Tiré du blogue de l’auteur.
Résumé :
On n’aura jamais autant parlé de modèles et de courbes épidémiologiques et c’est peut être une bonne chose si cela permet de prendre conscience de ce que subit bon nombre de pays africains habitués aux apparitions dramatiques et récurrentes de virus que l’on peine à contenir. Pour autant le fait que pour une fois des pays développés soient les premiers à subir ce type de fléau à contribué à imposer, sous une pression médiatique constante et anxiogène des solutions radicales à des pays qui n’ont assurément pas les moyens d’en supporter les conséquences. Cette étude, sans vouloir minimiser l’impact possible d’un tel virus en termes de mortalité montre qu’il faut être très prudent dès lors que l’on interprète des modèles essentiellement mathématiques et construits en l’occurrence sur des hypothèses adaptées à des pays développés plutôt vieillissants.
Or l’influence de la pyramide des âges sur les taux de propagation et de mortalité s’avère prépondérante et doit être, de ce fait, prise en compte pour apporter une réponse adaptée aux différents contextes socio-économiques.
Peut-on vraiment faire confiance aux modèles de propagation ?
On ne peut pas dire que l’on manque d’épidémiologistes ces derniers temps. De nombreux modèles de propagation ont été établis depuis le début de la crise, dont certains très alarmistes ont conduit à prôner certaines solutions radicales, comme le confinement généralisé, que nous subissons tous. Le problème, très certainement, avec ces modèles est que vous trouverez toujours moyen de les faire coller à la réalité.
Un des premiers modèles à avoir été diffusé est celui de Neil Fergusson, épidémiologiste anglais, qui montrait que si on ne faisait rien le besoin en lits de réanimation pourrait atteindre près de 280 lits pour 100000 habitants alors que la capacité en France, par exemple, était inférieure à 10.
Ce Cassandre de l’épidémiologie a établit dès l’origine des projections particulièrement inquiétantes, et est devenu avec son modèle l’une des voix scientifiques les plus écoutées et les plus influentes dans le monde.
Figure 1 : Modèle de Fergusson établi en mars 2020
Le modèle produit par l’Imperial College de Londres à la mi-mars prévoyait ainsi un total de plus de 500 000 morts au Royaume Unis et de plus de 2.2 millions aux Etats Unis si aucune mesure n’était prise.
Un tel modèle fait objectivement peur. Pour autant, il a été conçu à une période où de très nombreux paramètres manquaient pour établir un modèle relativement réaliste et on peut s’étonner qu’on y ait prêté une telle attention.
Très honnêtement, la première fois que nous avons vu ce modèle nous nous sommes dit : « comment objectivement peut-on croire à ca ? Comment, alors qu’on est au début d’une épidémie que l’on ne connait pas, peut-on raisonnablement certifier que dans n’importe quel pays du monde, le nombre de cas critiques pour 100000 habitants va passer de 280 à 240 en fermant les écoles et les universités ? C’est pourtant ce que semble montrer les courbes de ce modèle. »
De fait comment ces modèles sont-ils globalement construits ?
Ils partent déjà du principe qu’un virus se propage nécessairement de façon systématiquement virale quelques soient les conditions. Ce qui déjà en-soi est intuitivement faux. Cette propagation virale théorique se détermine de fait par quelques variables qui sont par ailleurs très difficiles à garantir. Pour simplifier nous n’en retiendrons que trois :
– Le coefficient de contamination (R0), correspondant au nombre de personnes qu’un individu contagieux est susceptible de contaminer durant sa période de contagion ;
– La période durant laquelle un individu porteur n’est pas contagieux ;
– La période durant laquelle un individu contagieux peut contaminer un autre individu
C’est à partir de ces paramètres qu’un premier modèle estimatif peut être élaboré. On comprend bien qu’il est particulièrement difficile même d’un point de vue scientifique et même en se basant sur des comparaisons avec des virus similaires de garantir ces variables.
D’autant que ces variables sont elles même variables en fonction d’un individu plus ou moins symptomatique et de son environnement.
Dans notre modèle nous avons arrêté ces variables aux valeurs suivantes :
– R0 = 3.4
– Période de non contagion : 5 jours
– Période de contagion : 10 jours
C’est-à-dire qu’un individu contaminé va contaminer lui-même en moyenne 3.4 personnes entre le 6ème et le 15ème jour suivant sa propre contamination. Il contaminera donc en moyenne R0/10 individu chaque jour autour du 10ème jour de sa propre contamination. Ces estimations ne viennent pas de nulle part bien entendu et les virologues s’appuient sur des analogies avec des virus comparables mais à ce niveau de l’épidémie on reste sur un terrain particulièrement mouvant.
Selon ce principe, de façon relativement simple le nombre de nouvelles personnes contaminées le jour j (DNj) correspondra au nombre de personnes contagieuses le jour j (Cj) multiplié par R0/10. On aura ainsi :
Cj = (Dnj-6 + Dnj-7 + ………+Dnj-14 +Dnj-15)
et Dnj = (R0 /10) x Cj
Si on applique ce modèle ainsi en conservant le R0 au même niveau, la courbe s’envole de façon exponentielle. Il faut pondérer le R0 par rapport au pourcentage de population non infecté, ce qui semble logique (moins il y a d’individus à contaminer plus la contamination est difficile).
Le coefficient de propagation le jour j sera défini ainsi :
Rj = R0 x (Population non infectée le jour j / Population totale)
Le fait de pondérer ce coefficient par la population non infectée permet de ralentir la progression.
Quand Rj< 1, le nombre de contaminés dans la journée commence à baisser et l’épidémie devient sous contrôle. On parle d’immunité collective quand le pourcentage de la population infectée ou ayant été infectée est suffisamment important pour que le coefficient de contamination soit nul, c’est-à-dire que le virus n’est plus en mesure de se propager.
On entend parler de 70 % de population infectée, soit 30% de population non infectée pour atteindre cette immunité collective mais là encore c’est une vue de l’esprit, car tout dépend de la façon dont le coefficient de contagion régresse dans la réalité.
Dans l’exemple ci-dessous nous montrons une simulation de propagation sur une population de 1 million d’habitants. On constate que la contamination court environ sur 4 mois avec un début de courbe ascendante au 40ème jour environ.
Selon ce modèle plus de 95% de la population serait touché. Au pic de l’épidémie on aurait plus de 35000 cas quotidiens pour un million d’habitants.
Figure 2 : Exemple de propagation sur une population de 1 million de personnes
Le choix du R0 et la façon dont on lui affecte une dégressivité peut impacter de façon très spectaculaire la courbe. C’est pourquoi ces modèles sont très relatifs et à prendre avec beaucoup de précautions car ce coefficient est encore une vue de l’esprit qui peut être impacté de multiples manières et pas seulement en le pondérant par le pourcentage de population saine ou en le réduisant volontairement suite à une décision politique.
En fait toute la courbe et donc les statistiques de mortalité qui y sont associées dépendent de la façon dont on manipule ce coefficient de propagation. De modifier ne serait ce qu’un peu le mode de dégressivité du coefficient (la façon dont ce coefficient décroit) permet de « sauver » très vite quelques centaines de milliers de personnes.
Avec un tel modèle on arrive effectivement à une mortalité pour une population de 70 millions d’habitants de 350 000 morts , nombre assez proche de celui issu du modèle de Fergusson ce qui prouve que l’on parle bien de la même chose.
Selon ce modèle on aurait 35 000 cas quotidiens pour 1 million d’habitants au pic de la courbe ce qui nous amène quand même à 700 000 cas de contamination pour 20 millions d’habitants comme dans l’Etat de New York par exemple.
Pour autant, l’Etat de New York, particulièrement touché par l’épidémie comptabilisait au 29 avril près de 300 000 cas confirmés cumulés et enregistrait jusqu’à 11 000 cas quotidiens.
Si on considère une proportion de 80% d’asymptomatiques qui ne va pas se faire tester, le modèle tendrait à montrer que si on testait tous les cas symptomatiques on pourrait en dénombrer au pic jusqu’à 140 000 ce qui est encore largement au-dessus des 11 000 réels sauf à considérer que l’on ne teste que moins de 10% des cas symptomatiques ce qui n’est pas non plus totalement improbable. Disons qu’on n’en sait rien et c’est bien le fonds du problème.
Le fait est que ce rapport entre le nombre de personnes détectées positives et le nombre supposé de personnes réellement infectées demeure la grande inconnue et le restera en dehors de la mise en place d’un système d’évaluation généralisé à partir d’échantillonnages représentatifs, démarche qui n’a pas été engagée et on peut s’en étonner.
Ce rapport peut varier de 10 à 50 en fonction de l’interlocuteur. A ce niveau on ne parle plus de marge d’erreur mais d’océan d’incertitudes et c’est pourquoi il est préférable de s’attacher à des éléments plus tangibles ou du moins plus observables.
Le fait est que toute épidémie virale infectieuse a une évolution correspondant à une forme de cloche tout comme le modèle mathématique de propagation utilisé. D’où la tentation de vouloir rapprocher l’un de l’autre, ce qui paraît logique car la propagation répond en partie à une loi de propagation.
Sauf que dans un cas on a un phénomène viral, vivant, complexe et mal maîtrisé et de l’autre une courbe dépendant d’un seul paramètre sur lequel repose tous les ajustements un peu arbitraires qu’on lui soumet.
Pour notre part, c’est parceque nous nous sommes situés sur la fourchette haute de ce rapport (un coefficient multiplicateur plus proche de 50 que de 10) que nous avons, de façon intuitive placé le taux de mortalité plutôt autour de 0.5% que de 2 ou de 5%. Mais l’intuition n’est-elle pas la forme la plus raffinée du raisonnement ?
Il ne faudrait surtout pas croire que ces modèles sont pour autant inutiles, loin s’en faut. Ils permettent d’évaluer un aléa c’est-à-dire une probabilité qu’un événement se passe dans des circonstances plutôt défavorables, voire même extrêmes.
Les aléas de catastrophe naturelle par exemple n’ont pas la prétention de dire ce qui va se passer mais de prévenir, en cas de situation extrême, de ce qui pourrait se passer. L’aléa ne suffit pas d’ailleurs à qualifier le risque, faut il encore le combiner à la vulnérabilité sociale et économique et aux enjeux.
Considérer donc qu’une probabilité de contamination suffit à considérer un risque est très insuffisant et peut conduire à des mécanismes de réponse inappropriés.
Comme dans tout modèle, qu’on le traduise sous forme de courbe, de grille ou de carte l’interprétation vaut autant que la conception et la capacité à expliquer les écarts au modèle vaut autant que le modèle lui-même.
On l’a vu, on peut faire des prévisions alarmistes. Il n’est pas très difficile de faire monter les courbes en touchant à quelques paramètres mais il y a eu une certaine arrogance scientifique à laisser croire que les courbes calculées derrière un ordinateur, exercice auquel nous nous sommes également pliés, peuvent suffire à anticiper une propagation virale dont on sait qu’elle peut dépendre d’un environnement naturel instable.
Le débat survenu à la fin du mois d’avril sur la réouverture des écoles l’illustre parfaitement. Les premiers modèles considéraient que les jeunes enfants étaient particulièrement contagieux, avant que, suite à quelques études, les épidémiologistes inversent leur raisonnement.
On parle souvent de biais dans les modèles, correspondant aux effets pervers d’une variable. On aura toujours ces biais. Mais quand la modification minime d’un seul paramètre inverse la tendance d’une courbe, le moins que l’on puisse dire est qu’il faut être prudent avant de se lancer dans des interprétations et des anticipations définitives.
La question du nombre : entre réalité et fiction
Derrière ces modèles déjà incertains, on va appliquer un certain nombre de taux qui à priori sont mieux suivis car correspondant à une réalité observable. Il s’agit du taux d’hospitalisation, du taux de réanimation, du taux de mortalité. On va également pouvoir observer par exemple la typologie des personnes infectées (classe d’âge, état de santé,…).
Il s’agit là d’éléments observables. Une fois l’individu détecté on va pouvoir calculer la probabilité qu’il développe une forme sévère, voire très sévère et ce en fonction de son âge ou de ses antécédents médicaux.
Le taux d’hospitalisation demeure cependant très incertain car il dépend une fois encore du nombre réel de personnes infectées. Il semble qu’il ait fallu un certain temps pour que l’on découvre que pour calculer un taux il fallait un numérateur et un dénominateur.
Dans le cas du Covid 19, une des particularités est que les personnes asymptomatiques peuvent être contagieuses. C’est même l’essentiel des cas. On parle en France de 50 à 80% de personnes asymptomatiques.
On comprendra bien que si on cherche à calculer un taux par rapport au nombre de personnes infectées on sera confronté à la connaissance, même approximative, de cette quantité de personnes infectées. Or tous les taux avancés au fur et à mesure de la progression de l’épidémie étaient évalués sur la base d’un volume de personnes contaminées très incertain, même en ordre de grandeur.
Le problème est que tous les autres taux en découlent. Le taux de mortalité estimé est ainsi passé de 10% à l’origine, puis à 5%, puis à 2% avant d’être ramené plus surement autour de 0.5% vers la fin avril…soit 20 fois moins que ce qui était avancé au départ.
De la même façon, le taux de mortalité en réanimation a longtemps été annoncé comme tournant autour de 10% ce qui semblait très largement minoré par rapport à la réalité. Il était estimé autour de 40% fin avril.
La question du nombre s’est donc très vite posée. Comme nous l’avons dit, certains prétendaient qu’il y avait dix fois plus de cas réels que testés, d’autres cent fois. On reste quoiqu’il en soit dans des marges d’approximation très grandes. Trop grandes.
De mieux connaître ce taux d’infection permettrait pourtant d’affiner le modèle de propagation dont le coefficient de propagation est directement lié au pourcentage de personnes infectées ou ayant été infectées. Ca permettrait au moins de recalibrer les modèles.
La valse des chiffres a contribué à déraisonner, au moins dans l’imaginaire collectif, dans le sens ou le virus a été considéré comme particulièrement mortel. Or ce n’est pas tant la mortalité du virus qui est inquiétante que le taux d’hospitalisation particulièrement élevé qui l’accompagne et la mobilisation des équipements sanitaires qu’il impose.
Rappelons au passage que le virus Ebola par exemple à un taux de mortalité estimé entre 50 et 70% alors que dans 85% des cas, une infection au Covid 19 se traduit par des symptômes mineurs voire inexistants. Ca ne veut certainement pas dire qu’il faut minimiser l’impact de ce virus mais qu’il ne faut pas non plus se tromper de cible. C’est bien notre système hospitalier qui apparaît défaillant et inadapté pour accueillir des hospitalisations longues.
Il a donc bien fallu estimer le taux de cas sévères et très sévères. Présenté ainsi, cette définition des taux évite de distinguer ce qui relève ou non du circuit hospitalier. On pourra affiner au besoin en considérant que 40% des décès se font en dehors de l’hôpital (dans les EPADH en particulier).
Dans un modèle appliqué à la France, nous avons estimé ces trois taux à des niveaux, qui, il faut bien le reconnaître, divergeaient notablement de ceux présentés dans un premier temps par le comité scientifique (qui ne cesse cependant d’ajuster ces chiffres).
– Th (Taux de cas sévères par rapport aux personnes contaminées) = 5%
– Tr (Taux de cas en détresse respiratoire par rapport aux cas sévères) = 20%
– Tm (Taux de mortalité par rapport aux cas en détresse respiratoire) = 50%
Nous sommes sur cette base à un taux de mortalité de 0.5% par rapport aux personnes contaminées. Cela peut sembler faible mais on constate que la tendance tire vers ces évaluations.
Il faut bien comprendre que ces taux (5/20/50) ne sont pas des valeurs fixes liées à la dangerosité du virus. Ils dépendent directement de la susceptibilité d’une population à ce virus. C’est la un point essentiel qui explique pourquoi on se perd en conjecture alors que ces valeurs sont étroitement liées à un contexte et une population.
Sur un type de population (tranche d’âge, antécédents médicaux,…), l’observation des taux permet cependant d’effectuer une typologie des gens infectés selon le degré de gravité des symptômes observés.
Notre approche est donc plutôt de partir de cette répartition qu’on observe à l’hôpital pour l’appliquer à des contextes de répartition démographique différents et que, pour le coup, on connait bien.
Impact de l’âge et d’autres facteurs connus sur la gravité de l’infection
Plus intéressant à notre niveau va donc être l’exploitation des taux que l’on est en mesure de maîtriser et qui sont très riches d’enseignement. En les exploitant mieux on aurait sans doute évité d’appliquer de façon indifférenciée des mêmes stratégies pour des situations très différentes.
Le graphique ci-dessous montre une simulation d’évolution des cas sévères et très sévères et le cumul des décès pour un million d’habitants dans un pays comme la France. Ce graphique part d’une répartition par âge de 80% de personnes de moins de 65 ans et de 20% de personnes de plus de 65 ans.
On constate une mortalité de près de 5000 décès pour 1 Million d’habitants (on reste sur le modèle initial assez alarmiste…).
Figure 4 : Évolution des cas en fonction de leur sévérité pour 1M d’habitants
Si on reprend les différents taux présentés précédemment pour la France, on aura la répartition suivante par tranche d’âge en cas de contamination :
Par rapport à la pyramide des âges, on inverse au niveau des cas sévères les proportions par classe d’âge. L’impact de l’âge est encore plus marquant dans les cas très sévères (nécessitant une réanimation). C’est là un point essentiel qui a eu tendance à être minimisé sans doute pour que la population se sente impliquée dans son ensemble, ce que l’on peut comprendre.
Pour autant il est facile à comprendre que pour une pyramide des âges différente les taux de cas sévères et très sévères vont très largement être modifiés.
Nous présentons ci-dessous deux pyramides des âges : la première en France qui apparait très évasée autour de la cinquantaine (et qui de ce point de vue ne ressemble pas vraiment à une pyramide) et la seconde à Kinshasa, représentative de ce que l’on observe en Afrique Centrale qui apparaît réellement comme une pyramide.
Figure 5 : Comparaison entre pyramides des âges (France / RDC)
Ainsi, en Afrique centrale la proportion de personnes de plus de 65 ans est de 1.5%, pour 20% en France.
Quel impact cette configuration a sur les différents taux présentés précédemment ? Prenons un exemple avec 1million d’habitants pour avoir une vision plus claire :
Le principe est de dire que pour une population de moins de 65 ans si on a 15000 cas sévères pour 800 000 contaminations (comme ce que l’on observe en France), en Afrique centrale on aura (985000 x 15000)/800000= 18000 cas sévères (arrondi) pour cette même tranche d’âge.
On voit donc qu’en passant d’une répartition de la population autours de 65 ans de 80/20 à 98.5/1.5 nos différents taux passent respectivement de 5%, 20%, 50% à 2%, 9% et 35% (en arrondi)
De même, là où on avait 0.5% de mortalité en France, sur une pyramide des âges « africaine » on arrive à un taux de mortalité de 0.1 % et la répartition +/- 65 ans est largement modifiée du fait de la forte proportion de population jeune.
Nous le répétons, l’idée n’est pas ici de vouloir minimiser un phénomène pandémique bien réel et par certains cotés souterrain mais de relativiser son impact en fonction du contexte.
La carte ci-dessous illustre l’âge médian par pays. Très clairement l’Afrique et en particulier l’Afrique centrale forestière ressort comme particulièrement jeune avec un âge médian situé entre 14 et 20 ans, là ou en Europe il se situe au-dessus de 40 ans.
Il est clair que les stratégies à mener dans la lutte contre une telle pandémie ne sauraient s’affranchir de cette simple constatation.
Alors qu’on connait l’importance du critère de l’âge dans la sévérité de ce virus, comment imaginer que l’on cherche à appliquer les mêmes réponses à des contextes démographiques aussi différents ?
Figure 6 : Âge médian par pays - CLA World 2018
Cette corrélation avec l’âge n’est pas la seule qu’on peut mettre en évidence. On parle beaucoup de co-morbidité, en en particulier de l’impact du diabète ou de l’obésité sur l’évolution de l’infection.
La carte ci-dessous montre qu’il y a plus de 30% d’obèses aux Etats Unis et que la situation est également assez inquiétante en Europe de l’Ouest et dans certains pays d’Amérique du Sud et du Moyen Orient.
Figure 7 : Obésité chez les adultes (%) - CLA 2013
Il est assez significatif que 2 des pays les plus touchés en Afrique par le Covid 19, même si c’est très relatif sont le l’Egypte et l’Afrique du Sud (respectivement 359 et 93 morts au 29 avril 2020). Ces pays sont les 2 seuls à présenter des taux d’obésité supérieurs à 30%.
Rappelons que le diabète fait environ 1 mort toutes les 6 secondes dans le monde. Le sucre n’est pas un virus, certes, mais peut représenter une drogue autrement plus mortelle.
Un troisième facteur que l’on pourrait prendre en considération est la densité de population. La densité est toujours difficile à appréhender si on se contente de la représenter come un rapport entre une population et un Etat. La carte ci-dessous est un modèle continu de densité (la densité est recalculée sur chaque valeur de pixel ce qui permet de mieux appréhender la répartition de la population.
Figure 8 : Modèle de densité de population (hab/km²) - RTBF — CC BY
On peut aisément comprendre qu’un virus se propage plus aisément au milieu d’une population dense et de fait les pays le plus touchés par le Covid 19 présentent une population parmi les plus denses du monde (Europe de l’Ouest, Est de la Chine, Littoral Est et Ouest des Etats Unis).
Un seul facteur pris isolément n’est évidemment pas suffisant pour expliquer l’ampleur et la gravité d’une pandémie. En l’occurrence, l’Inde, pays très densément peuplé (près de 400 habitants/km²) est pourtant touchée de façon secondaire par le virus (1000 morts au 29 avril 2020 pour 1.3 Milliard d’habitants soit moins d’1 personne pour 1 million).
La densité est un facteur qui influe sur la rapidité de la propagation mais pas sur la dangerosité du virus en dehors du fait qu’une progression rapide congestionne plus rapidement les hôpitaux (et peux de ce fait engendrer une surmortalité en milieu hospitalier).
En combinant ces trois critères sur des zones géographiques homogènes on peut établir le tableau suivant (plus il y a de pouces rouges plus les causes de développement du virus sont réunies) :
Cette approche peut sembler un peu simpliste mais elle est en cohérence avec la carte de situation épidémiologiste mondiale au 29/04/2020 comme le montre la carte ci-dessous.
Figure 9 : Carte de la situation épidémiologique du Covid 19 au 29/04/2020 - Johns Hopkins CSSE
On peut toujours contester cette carte en prétextant que le virus ne s’est pas encore répandu en Afrique comme en Chine, en Europe de l’Ouest ou aux Etats Unis mais le fait est qu’au 1er mai l’Afrique a beaucoup plus à craindre d’autres épidémies que de celle du Covid 19.
D’autres facteurs pourraient être intéressants à corréler avec la propagation du virus tant dans sa vitesse que dans sa gravité. Pour cela les théories n’ont pas manquées :
– Le climat et la perméabilité de l’atmosphère aux UVs
– Les défenses immunitaires contre le paludisme
– La densité du trafic aérien
Sur ce dernier point la décision de l’essentiel des pays africains de bloquer, au tout début de l’épidémie en Europe, les échanges internationaux a clairement été une décision qui a permis d’empêcher une propagation rapide sur le continent Africain.
Un impact très amoindri en Afrique
En reprenant les taux calculés dans le chapitre précédent on peut tenter de les appliquer au cas d’une ville africaine de 1 million d’habitants.
Comme nous le disions la répartition de la population est de 98.5% de personnes de moins de 65 ans et 1.5% de personnes de plus de 65 ans.
Les graphiques ci-dessous montrent l’évolution des cas sévères, très sévères et de la mortalité. L’inversion des tranches d’âge concernées est très nette d’un graphique à l’autre.
Figure 10 : Évolution du nombre de cas sévères pour 1 million d’habitants dans une ville africaine
Figure 11 : Évolution du nombre de cas très sévères pour 1 million d’habitants dans une ville africaine
Figure 12 : Évolution du nombre décès pour 1 million d’habitants dans une ville africaine
Encore une fois nous ne rentrerons pas dans le débat sur la pertinence des paramètres.
Mais on voit bien l’importance du critère de l’âge (qui lui est totalement objectif). On passe ainsi de 5000 morts (figure 5) à 650 (figure 13). Signalons que dans tous ces modèles on part d’un R0 de 3.4 qui est sans doute surestimé.
Il parait quoiqu’il en soit aberrant de vouloir appliquer un raisonnement identique quelque soit la type de la population. Or c’est bien ce qui a été fait en Afrique globalement avec des déclarations particulièrement alarmistes annonçant une catastrophe humanitaire sans précédent.
On peut s’accorder sur le fait que les capacités sanitaires de la grande majorité des pays africains et en particulier ceux d’Afrique Centrale sont insuffisantes pour ne pas dire inexistantes et ne pourraient faire face à une pandémie majeure.
Durant plusieurs mois, l’OMS, les médias internationaux comme RFI mais aussi l’Institut Pasteur du Sénégal n’ont cessé de mettre en garde contre une arrivée prochaine du virus sur le continent Africain qui se traduirait inévitablement par une hécatombe.
Ces effets d’annonce ont eu dans un premier temps l’effet positif d’obliger les différents Etats à prendre des mesures de précaution comme la fermeture des frontières, le contrôle strict aux aéroports, la mise en place de mesures barrières et parfois même la mise en place de couvre-feu.
Ces mesures de précaution ont été nécessaires dans le doute et contrairement à ce qu’on pourrait croire les pays Africains, assez coutumiers des épidémies (choléra, rougeole, Ebola,…), prennent toujours très au sérieux ce type de mesures.
Les contrôles sanitaires aux frontières sont très réguliers en Afrique là ou à Roissy par exemple le flot de passagers a continué de se déverser sans contrôle alors que l’épidémie avait déjà commencé à prendre une proportion inquiétante en Italie.
Ceci dit, le moins que l’on puisse dire est que presque deux mois après l’identification des premiers cas, le virus a bien du mal à se propager en Afrique. A la mi-avril nous entendions le directeur de l’Institut Pasteur du Sénégal relayé par RFI dire que la courbe des infections entamait « une ascension vertigineuse ».
Or on en est loin. Les modèles de propagation ci-dessus ne sont que théoriques. Ils ne se vérifient pas pour l’instant sur le terrain. Quoiqu’il en soit, compte tenu de la pyramide des âges la propagation réelle de l’épidémie ne se traduirait pas par une hécatombe (1000 morts pour 1 million d’habitants, au pire des cas, c’est-à-dire en se plaçant sur les fourchettes hautes du modèle et sans être en mesure de soigner les cas très sévères).
Pour une ville comme Libreville au Gabon (800000 habitants) qui s’est imposée un des confinements les plus stricts durant 2 semaines (entre le 12 et le 26 avril 2020) avant d’y renoncer on pourrait déplorer, à terme, près de 700 000 contaminations pour au final 500 morts dont la moitié de plus de 65 ans et présentant souvent des causes de co-morbidité. Si l’épidémie avait vraiment pris dans ce pays, après un mois, on devrait constater des milliers de nouvelles contaminations chaque jour dont peut être 10% de détectées, soit des centaines de cas. On prétextera que le Gabon n’est pas en mesure de mener ces tests à grande échelle (comme en France d’ailleurs). Officiellement il y a au 1er mai environ 280 cas détectés cumulés pour 3 morts. On n’est quand même loin d’une épidémie ravageuse.
Ce constat, on pourrait le faire pour Kinshasa qui compte dix millions d’habitants et qui ne déplorait au 1er mai 2020 que 25 morts. Tout cela peut évoluer bien sur et loin de nous de vouloir minimiser quoique ce soit, mais pour des pays, en particulier comme la RDC, qui doivent faire face de façon récurrente à des épidémies autrement plus mortelles, il est difficile de faire admettre cet emballement pour un virus plus sournois, certes, mais qui semble ne pas se propager dans ces pays à ce jour. Pourtant compte tenu de la promiscuité et de la densité de population le virus devrait se répandre à vive allure.
Nous nous garderons bien de dire que le virus ne va pas prendre en Afrique. En revanche, et sur ce point, on peut quand même avancer quelques certitudes, il n’aura pas la même létalité qu’en Europe.
En résumé, il est assez difficile de comprendre cette approche uniforme appuyée sur une terminologie globalisante, la pandémie, comme si cette dernière se répandait de façon indifférenciée sous toutes les latitudes.
D’une part, le virus, comme on vient de le voir, n’a pas le même impact en fonction du type de population et d’autre part, l’appréhension de la gravité du virus varie très fortement d’un pays à l’autre selon la confiance que la population accorde à ses gouvernants.
Le confinement généralisé, la meilleure et la pire des solutions
Une fois ce raisonnement fait, la réflexion se doit d’être nécessairement plus relativiste. Tous les pays n’ont d’ailleurs pas réagi de la même façon pour limiter la propagation du virus, preuve qu’il n’y a pas qu’une façon d’aborder le problème.
Il est très difficile de dire en pareil cas ce que l’on aurait pu ou du faire. Ce sont clairement des choix difficiles et chaque décision relève d’une sorte de pari sur l’avenir. En Europe en fonction de la culture politique, différentes décisions ont été prises parfois exacerbées par une pression médiatique constante.
Même si en façade le politique mettra toujours en avant le bien être des populations et l’aspect sanitaire, il ne peut s’abstraire des considérations sociales, économiques et bien sur politiques.
Certains pays comme l’Islande, la Suède, la Corée du Sud ont clairement délégué les décisions à un comité scientifique autonome et se sont orientés vers des réponses qui sont apparues pour beaucoup comme iconoclastes.
L’idée ici n’est pas de dire qui a pris la meilleure solution mais de bien comprendre dans quel esprit ces mesures ont été prises. La Suède a par exemple clairement fait le choix du non-confinement en espérant soit cette fameuse immunité collective qui empêche de facto le virus de se propager, soit que le virus disparaisse de lui même. On peut se contenter de constater que la Suède au 1er Mai comptait 5 fois plus de morts par rapport à sa population que son voisin norvégien qui avait au contraire fait le choix d’un confinement stricte.
La réponse du gouvernement suédois a été à ce niveau assez intéressante :
« Il ne s’agit pas d’un sprint mais d’une course de fond ».
Les décisions qui ont été prises relèvent d’un certain biais cognitif bien connu qu’il est intéressant de rappeler. Même si cela peut paraître tout à fait secondaire ce biais explique pourquoi de telles décisions aussi radicales ont été prises alors que les causes de mortalité auxquelles les politiques pourraient s’attaquer ne manquent pas (pollution atmosphérique, pulvérisation d’engrais, prolifération des sodas, cigarettes et alcool, …).
De quoi s’agit-il ? Supposez qu’il y ait 4 personnes sur un rail et 1 personne sur 1 autre rail et que vous devez décider quel rail va emprunter le train qui arrive à grande vitesse. Sans réfléchir vous l’orientez vers le rail ou il n’y a qu’une personne pour sauver les 4 autres. En revanche si vous êtes sur un pont et que le train arrive alors qu’au-delà du pont vous savez qu’il y a 4 personnes et que pour bloquer le train, la seul solution qui s’offre à vous est de pousser votre voisin depuis le pont sous le train, vous ne le faites pas et vous sacrifiez 4 personnes. Cela peut paraitre un peu abrupt mais c’est exactement ce qui se passe dans nos hôpitaux. Il est intolérable d’imaginer que l’on ait à faire ce type de choix, à sacrifier une personne pour en sauver une autre. C’est un choix que nos sociétés policées ne peuvent plus faire. On peut s’en réjouir et considérer qu’il s’agit là d’une évolution humaniste de la société mais il faut toujours avoir en tête que le remède peut parfois être pire que le mal.
De fait, le confinement généralisé est à la fois la meilleure et la pire des solutions. L’enjeu d’un confinement est d’amortir les flux de malades dans des hôpitaux surchargés. En limitant de façon autoritaire le nombre de contacts, on fait baisser de facto le coefficient naturel de propagation.
L’Institut Pasteur a estimé ainsi qu’en France le confinement a permis de faire baisser ce coefficient de 3.4 à 0.5 (la modélisation de l’être humain a encore de beaux jours devant elle). De ce point de vue, si on n’a pas le choix, le confinement généralisé demeure la meilleure des solutions et il fait ses preuves pour peu qu’on l’utilise de façon exceptionnelle et très temporaire.
Mais c’est également la pire des solutions pour différentes raisons :
1- Il ne règle pas le problème et se contente de le déporter au moment du déconfinement : Si modéliser une propagation virale n’est pas chose aisée, modéliser un déconfinement est encore bien plus ardu. Le déconfinement est un curseur qu’il faut déplacer avec précaution pour éviter de connaître une éventuelle nouvelle flambée virale, qui n’est pas certaine ceci dit ;
2- Ce qui est certain en revanche est qu’il a un impact non évalué au niveau social et humain : L’urgence a empêché de faire des études d’impact d’un confinement mais on aurait pu s’attendre après quelques semaines à disposer de quelques évaluations. Ca a fini par venir mais très tardivement. Pourtant les risques sont majeurs et si les scientifiques font preuve d’honnêteté intellectuelle il faudra évaluer les morts dus au confinement. Après un mois de confinement les consultations pour problème cardiaque ou AVC avaient diminué de 50%, pour des appendicites de 30%...Ces problèmes vont douloureusement resurgir plusieurs mois après la fin de l’épidémie. On pourrait parler aussi de la recrudescence de la violence à l’égard des personnes vulnérables, des femmes, des enfants…Si on aime les chiffres, il va falloir aussi le chiffrer. C’est à cela que pensait certainement le gouvernement suédois en parlant de « course de fond »
Il a un impact économique majeur : dès lors que l’on parle de sauver des vies humaines, il est humain de mettre sous l’éteignoir les aspects économiques. Mais tuer des entreprises c’est aussi tuer des êtres humains qui vont plonger dans une paupérisation accélérée en particulier dans les pays ou il n’y a pas ou peu de protection sociale comme aux Etats Unis. Sans parler du déficit massif qui va empêcher d’investir précisément dans les services publics qui en auraient bien besoin…
Alors pourquoi un confinement strict en Afrique sub-saharienne ?
Pour quelles raisons bon nombre de pays d’Afrique subsaharienne ont imposé à leur population un confinement strict alors que de la propagation du virus dans ces pays était pour le moins très limitée et que le risque était bien moindre qu’en Europe en termes de mortalité ? C’est une vraie interrogation.
Une forme de suivisme sans doute, de peur aussi et de pression médiatique certainement. Des raisons aussi peut-être plus inavouables, c’est difficile à dire mais on a du mal à comprendre pourquoi des pays aussi fragiles imposent à leur population active une telle épreuve pour un bénéfice totalement illusoire.
Le matraquage médiatique particulièrement anxiogène n’explique pas tout (les chaînes françaises sont diffusées en Afrique via le bouquet Canal + proposé par le groupe Bolloré). Après tout, ces pays sont indépendants et sont libres de choisir la façon la plus appropriée de se protéger.
Replaçons-nous dans le contexte de l’Afrique centrale. Que ce soit au Cameroun, en RDC, au Congo ou au Gabon, pour ne parler que de ces pays, il n’y a pas d’eau courante en ville, pas simplement dans les quartiers populaires mais parfois même dans les quartiers résidentiels. Il n’y a pas d’eau courante à un point ou on en oublie parfois qu’en tournant un robinet il peut y avoir de l’eau qui sort d’un tuyau. Les habitants de logements précaires qui ne sont pas équipés de cuves et de surpresseurs peuvent parfois attendre des semaines avant d’espérer voir couler l’eau pendant quelques heures au milieu de la nuit.
Figure 13 : La bataille pour l’eau dans un quartier populaire de Kinshasa
Voila la réalité. Si à cela on ajoute des conditions sanitaires déplorables dans les quartiers populaires et une promiscuité que bon nombre d’européens serait incapable de tolérer, une précarité de tous les instants obligeant les gens à travailler au jour le jour la moitié du temps de façon informelle, comment peut on imaginer qu’un confinement strict soit une chose imaginable.
Il n’est pas inutile de rappeler que l’on parle de pays qui connaissent encore des taux de mortalité infantile extrêmement élevés (50 pour 1000).
On pourrait également parler du paludisme qui fait autour de 400 000 morts par an dont 90% en Afrique et qui concerne au 2/3 des enfants de moins de 5 ans, la rougeole qui a fait 140 000 morts en 2018 dont une bonne partie en Afrique et 6000 morts rien qu’en RDC en 2019 dans l’indifférence générale, le choléra, le virus Ebola …
Pourtant les décisions de confiner des populations précaires continuent d’être imposées à des populations fragiles, encouragées dans ce sens par la communauté internationale et l’OMS en tête.
Non seulement le confinement est une hérésie dans les villes africaines d’un point de vue humain mais il n’a en plus aucune chance d’être respecté et s’il l’était il n’aurait rigoureusement aucun impact compte tenu de la promiscuité qui caractérise les quartiers populaires de ces villes.
En gros la consigne c’est : "si vous voulez éventuellement protéger des vieux que vous n’avez plus, cessez de nourrir et soigner vos enfants".
Comment peut-on tenir un tel discours ? Faut-il ne pas connaître sa propre population pour que des gouvernements lui imposent cette condamnation ? Comment l’OMS peut encourager la RDC à confiner sa population alors que le choléra continue d’y sévir ?
Les mesures « compensatoires » imaginées par les Etats sont à l’image du décalage abyssal entre des pseudos élites et leur propre population. Transport public gratuit en oubliant qu’il n’y a pas de transport public, compensation financière à des entreprises alors que la moitié d’entres elles sont dans le secteur informel et donc non déclarées, bons d’achat alimentaire ayant fait rapidement l’objet de marché noir,…
Tout cela dépasse l’entendement. C’est comme si l’Afrique se grandissait à s’imposer contre toute raison la position des pays dits développés. Ne cherche telle pas à gagner des galons de respectabilité et de responsabilité quitte à sacrifier sa propre population ? Sauf à penser, et c’est l’idée qui se répand parmi les populations impactées que le seul objectif est d’attirer des fonds et d’accélérer une suppression de la dette.
Le seul constat objectif que l’on peut faire est qu’on impose ces confinements alors que l’épidémie ne prend dans aucun pays d’Afrique noire, du moins certainement pas selon la même propagation ni la même létalité qu’en Europe de l’Ouest. Pourrait-on imaginer qu’en France on prendrait de telles décisions si après deux mois de présence du virus nous ne devions regretter que 9 morts comme au Sénégal, 25 morts en RDC, 3 morts au Gabon,… ?
Par tropisme hélas ces pays suivent les consignes prises en d’autres lieux au risque de précariser un peu plus une population vivant au jour le jour. Les émeutes pour se nourrir feront mécaniquement cesser ces décisions absurdes, contre productives, contraires en plus à tout jugement rationnel et disons le clairement assassines.
Ce qui est inquiétant, c’est que ces décisions sont prises alors qu’on ne dénombre que quelques morts. Si au Gabon une telle décision a été prise pour 3 morts qu’en sera-t-il si ce pays déplore des dizaines de décès comme ce pourrait être le cas si on se réfère au modèle présenté précédemment.
Les gouvernements d’Afrique centrale seraient mieux inspirés de s’en tenir à des mesures de précaution et de profiter de la situation pour garantir l’eau courante dans tous les quartiers et imposer des règles sanitaires dans les lieux publics et dans les marchés. L’objectif dans ces pays n’est donc pas tant de confiner de façon généralisée mais de cibler les actions sur les personnes cibles, à savoir celles de plus de 65 ans et diabétiques (ou atteintes d’une autre cause de co-morbidité).
Conclusion
Alors que l’on vit une période sans précédent, pas tant d’ailleurs du fait de la gravité du virus mais de sa couverture médiatique et des dispositions inédites qui ont été prises au niveau mondial, on ne peut que regretter une vision autocentrée virant à une forme d’arrogance alors que s’ouvre à nous un champ d’investigation intellectuel extraordinaire.
Il ne faudrait pas que la tentation de construire une histoire immédiate, apportant son lot quotidien de rebondissements empêche de laisser le temps à la réflexion et au raisonnement même si l’urgence de la situation oblige les scientifiques à modifier leur mode de fonctionnement.
L’épidémiologie, longtemps parent pauvre des disciplines médicales, est apparue soudainement sur le devant de la scène pour répondre par ses courbes et ses modèles aux problèmes posés par une pandémie que personne n’attendait.
Pour autant, les courbes de propagation ne relèvent que de projections mathématiques alimentées par des variables souvent inconnues. Les modèles indiquent un risque de propagation mais ne sauraient en aucun cas anticiper la façon dont un virus va se comporter. Un virus apparait et disparait de façon parfois incompréhensible. De ce point de vue heureusement qu’on n’attend pas après un vaccin ou une « immunité collective » pour espérer stopper une épidémie d’Ebola.
Le fait que cette pandémie s’attaque de façon aussi nette aux pays les plus riches de la planète lui a conféré une sorte de rayonnement planétaire. Riche ou pauvre chacun devait se sentir concerné. Les solutions devaient être à la hauteur de la crise quitte à être brutales pour les populations.
Sauf qu’il n’est pas de bonnes solutions, il n’est que des contextes dans lesquels elles ont un sens d’être mises en œuvre. Le confinement généralisé peut ainsi être une solution des plus dramatiques pour certains pays en voie de développement. On ne peut imaginer, nous européens, ce que certaines familles ont pu subir pendant ce confinement dans certaines villes africaines.
Elles n’ont certainement pas salué la bienveillance de leur gouvernement pour les protéger d’un virus qui peine à faire les ravages annoncés mais qui, en tout état de cause seront bien moindres que ceux provoqués par un confinement absurde.
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