Édition du 18 juin 2024

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Europe

État espagnol — Ils nous veulent pauvres, réduits au silence et hétéros

Le Parti Populaire (PP) au pouvoir est parti en croisade - non seulement contre les droits fondamentaux comme ceux à la santé, à l’éducation, au logement, au travail, mais aussi contre la liberté sexuelle et reproductive. Le PP veut imposer un modèle de société, qui n’est pas seulement au service du capital, mais qui est aussi sexiste et homophobe. Il nous veut pauvres, réduit-e-s au silence et hétéros.

La semaine dernière, le gouvernement espagnol a proposé aux gouvernements régionaux qu’ils mettent leur veto, dans le cadre du système de santé publique, à la procréation assistée médicalement (insémination artificielle et fécondation in vitro) pour les lesbiennes et les femmes célibataires. Une mesure qui menace l’égalité d’accès aux services publics et qui est discriminatoire à l’encontre de ceux et celles qui ne se conforment pas aux « normes standard » de l’hétérosexualité stricte. Si vous êtes une femme pauvre ou lesbienne ou célibataire, il vous est interdit de tomber enceinte. Pour le PP, en l’absence d’homme, il ne doit pas y avoir d’enfant. De cette façon, la droite impose son archétype de la famille : un couple hétéro.

Nous sommes face à un gouvernement qui est choqué que deux femmes puissent être mères, que deux hommes puissent être pères, qu’une femme seule puisse avoir des fils et des filles, mais qui ne ressent pas la moindre honte à poursuivre des politiques qui mènent à la faim, au chômage et aux expulsions de logement. C’est la double morale de ceux qui n’ont pas de principes. Qui ne sont obéissants qu’à la doctrine du capitalisme et du patriarcat.

Hier, lors d’une manifestation féministe devant le ministère de la Santé à Madrid, appelée précisément pour condamner cette mesure, la réponse a été la répression. C’est un gouvernement qui poursuit et criminalise celles et ceux qui refusent de se taire. La politique de la matraque est l’autre face de la médaille de leur « politique de coupes ».

Voici un autre exemple. Le ministre de la Santé, des Services sociaux et de l’Egalité projette de ne plus tenir compte dans les statistiques officielles des cas de maltraitance des femmes qui, bien qu’elles aient été agressées, ne vont pas à l’hôpital ou bien dont le séjour à l’hôpital est inférieur à 24 heures. Ce qui signifie que la majorité des cas resteront cachés. Se pourrait-il que les chiffres deviennent hors de contrôle ?

Pendant le premier trimestre de 2013, 1.100 femmes par mois ont fait état de blessures dans le cadre de leurs déclarations d’agressions par des hommes, selon l’Observatoire de la violence de genre auprès du Conseil général du pouvoir judiciaire. Toutefois, ce chiffre ne représente qu’une minorité de cas. En 2012, selon la même organisation, les femmes ne déclaraient avoir été blessées que dans seulement 11% des 128.000 plaintes enregistrées pour mauvais traitements. Il semble que, pour beaucoup d’entre elles, il est préférable de cacher ou de déguiser la réalité, plutôt que de le combattre.

Et, à tout cela, il faut ajouter l’offensive lancée par le ministre Alberto Ruiz-Gallardón pour modifier la loi sur l’avortement, déjà limitée, et imposer un retour en arrière à l’époque des « cavernes ». Un changement qui, selon les mots du ministre, aura lieu dans les trois prochains mois. La future loi, tout semble l’indiquer, sera plus restrictive que celle de 1985, en ne permettant plus une interruption de grossesse que dans certaines circonstances très limitées.

Parmi les cas cités comme devant être retirés de la loi actuelle figure la malformation du fœtus. Selon Gallardón, la réforme vise à « renforcer la protection du droit quintessentiel d’une femme : celui à la maternité ». Là, je me demande : une maternité entre les mains de qui ? Des femmes ou de l’État ?

En bref, il s’agit d’une tentative du PP de prendre le contrôle et de légiférer sur notre corps. Ces mesures ajoutent finalement une « solution » politique à la crise qui voit les femmes retourner à la maison. Suite aux coupes dans des services publics tels que la santé, la protection sociale et les services sociaux, il va y avoir toute une zone de services aux personnes - invisible, sous-évaluée mais essentielle - qui finiront par être reportés, une nouvelle fois, sur les femmes. C’est nous qui porterons le fardeau des coupes faites dans l’Etat-providence.

Nous sommes confronté-e-s à un gouvernement de droite qui est sexiste et homophobe. La réponse ne peut être qu’à la fois de gauche (pas par des discussions mais par l’action dans les rues) et féministe, pour la défense des libertés sexuelles.

Article publié par le site canadien www.socialistproject.ca
Traduction en français pour Avanti : Jean Peltier

Esther Vivas

Auteur de "En campagne contre la dette” (Syllepse, 2008), co-coordinatrice des livres en espagnole "Supermarchés, non merci" et "Où va le commerce équitable ?" et membre de la rédaction de la revue Viento Sur (www.vientosur.info).

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