Mais tout le monde est conscient que nous sommes dans une phase de développement et de consolidation et que le processus n’est pas définitivement au point. Nous constatons un large accord avec les idées de base du Manifeste (http://www.vientosur.info/spip.php?article7858) et une acceptation de la direction ouverte exercé par les deux personnes qui ont lancé le processus. Il serait irréaliste de s’attendre à quoi que ce soit d’autre à ce stade. Mais on a exprimé à plusieurs reprises que les premières idées se sont transformées en accords plus élaborés, discutés collectivement et démocratiquement acceptés et que, dans ce processus, il est important d’exprimer ses accords et ses désaccords. Dans ce contexte, nous soumettons ces réflexions sur les défis auxquels aura à faire face le processus constituant catalan.
La première est que le processus constitutionnel est une nécessité.
Dans la situation actuelle de crise économique, politique, sociale et culturelle, le principal facteur qui permettra une sortie favorable aux oppriméEs est de nature politique : il faut une alternative politique et électorale ayant une force suffisante pour se porter candidate au pouvoir, et ayant l’intention claire de défendre les besoins de la majorité de la population contre les diktats de la troïka, contre les restrictions démocratiques et contre une constitution rigide héritée du franquisme. Cette politique doit briser le système des partis qui s’assure l’alternance au pouvoir, et la continuité de l’exploitation et de l’oppression de ceux d’en bas. Cette nouvelle alternative devra stimuler les processus constituants de la nouvelle majorité sociale, une nouvelle politique économique, sociale et culturelle, et un nouveau régime politique démocratique. Mais le facteur décisif sera la construction de cette alternative.
En ce moment, il y a une possibilité, et nous ne pouvons pas savoir combien de temps elle persistera, de commencer à construire cette alternative politique et électorale. En effet, depuis les élections régionales du 25/11/2012, le système des partis catalans est devenu instable et est entré en crise. Les sondages des CEO / 1 montrent que l’ERC [1] a supplanté le CiU [2] Le PSC [3] a continué sa chute et il y a une amélioration des intentions de vote en faveur de ICV-EUiA [4] et de la CUP [5]. Il ne s’agit pas de faire confiance aux sondages, mais ces affirmations semblent refléter raisonnablement des tendances de fond. Le CiU est tenu responsable des effets de la crise ; il est touché par la corruption. Il est faible et divisé à propos de la revendication d’indépendance. L’ERC n’assume pas de responsabilités gouvernementales (bien qu’il soutienne le CiU) et il apparaît comme cohérent dans la question de la consultation. Il est clair qu’il n’y a pas d’alternative face au développement économique et social. Le PSC n’est pas une alternative à aucun niveau. Il est profondément divisé et sa relation avec le PSOE est en crise. L’ICV-EUiA et la CUP, avec des différences notables, apparaissent comme des partisans de la consultation, opposés aux coupures et en appui aux revendications des mouvements sociaux, L’ICV-EUiA dépasse le PSC au niveau des intentions de vote (7,4 contre 6,9 dans le dernier sondage du CEO) et le CUP maintient sa progression (4,8%).
Si les choses continuent comme avant, le changement qui semble possible en Catalogne est une substitution de l’hégémonie du CiU par celle de l’ERC, soit une radicalisation sur le thème de la question nationale avec une continuité sur le terrain économique et social. Dans le meilleur des cas, aucun changement politique sans changement social.
Face à cette perspective, il ne semble pas que l’ICV-UIiA et la CUP puissent représenter à moyen terme une alternative, que se soient ensemble ou de façon séparée. Rien ne prouve qu’ils envisagent la nécessité d’une telle unité, et il n’est pas clair que l’ ICV-EUiA favorise la rupture (même s’il y a des secteurs qui poussent dans cette direction). En tout cas, il ne semble pas qu’une coalition hypothétique de ces partis puisse porter la volonté de changement exprimée par les militantEs de nombreux mouvements sociaux. Il y a une fenêtre d’opportunité pour une proposition comme celle du Processus constituant : un programme de rupture claire sur les terrains national, politique, économique, social et culturel ; la création d’un cadre unitaire large, dans lequel participeraient ou collaboreraient les partis qui partagent cette orientation, mais qui intégreraient les personnes et les militantEs des mouvements sociaux qui veulent une autre forme de politique qui se fait à partir d’en bas.
Je pense que le Processus constituant a éveillé l’espoir et soulevé la possibilité de cette alternative de rupture, participative et unitaire. Transformer cet espoir en avancées concrètes pose plusieurs défis extraordinaires parce que, malgré tout ce qui a été fait, beaucoup reste à faire. Dans ce qui suit, nous tentons de formuler trois de ces défis.
Quelle place veut occuper le processus constituant dans le contexte politique actuel ?
Dans des secteurs de L’ ICV-EUiA et de la CUP, le Processus est vu comme une tentative de créer une autre alternative politique, en concurrence, quelque chose qui se construit pour contester l’espace politique ou une partie de celui-ci. Si le processus se définit ainsi, ce serait une perversion des attentes, débouchant sur un échec, parce que le but devrait être d’élargir, de renforcer et d’unifier les options de rupture ou potentiellement de rupture qui existent.
Toutefois, afin de développer son potentiel, le Processus constituant doit se construire en regroupant ses adhérentEs dans des assemblées de base. Et il est presque inévitable que cela produise des craintes chez les forces politiques existantes ; et des tensions à l’intérieur lors de l’examen des relations avec ces forces politiques ; ces craintes et tensions ne peuvent être complètement évitées, mais peuvent être atténuées. À court terme, des initiatives unitaires démontrant leur possibilité et leur efficacité dans la situation actuelle, ainsi que la possibilité de s’élargir dans l’avenir (malgré de mauvaises expériences passées qui restent en mémoire chez certains). Les tâches à court et moyen terme sont étroitement liées. Il n’y aura pas de candidature unitaire à moins qu’il n’ait eu une action commune ; une candidature unitaire ne sera pas utile si, auparavant, une action unitaire n’a pas renforcé la mobilisation conjointe et la conscience sociale.
Quelles sont les priorités favorisant le développement du Manifeste fondateur ?
Tout le monde est conscient de la nécessité de développer le manifeste, mais cela peut se concrétiser de différentes façons : cela peut partir de la définition du « pays que nous voulons » comme le résultat du processus constituant, jusqu’à l’élaboration d’un « programme minimum » pour faciliter l’unité avec l’ICV-EUiA et la CUP, pour trouver une sorte de dénominateur commun, en passant par d’autres orientations possibles. À mon avis, la priorité devrait être l’élaboration d’un programme des revendications urgentes, visant à répondre aux besoins de la population, afin de servir à une action immédiate et à tracer la voie de la rupture et de l’avenir. Le plus probable, c’est qu’il n’y aura pas toujours une solution complète aux problèmes, sinon ceux concernant les urgences, mais qui exigeront une âpre confrontation avec le pouvoir en place. Pour l’exemple, je citerai l’activité sectorielle et partielle de la plate-forme concernant les personnes touchées par l’hypothèque n’était pas la solution au problème du logement, mais a répondu aux besoins urgents de la population, a mobilisé, exigeant des mesures énergiques initiant une rupture.
Comment passer de l’adhésion au développement démocratique ?
Il y a une volonté commune que le Processus constituant soit pluriel et profondément démocratique. Si le processus se consolide et que les assemblées se multiplient favorisant des débats qui encouragent la participation, que les contributions sont valorisées, que la pluralité est respectée, que des accords se concluent suite à des processus démocratiques. Tout cela en tenant compte que les personnes qui adhèrent au processus sont très différentes et sans aucune expérience préalable commune. Il n’y a pas de solutions magiques, mais peut-être peuvent-elles servir de suggestions.
Nous devons accepter comme normal et avec humilité qu’actuellement, la seule définition commune est le Manifeste auquel nous avons adhéré, et que l’.élargissement de ce patrimoine commun se fera dans les prochains mois à travers le débat démocratique. Pendant ce temps et à l’avenir, l’opinion libre, la pluralité sont une richesse et non un problème.
Les différentes assemblées sont autonomes et ont la capacité de définir leur propre orientation et conséquemment, peuvent devenir très hétérogènes les unes par rapport aux autres. Seulement elles se sont engagées à accepter et à mettre en œuvre ce qui a été décidé démocratiquement par l’ensemble du Processus constituant.
La création d’un patrimoine commun devrait se faire progressivement et de manière sélective, en assurant la participation au débat de tous les adhérents, en encourageant et en valorisant leurs contributions et finalement, et en prenant finalement une décision démocratique. Pour cela, il convient que les thèmes à discuter prennent la forme de résolutions brèves, ciblées sur les accords que’on se propose d’adopter et de présenter séparément les documents ou les documents d’appui.
Évidemment, ce ne sont pas des défis mineurs. Je ne me souviens pas que, jusqu’ici, on ait essayé de développer un processus si complexe et si ambitieux. Son succès, bien sûr, n’est pas assuré. Mais lorsque la nécessité et l’opportunité s’unissent, l’énergie et la puissance obstinée du "Oui on est capable" qui semblent exister entre les adhérentEs, alors les résultats peuvent être impressionnants.
/ 1 Baromètre d’Opinio publica, 2ona onada 2013 :