pembina pour Énergie Est : facteur d’utilisation de 85%, mêmes types de pétrole et division du total des barils transportés par le facteur 11,15 résultant du calcul de Pembina entre le nombre de barils et le nombre de tonnes de GES émises. Pour les émissions aval – ici du raffinage à la combustion – nous avons multiplié les émissions amont par un facteur 5, valeur retenue par l’étude du service de recherche du congrès américain « Canadian OilSands : LifeCycle Assessments of Greenhouse Gas Emissions, March 2014, http://fas.org/sgp/crs/misc/R42537.pdf . Dans cette étude, il est relevé que 70 à 80% des émissions d’un baril de pétrole proviennent de la combustion ; nous avons retenu la valeur maximale de 80% pour tenir compte du raffinage.

Les valeurs du cycle complet amont et aval présentées avec cette méthode de calcul apparaissent très conservatrices lorsque comparées aux données du département d’État étasunien relatives à Keystone XL. Le rapport de janvier 2014 “Final Supplemental Environmental Impact Statement” du département d’État évaluait les émissions annuelles du projet de KXL selon l’analyse du cycle de vie (du puits à la roue) entre 147 et 168 Mt eqCO2/an. L’estimation ici avancée dans notre tableau pour ce même pipeline est de 115 Mt eqCO2/an. Soit une valeur presque 30% inférieure à la valeur la plus faible de l’estimation du Département d’État. Les émissions totales du cycle de vie d’un baril de pétrole bitumineux sont donc clairement sous-estimées dans notre tableau. L’écart s’explique vraisemblablement par une composition de pétrole bitumineux dilué -Dilbit- plus importante dans le cas de l’étude du Département d’État.

La durée d’opération de 40 ans est celle déclarée dans le projet de TransCanada pour Énergie Est. Nous avons reproduit cette durée d’opération pour l’ensemble des projets d’oléoducs. Les volumes indiqués pour Transmountain Exp. et Alberta Clipper Exp. correspondent uniquement aux volumes supplémentaires produits après la mise à niveau des oléoducs. Pour la ligne 9B, il aurait fallu en toute logique soustraire du volume d’émissions émanant du pétrole de l’ouest celles provenant du pétrole conventionnel importé qu’il remplace, mais ajouter l’intensité plus importante en carbone du pétrole bitumineux +17-20% et la capacité augmentée de la ligne 9B +25%. Nous avons voulu limiter la complexité des données présentées ici et donner le portrait général des émissions canadiennes liées aux oléoducs. Du reste, cela aurait changé marginalement le profil global des émissions présentées.

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