Israël s’est enfoncé un peu plus dans l’ignoble cette année : il a arrêté et emprisonné sa plus jeune détenue, Dima al-Wawi, âgée de 12 ans, la condamnant à près de cinq mois de prison.
Dima a été arrêtée en février parce qu’elle se serait approchée avec un couteau de la colonie de Karmei Tzur, dans le sud de la Cisjordanie occupée. Toutes les colonies d’Israël sont illégales en vertu du droit international.
Elle a déclaré qu’elle avait eu l’intention de poignarder un garde de la sécurité, mais l’incident n’a donné lieu à aucune blessure.
Israël a libéré Dima dimanche, après qu’elle eut purgé la moitié de sa peine, sa famille ayant fait appel avec succès contre sa mise en détention sur la base que la loi israélienne interdit l’incarcération des enfants de moins de 14 ans.
Mais cette année, Israël a aussi atteint de nouveaux sommets, en incarcérant un bien plus grand nombre d’enfants palestiniens de 12 à 15 ans, rendant l’emprisonnement de Dima inquiétant non pas tant par sa nouveauté que par son extrême banalité.
Fin décembre 2015, 116 enfants palestiniens de 12 à 15 ans étaient détenus en détention militaire israélienne, onze fois plus que l’année précédente.
Au total, ce sont 440 enfants âgés de moins de 18 ans qui sont actuellement retenus en détention militaire, c’est le nombre le plus élevé depuis que l’armée israélienne a commencé à publier ses statistiques en 2008, et c’est près de deux fois et demi le nombre d’emprisonnés d’il y a un an.
Selon Defense for Children International – Palestine (DCI-P, Défense internationale des enfants – section Palestine), aucun autre pays au monde ne poursuit systématiquement des centaines d’enfants devant les tribunaux militaires chaque année.
DCI-P documente minutieusement les tendances alarmantes dans l’incarcération israélienne des enfants dans un nouveau rapport, No Way to Treat Child (Ce n’est pas une façon de traiter un enfant), qui relate en détails l’ampleur avec laquelle Israël a avili les droits des enfants qui se trouvent sous son régime militaire.
Les chercheurs ont rassemblé 429 témoignages sous serment entre janvier 2012 et décembre 2015.
Le rapport révèle que dans 97 % des cas, aucun parent, aucun avocat, ne furent présents durant les interrogatoires et que dans 88 % des cas, les enfants ne furent même pas informés de la raison de leur arrestation.
Enchaînées
Après une sévère censure en 2013, pour son traitement des enfants palestiniens dans les tribunaux militaires, par le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance, l’UNICEF, et le Comité des Nations-Unies sur les droits de l’enfant, Israël a fait plusieurs tentatives pour se refaire une image sur la façon dont il traite les enfants palestiniens.
Israël a modifié ses ordonnances militaires pour l’interdiction d’arrêter les mineurs en pleine nuit, de bander les yeux des enfants et de les retenir avec des chaînes et des menottes.
Mais comme DCI-P le documente, ces pratiques sont toujours largement utilisées.
En outre, en novembre 2015, le parlement d’Israël, la Knesset, a amendé la loi sur la Jeunesse afin d’instaurer des peines minimales obligatoires pour les enfants suspectés d’être impliqués dans des jets de pierres, et pour augmenter les peines maximales pour les enfants qui jettent des pierres sur un véhicule en mouvement.
« En vertu du cadre juridique militaire », indique le rapport, « tout soldat ou policier est autorisé à arrêter les personnes, même des enfants, sans mandat, quand ils soupçonnent que la personne a commis un acte violant l’une des « infractions à la sécurité » dans la loi militaire israélienne. »
« La plupart des enfants sont arrêtés sur des soupçons, sans mandat d’arrêt. Il y a peu, voire aucun, contrôle indépendant sur ces arrestations », ajoute le rapport.
En attendant, selon DCI-P, Israël soutient qu’il n’est pas obligé d’étendre la législation internationale sur les droits de l’homme – qui inclut les protections énoncées dans la Convention relative aux droits de l’enfant – aux enfants palestiniens vivant en Cisjordanie occupée ; un argument qui a été rejeté par la Cour internationale de Justice et plusieurs organismes traitant des droits de l’homme aux Nations-Unies.
Le cas de Dima est emblématique des nombreuses violations documentées par DCI-P. Elle a été interrogée sans la présence de ses parents ou d’un avocat, et lors de ses séances au tribunal, elle avait les pieds enchaînés.
Elle a aussi été condamnée après qu’elle eut accepté un arrangement avec l’accusation, avec l’aveu d’une tentative d’homicide volontaire et de la possession illégale d’un couteau. Plus de 99 % des dossiers de DCI-P se terminent par la conclusion d’un arrangement.
À son retour de prison dimanche, Dima a dit que son seul répit durant son épreuve de deux mois et demi, fut d’avoir eu l’autorisation de jouer avec d’autres filles incarcérées.
Mais cela est révélateur d’une tendance inquiétante : bien que toujours minoritaire, le nombre des fillettes palestiniennes dans les prisons israéliennes atteint lui aussi de nouveaux sommets – elles sont douze à partir de février.
Des aveux sous la contrainte
« Alors que le nombre des arrestations d’enfants grandit en pleine escalade de la violence ces derniers mois, grandit aussi le nombre de cas où les normes internationales de protection de l’enfance sont violées », déclare Human Rights Watch, dans son dernier rapport sur la maltraitance des enfants palestiniens placés en détention.
Vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=7rw69pLILqw)
Les rapports de DCI-P comme de Human Rights Watch démontrent que dans le système militaire israélien, le statut des Palestiniens en tant qu’enfants cède la place à leur statut de criminel présumé, justifiant ainsi le déni de toute une foule de protections qui devraient s’appliquer aux mineurs selon les normes internationales et même parfois, selon la législation israélienne.
La maltraitance systématique des enfants, depuis leur arrestation au beau milieu de la nuit en les arrachant à leurs parents, jusqu’à leur infliger des sévices physiques, a pour but d’obtenir des aveux sous la contrainte.
Bashir, 17 ans, qui fut convoqué pour interrogatoire, a dit à DCI-P, « (l’officier israélien qui m’interrogeait) m’a donné des coups de pieds deux fois dans les jambes, des coups de poing deux fois dans le ventre et trois fois sur la tête, et il criait, « tu ferais mieux d’avouer parce que je n’arrêterai pas de te battre, sauf si tu avoues » ».
DCI-P rapporte que 27,5 % des enfants ont subi une certaine forme de violence physique durant l’interrogatoire.
« La principale philosophie de l’interrogatoire est d’exercer autant de pression possible sur la personne interrogée et de maintenir sa résistance au niveau le plus bas possible », déclare Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P, dans Detaining Dreams (Détention des rêves), un nouveau court métrage (ci-dessus), produit par l’organisation.
DCI-P écrit, « Les séances d’interrogatoire sont utilisées comme premier moyen pour recueillir des preuves contre les enfants ».
Le documentaire présente une interview de quatre adolescents qui furent arrêtés au printemps 2014, et sévèrement battus durant leur arrestation et les interrogatoires qui suivirent.
Abed, qui avait 14 ans à l’époque de son arrestation, se rappelle qu’il fut enchaîné à un mur, ses pieds touchant à peine le sol, pendant que les soldats lui portaient des coups sur le corps : « Il est arrivé un moment où tout ce que je ressentais était douleur ».
Un système de contrôle
DCI-P souligne que les changements « cosmétiques » à la législation militaire israélienne ne peuvent pas lutter comme il le faudrait contre la maltraitance des enfants dans le système judiciaire militaire, parce que « le système sert les intérêts de contrôle de l’occupation », plutôt que les intérêts de l’administration de la justice.
« La résistance de l’armée israélienne à mettre en œuvre un processus d’assignation pour les mineurs palestiniens ou d’autres changements pratiques pour s’opposer à la violence et aux sévices semble indiquer un conflit inhérent au sein du système judiciaire militaire entre la quête de justice et la légalisation du contrôle de la population palestinienne qui vit sous l’occupation militaire ».
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source : Electronic Intifafa