Édition du 17 décembre 2024

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Impôt

Le mirage des baisses d'impôt aux compagnies

« Les Québécois rejettent les baisses d’impôt aux entreprises », titrait Le Devoir du 14 février. Ils les rejettent massivement à 3 pour 1. Mais, vous le savez bien, les gouvernements n’en ont que faire de ce que la population veut. Comme l’ont dit les conservateurs de Harper : « La démocratie, une distraction dont les Canadiens ne se soucient guère » (Le Devoir, 11 mars 2011). Pathétique.

L’important est de satisfaire les besoins de ceux qui financent leur parti et leur donne une job après leur pèlerinage politique. Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont clamé : « Le pays s’enrichira en réduisant les impôts des entreprises, selon leurs dirigeants » (Le Devoir, 13 janvier 2011). Et la Chambre de commerce du Canada a entonné : « Réductions des impôts aux entreprises : La Chambre de commerce du Canada dans le camp des conservateurs » (La Presse, 27 janvier 2011). Le patronat et leurs croisés continuent à véhiculer des faussetés sans aucune démonstration empirique. Ils ont dit les mêmes inepties en Irlande, en Nouvelle-Zélande et ailleurs avec un échec fracassant. Ces pays ont même frôlé la faillite avec leurs politiques fiscales à rabais pour les compagnies.

La vérité est que « le contribuable [est la] vache à lait d’Ottawa. En réduisant l’impôt des entreprises, le gouvernement fédéral a dû aller chercher plus de 50% de ses revenus dans les poches des particuliers en 2010 », mentionnait la journaliste Hélène Buzzetti, dans son excellent texte paru dans Le Devoir du 2 mars dernier. Et si on ajoute la TPS (que les compagnies ne paient pas), la tarification des services publics et les autres taxes, on arrive facilement à au moins 85% de taxes et d’impôts payés par les individus alors que dans les années 1950, c’était moitié-moitié. La moitié des recettes fiscales provenant des particuliers et l’autre moitié des entreprises. Ça prend pas une lumière pour comprendre que baisses d’impôt riment avec recettes fiscales moindres pour l’État.

Pour compenser les faveurs consenties aux corporations (qu’elles considèrent comme des droits acquis), les gouvernements doivent alors augmenter les impôts et les taxes de la population et privatiser, réduire et tarifier leurs services publics. On taxe davantage les travailleurs dont le salaire réel a diminué au cours des 30 dernières années (en pleine période de croissance économique), et on défiscalise les riches entreprises en plus de les subventionner davantage. Emballant comme projet de société. Comme avec le Red Bull, les ailes me poussent ! Faut pas toucher aux vaches sacrées des bonzes.

Pour en finir avec ces mensonges, citons Philip Cross de Statistique Canada : « Les réductions d’impôt sont un facteur parmi d’autres influençant les décisions des entreprises et leur impact est trop petit pour pouvoir être mesuré de façon fiable. » Et Jeffrey Owens, fiscaliste à l’OCDE, va dans le même sens : « La fiscalité n’est pas le facteur le plus déterminant quand vient le temps de décider où investir… » (Le Devoir, 2 février 2011). La revue américaine Business Week du 20 novembre 2006 affirmait : « Il y a peu d’évidence que les baisses d’impôt ont un impact véritable sur la croissance. » Enfin, la revue Foreign Policy signalait « qu’il y a peu de preuves que les taux de taxation élevés fassent fuir les investisseurs qui sont plus préoccupés par les infrastructures, les services publics, le niveau d’éducation, etc. » (Le Devoir, 12 janvier 2002).

Statistique Canada, l’OCDE, Business Week et Foreign Policy sont loin d’être des communistes révolutionnaires. Clinton aux États-Unis a augmenté l’impôt des entreprises dans les années 1990 avec comme résultat que le pays a connu une croissance économique phénoménale, généré un énorme surplus et ramené le chômage à moins de 4% (Business Week, 30 décembre 2002). Qu’à cela ne tienne : « Baisses d’impôt des entreprises : Harper garde le cap » (La Presse, 8 janvier 2011), même si leur santé financière n’a jamais été aussi bonne depuis 40 ans, nous signale Statistique Canada (La Presse, 18 novembre 2009). Pas grave, on n’a qu’à taxer les subalternes.

Afin d’offrir ces cadeaux publics aux monarques, Harper a annoncé ses couleurs et va « varger » de nouveau dans les prestations d’assurance emploi (2,6G$), dans l’aide aux démunis (logement : 1,2G$), l’environnement et la culture, tel que signalé dans le texte de Michel Girard de La Presse du 5 mars 2011 intitulé : « Le sens des priorités du gouvernement Harper. » Très bonne nouvelle, Harper augmente toujours les budgets pour sa « mission de paix en Afghanistan », maintient les subventions aux entreprises (dont 2G$ aux pétrolières qui vous arnaquent, selon ses propres dires, et que le NPD veut abolir avec raison) et le budget de la défense (20G$) ainsi que le fabuleux contrat de plusieurs milliards pour l’achat des 65 avions de chasse F-35 dont la facture finale explosera : « F-35 : une facture impossible à prévoir » (Le Devoir, 6 mars 2011).

Soyez positifs et patients, il faudra « seulement » 10 ans avant de mesurer les impacts positifs des baisses d’impôts aux entreprises, a dit l’économiste de service Jack Mintz de l’Université de Calgary, qui a chaleureusement félicité Harper pour son « courage » (Le Devoir, 26 janvier 2011). Dix ans à couper encore dans les services publics et après… les poules auront des dents !!!

Nouvelle express : les bonnes nouvelles n’en finissent plus avec le gouvernement conservateur qui vient de recevoir l’appui des groupes religieux d’extrême-droite comme Bush et les républicains aux États-Unis. Afin de s’assurer de respecter son engagement ferme de continuer à baisser les impôts des entreprises rentables (Harper est un homme de parole envers la caste supérieure), eh bien, il ne prend aucun risque et vient de promettre, en pleine campagne électorale, de couper 4G$ additionnels dans les dépenses fédérales. Mais, il se veut discret ou hypocrite, selon le point de vue, et ne veut pas dire quels programmes passeront au tordeur : « Coupes annoncées de 4G$ : Le chef du PCC [Harper] refuse de donner des précisions » (La Presse, 11 avril 2011). Très transparent le monsieur.

Article tiré du site web du journal Métro

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