Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les causes amères d’une défaite annoncée

Pour les Démocrates qui se réfugient dans le déni, il faudra chercher absolument les causes de la défaite dans les problèmes internes des États-Unis et non dans la folie furieuse de l’empire américain sans cesse belligérant, car cette histoire d’une Amérique cherchant à dominer le monde avec des plans machiavéliques ne serait rien de plus qu’une autre théorie complotiste.

Géopolitique 101

Et pourtant, Joe Biden a bel et bien dit que les États-Unis étaient les seuls à pouvoir diriger le monde. Les ambitions américaines ne sont donc pas un secret bien gardé, un projet occulte ourdi par la CIA. Le complot contre Vladimir Poutine est dessiné en toutes lettres dans « Extending Russia », un document de la Rand corporation publié en 2019 que les États-Unis ont appliqué à la lettre.

Bien entendu, les citoyens américains n’ont pas eu accès à ces informations qui leur auraient permis de constater qu’en Ukraine, les dirigeants américains ont allumé la mèche, mis le feu aux poudres et jeté ensuite de l’huile sur le feu. Il en va cependant tout autrement du génocide à Gaza. Tout le monde a pu assister en direct à ce génocide via les médias sociaux. Le parti démocrate, principal responsable de ce génocide, a alors perdu l’appui de la jeunesse démocrate et celui de plusieurs citoyens musulmans qui ne savaient dès lors plus à quel saint se vouer.

D’autres causes expliquant la défaite ?

En plus de la guerre dans laquelle les Américains ont englouti des centaines de milliards de dollars, les autres irritants que sont pour certains l’inflation et l’immigration proviennent eux aussi d’une seule et même cause : l’impérialisme américain.

Considérons tout d’abord l’inflation qui affecte le portefeuille des contribuables américains. L’objectif ultime des nombreuses provocations forçant la Russie à intervenir en Ukraine était de les affaiblir économiquement. Devant cette « agression non provoquée », l’État américain avait le feu vert pour imposer des sanctions qui allaient, espérait-on, détruire l’économie du pays. Les sanctions les plus importantes imposées à la Russie furent de mettre fin partout en Europe à l’achat de leur gaz et de leur pétrole. Privées d’un approvisionnement en gaz et en pétrole russe à bon marché, les entreprises européennes firent face à des hausses dans leurs coûts de production, ce qui entraîna la hausse des prix des marchandises exportées aux États-Unis.

S’agissant de l’immigration, la doctrine Monroe a, depuis de nombreuses années, déstabilisé les États latino-américains. Cette doctrine visait à faire de l’Amérique latine leur « précarré », c’est-à-dire une zône d’influence favorisant des régimes politiques favorables à Washington. Imposant leur volonté par des interventions militaires directes, par des coups d’État (Chili), par l’appui à des groupes rebelles (les Contras au Nicaragua), mais aussi et surtout par des sanctions (Cuba, Nicaragua et Venezuela), cela ouvra la voie à des régimes dictatoriaux, à des narco-trafiquants et à la corruption. Cela finit par rendre la vie difficile à des millions de citoyens latinos, les forçant ainsi à fuir leur pays pour trouver refuge aux États-Unis.

Deux sources de méfiance

Vu sous l’angle de la politique interne des États-Unis, il fallait bien entendu se méfier du misogyne et machiste Donald Trump. Il n’y a pas d’espoir possible d’un monde meilleur empathique et compatissant pour autrui sans le respect des femmes, des LGBTQ, des Afro-américains, des Latinos et des autochtones. Et donc pas d’espoir d’un monde meilleur sans intersectionalité et ouverture éveillée à une multitude d’enjeux identitaires vécus dans leur chair par ces personnes.

Mais vu sous l’angle de la géopolitique, il fallait aussi se méfier de Kamala Harris, car elle a entériné, appuyé et financé le génocide des Gazaouïs. Elle avait du sang sur les mains et elle est directement responsable de la mort d’au moins 15 000 enfants.

La conclusion logique aurait dû être de voter pour Jill Stein et les Verts. C’était une candidate progressiste qui ne reçoit pas d’argent en provenance de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC). À la racine du mal qui force les Américains à choisir, il y a cette mentalité satisfaite du bipartisme dans laquelle les partisans des deux camps sont enferrés, mais il y a aussi cette incapacité chronique de la gauche progressiste à intégrer les deux dimensions essentielles de la politique américaine : ce qu’ils sont sur le plan domestique et ce qu’ils sont sur la scène internationale. Si tous les démocrates progressistes avaient davantage intégré la dimension internationale dans leur analyse, ils auraient migré du côté d’un tiers parti au lieu de devoir rester pris avec une candidature génocidaire souriante.

Une utopie réaliste

Sans la manipulation du Democratic National Committee (DNC) en faveur de Hilary Clinton en 2016 et en faveur de Joe Biden en 2020, Bernie Sanders aurait pu faire une percée. Un tiers parti serait né sous la vieille carapace du parti démocrate. Les Américains ont une tradition progressiste présente au moins en partie depuis Frank D. Roosevelt. Sanders avait un véritable vent dans les voiles, porté par des millions d’appuis issus des classes populaires.

Une majorité d’Américains étaient favorables au Medicare for all, mais aussi au cessez-le-feu ainsi qu’à l’interruption de la vente d’équipement militaire à Israël et à l’Ukraine.
Sanders et le « Squad » (un groupe restreint de Démocrates de gauche) ont échoué, mais d’autres Sanders et d’autres Squads finiront peut-être par suivre leur pas sans capituler.

Les problèmes vont perdurer aussi longtemps que les progressistes américains refuseront de s’attaquer au monstre impérialiste belligérant que sont devenus les États-Unis.

Michel Seymour

Profs contre la hausse

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