Dans ce billet je désire présenter les arguments clés des écologistes contre ce projet de pipeline. On peut résumer ces arguments en une formule simple : le pipeline Keystone XL = l’expansion des sables bitumineux = l’accélération des changements climatiques. Je développerai davantage l’argumentation plus loin, mais d’ores et déjà le lobby du pétrole a fait ses devoirs et sème le doute sur les bases scientifiques de cette formule des opposants. Ainsi, comme je le mentionnais dans un billet l’an passé, elle a même débauché Andrew Weaver, un chercheur en climatologie de l’Université de Victoria, pour remettre en cause, dans un article paru dans la revue Nature Climate Change, l’énoncé selon lequel le pétrole non conventionnel issu des sables bitumineux émettait davantage de GES que le pétrole conventionnel. Mais dans le dernier paragraphe de l’article, on précise ceci : « L’analyse de M. Weaver ne compte que les émissions provenant de la combustion des hydrocarbures. Elle ne tient pas compte des gaz à effet de serre émis lors de la production de la ressource, ce qui reviendrait à doubler ces émissions. »
On remet ça le mois dernier avec un texte éditorial du journal scientifique Nature qui prend fait et cause en faveur du pipeline, sous le prétexte fallacieux qu’avec ou sans ce pipeline, le développement des sables bitumineux se fera de toute façon (je reviens sur cet argument plus loin). Pourtant, une nouvelle analyse vient confirmer les craintes des écologistes concernant la catastrophe climatique qu’implique le développement du potentiel des sables bitumineux de l’Alberta. Non seulement les gaz à effet de serre émis lors de la production de la ressource reviendraient à doubler les émissions, comme il a été dit plus haut, mais en plus l’étude commandité par le Oil Change International intitulé ‘Petroleum Coke : The Coal Hiding in the Tar Sands‘ évalue que les analyses précédentes, en ne tenant pas compte des sous-produits du processus de raffinage, sous-estimait les impacts réels des sables bitumineux.
Le représentant démocrate Henry A. Waxman déclarait à ce propos : « The new reports show that TransCanada’s Keystone XL pipeline is the key that will unlock the tar sands. If the pipeline is approved, the world will face millions more tons of carbon pollution each year for decades to come. After Hurricane Sandy, devastating drought, unprecedented wildfires, and the warmest year on record in the United States, we know that climate change is happening now, we have to fight it now, and we must say no to this pollution pipeline now. »
Lors de la précédente demande de la firme canadienne Enbridge (le promoteur du projet de pipeline), les analystes du département d’État avaient signalé, pour justifier leur jugement timoré, que peut importe si les États-Unis refusaient ou non le projet de pipeline, le Canada allait tout de même développer le potentiel des sables bitumineux, et qu’il s’agissait donc de faire en sorte (grâce à Keystone) que les États-Unis en profitent. Or, selon les analyses produites par les économistes de la TD et de la CIBC, si le Canada ne parvient pas à exporter ce pétrole grâce aux projets de pipeline, c’est le développement du potentiel des sables bitumineux qui est remis en cause. Donc IL EST POSSIBLE D’ENRAYER CETTE MACHINE INFERNALE.
Et c’est avec cette volonté de bloquer ce développement que le mouvement s’organise aux États-Unis contre Keystone. L’organisation écologique 350.org organise également une grande manifestation le 17 février, à l’occasion de la fin de semaine du President’s Day, pour réclamer du président Obama le rejet du projet. Dans une vidéo produite par 350.org et le Natural Resources Defense Council (NRDC), on présente le pipeline Keystone comme le pivot autour duquel s’organise le développement des sables bitumineux, avec un message d’urgence à la nation. Même le Sierra Club, pour la première fois en 120 ans d’histoire, a décidé d’utiliser et d’encourager la population à la désobéissance civile pour s’opposer à ce projet.
Enfin, 18 scientifiques de haut niveau ont envoyé une lettre au président Obama pour l’encourager à refuser de donner son approbation au projet de pipeline, et par le fait même, de créer un obstacle décisif au développement des sables bitumineux albertains. Voici la lettre envoyé par les scientifiques au président Obama :
« Dear Mr. President,
You take office for the second time at a critical moment. As you may know, the U.S. has just recorded the hottest year in its history, beating the old mark by a full degree ; the same year that saw the deep Midwest drought, and the fury of Hurricane Sandy, also witnessed the rapid and unprecedented melt of the Arctic ice pack.
If we are to restrain the rise in the planet’s temperature, it will require strong action from, among others, the planet’s sole superpower. Some of that work will be difficult, requiring the cooperation of Congress. But other steps are relatively easy.
Eighteen months ago some of us wrote you about the proposed Keystone XL tar sands pipeline, explaining why in our opinion its construction ran counter to both national and planetary interests. Nothing that has happened since has changed that evaluation ; indeed, the year of review that you asked for on the project made it clear exactly how pressing the climate issue really is.
We hope, as scientists, that you will demonstrate the seriousness of your climate convictions by refusing to permit Keystone XL ; to do otherwise would be to undermine your legacy.
Thank you. »