Édition du 17 décembre 2024

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La guerre en Ukraine - Les enjeux

Le rôle crucial des syndicats dans la lutte pour la démocratie et la paix

Éditorial du Bulletin d’information syndicale Juin-Juillet 2024 n°11 (RESU)

Le résultat du second tour des élections législatives du 7 juillet en France a surtout montré une chose : la montée de l’extrême droite peut être stoppée, les libertés démocratiques et les droits sociaux peuvent être défendus. L’important est de réagir, de ne pas tomber dans le fatalisme et de construire l’unité la plus large possible, sans sectarisme.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Il reste beaucoup à faire pour renverser les politiques antisociales des gouvernements français passés et récents, qui sont à l’origine du désespoir croissant d’une grande partie de la classe ouvrière. En exploitant l’impact négatif de ces politiques, l’extrême droite s’est employée à semer la division parmi les travailleurs.

Néanmoins, la réponse combinée des syndicats français a constitué, dès le début, le ciment qui a permis à différentes forces politiques de s’unir dans un front commun visant à défendre les acquis sociaux et les droits démocratiques des travailleurs français, menacés à la fois par le Rassemblement national de Marine Le Pen et par le « centre » néolibéral du président Macron.

Les luttes unitaires de l’Intersyndicale française, d’abord contre le recul de l’âge de la retraite, puis pour la défense de l’Ukraine, ont constitué des étapes importantes sur la voie de la mobilisation derrière le nouveau Front populaire qui a relégué l’extrême droite à la troisième place le 7 juillet.

¡No pasarán ! La lutte contre le danger du fascisme en Europe se déroule sur plusieurs fronts.

Le plus cruel et le plus vicieux se trouve sur la ligne de front en Ukraine, mais le danger concerne tous les pays. La réorganisation de l’extrême droite en Europe, avec le leader hongrois Orbán, la française Le Pen, l’espagnol VOX et d’autres qui se rassemblent au sein du groupe parlementaire européen pro-Poutine « Patriotes pour l’Europe », montre deux choses : que les luttes nationales contre l’extrême droite sont de plus en plus liées et que le lien avec le régime autoritaire de la Russie est commun à tous les partis et gouvernements qui présentent des traits de fascisme.

Le Kremlin les alimente en propagande, les soutient économiquement et favorise leurs alliances internationales. Comme au XIXe siècle, la Russie est à nouveau la grande puissance la plus réactionnaire et la plus agressive de notre époque. Espérer que cette menace disparaisse – ou même qu’elle soit apaisée – serait aussi suicidaire que lorsque les démocraties européennes ont fermé les yeux, dans les années 1930, sur l’expansionnisme d’Hitler

Exemples, positifs et négatifs
Le succès français, dû à l’application d’une approche de résistance unie et de mobilisation, montre à quel point le rôle des syndicats est essentiel pour renforcer la confiance et le moral de la classe ouvrière organisée et pour créer un pôle d’attraction pour des millions de travailleurs moins organisés, voire totalement inorganisés.

En revanche, une vision étroite et pessimiste au sein des directions syndicales peut signifier que l’on évite les batailles de peur de les perdre. C’est ce qui s’est passé lors de la 113e session de la Conférence internationale du travail de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont il est question dans le numéro 10 de cette lettre d’information. Les dirigeants de la Confédération syndicale internationale (CSI) ont hésité à s’opposer au poutinisme, pensant que de nombreux syndicats et pays du soi-disant Sud mondial voteraient en faveur du maintien du « syndicat » complaisant du Kremlin, la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FNPR), au sein du Conseil d’administration de l’OIT. Ils ont fait pression sur les syndicats ukrainiens pour qu’ils ne contestent pas ce qui était considéré comme la « place de la FNPR ».

Mais il s’est avéré que cet appareil et son homologue chinois (la Fédération des syndicats de Chine), qui soutiennent tous deux ouvertement des régimes antidémocratiques, dictatoriaux et hostiles aux travailleurs, ont obtenu les pires votes de leur histoire, le représentant de la FNPR n’étant élu qu’à une voix près. Le représentant de la Fédération des syndicats d’Ukraine (FPU) aurait pu être élu au conseil d’administration du BIT en tant que délégué à part entière si on ne lui avait pas conseillé de ne pas se présenter.

Faire le bilan des victoires et des défaites
Notre mouvement doit faire le point sur le prix que nous payons pour cette neutralité et cette tiédeur, pour avoir laissé passer d’importantes opportunités, pour avoir évité la lutte frontale contre ceux qui font partie intégrante des régimes autoritaires.

Le rôle joué aujourd’hui par les syndicats français et les résultats positifs obtenus montrent qu’il faut une sorte de « tournant français » adapté, bien sûr, aux particularités de chaque pays. Nos institutions syndicales internationales doivent prendre ce virage.

Les besoins des travailleurs sont plus pressants que jamais. Les salaires perdent chaque jour de leur valeur face à l’inflation. Les prix des denrées alimentaires augmentent et le coût du logement monte en flèche. L’éducation, la santé et les services sont de plus en plus dégradés, en sous-effectif ou sous-payés. Derrière tout cela, le grand capital, en particulier le secteur financier, s’en met plein les poches comme jamais auparavant, tandis que l’environnement continue de se dégrader parce que la transition écologique juste dont toute l’humanité a besoin est bloquée. La perspective globale est celle de la peur, du chaos et de l’instabilité.

En Ukraine, cette sombre perspective est aggravée par la guerre et par des atrocités telles que le tir de missile du 8 juillet sur l’hôpital pour enfants de Kyiv. Les syndicats ukrainiens luttent pour résister aux attaques contre le niveau de vie et les conditions de travail, en partie à cause de la guerre, mais surtout à cause de la détermination du gouvernement à mettre en œuvre des « réformes » radicales axées sur le marché. Les dettes salariales s’accumulent, les heures travaillées augmentent et les conditions de travail abusives se multiplient.

Lors de la manifestation organisée le 10 juin par la Fondation Frederick Ebert en marge de la conférence sur le redressement de l’Ukraine qui s’est tenue les 11 et 12 juin à Berlin, Mykhailo Volynets, président de la Confédération des syndicats libres d’Ukraine, a dénoncé devant le ministre ukrainien de l’économie la violation par son gouvernement de 22 conventions internationales du travail dans 50 textes législatifs ukrainiens récents ( voir le moment 1:31:30 de cette vidéo de la manifestation).

Plus les droits démocratiques et le bien-être social de l’Ukraine sont menacés, plus la conviction et l’engagement nécessaires pour défendre le pays sont grands. C’est le message des syndicats ukrainiens dans tous les forums économiques et sociaux, et c’est un message que nous devons soutenir. Nous devons renforcer la vigilance, le pouvoir des syndicats. C’est la meilleure garantie de la résilience de la société face à l’envahisseur. Plus la classe ouvrière ukrainienne sera forte et organisée, moins les troupes d’occupation russes et leur « syndicat » pourront s’en tirer. Aider à renforcer le rôle et le pouvoir des syndicats en Ukraine est une tâche vitale pour le syndicalisme de classe partout dans le monde.

Le syndicalisme doit également être soutenu et renforcé dans les pays voisins de l’Ukraine, en particulier en Russie et au Belarus. Contribuer au démantèlement des régimes autoritaires de Poutine et de Loukachenko ne se fait pas seulement de l’extérieur – par exemple en maintenant la pression sur nos gouvernements pour qu’ils fournissent à l’Ukraine l’armement dont elle a besoin – mais aussi en soutenant et en encourageant ceux qui s’opposent à ces régimes del’intérieur. Elle se fait aussi en soutenant et en encourageant ceux qui s’opposent à ces régimes

de l’intérieur, en aidant et en faisant connaître leurs véritables syndicats, souvent clandestins,qui organisent la résistance dans les entreprises, les villes et les services.

Cette lettre d’information vise à donner un espace croissant aux expressions de la lutte syndicale dans ces pays, même si elles n’en sont qu’à leurs débuts. C’est à partir de ces petites graines que pourront émerger et se développer les futurs liens de solidarité entre les travailleurs de tous les pays.

NOTE : Le taux de change de la hryvnia ukrainienne (UAH) par rapport à l’euro utilisé dans ce numéro de la lettre d’information est celui en vigueur le 12 juillet 2024.

Télécharger le bulletin Bulletin d’information syndicale Juin-Juillet 2024 n°11 : ENSU-RESU Trade Union Newsletter Number 11 June-July 2024_FR

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