Un contexte de crise économique systémique
Pour faire face à la crise économique, les gouvernements d’Europe, comme les gouvernements américain et canadien, mènent une politique d’austérité qui fait du déficit zéro la priorité. Déjà en Europe, cette politique de rigueur a eu des effets récessionnistes importants.
Le gouvernement Harper fait des coupes claires dans les dépenses sociales, continue de réduire le niveau des impôts des plus riches et permet un approfondissement des inégalités sociales. Ses politiques énergétiques centrées sur l’exploitation du pétrole, des gaz de schiste et autres sables bitumineux se font au mépris de l’environnement et du réchauffement climatique. Les politiques économiques du gouvernement Charest s’inscrivaient dans une même logique. Ces politiques visaient à satisfaire les intérêts de l’oligarchie dans la finance, les ressources naturelles et le pétrole.
Pauline Marois va-t-elle reprendre à son compte cet objectif du déficit zéro et de restrictions des dépenses publiques ? Déjà, son ministre Nicolas Marceau a annoncé qu’il poursuivrait, avec les mêmes échéances, l’objectif du déficit zéro que s’était fixé le ministre Bachand. Les politiques énergétiques vont-elles céder aux pressions des entreprises pétrolières et gazières ? Ce sont là les enjeux majeurs auxquels devra faire face un gouvernement sous pression.
Un temps de corruption et de crise de légitimité des institutions
La commission Charbonneau révèle non seulement l’enracinement de la mafia dans la construction. Elle démontre à quel point la corruption et la collusion sont généralisées et qu’elles impliquent les éluEs. Comme l’avait souligné le rapport Duchesneau, la privatisation des travaux publics a favorisé cette corruption et les comportements mafieux qui l’accompagnent. Les institutions publiques ont été affaiblies et soumises aux logiques du profit et des ristournes. Déjà, les pratiques d’accumulation mafieuse propre au capital financier avaient été bien décrites : produits financiers toxiques, utilisation systématique de l’évitement fiscal et des paradis fiscaux. Les comportements mafieux sont devenus une caractéristique des classes dirigeantes et de l’organisation du capital.
Si le financement des partis politiques est particulièrement révélateur de la domination de l’argent dans le fonctionnement de notre vie politique, c’est une bien petite partie « du crime institutionnalisé comme stade ultime du capitalisme » pour reprendre une expression de Jean Ziegler. La première ministre osera-t-elle s’attaquer à l’iniquité fiscale qui permet aux gains de capitaux d’être moins taxés, aux multiples exemptions fiscales dont profitent les plus riches, à l’évasion fiscale internationale qui prive le Québec de revenus considérables alors que les partis d’opposition se font les chiens de garde des intérêts de l’oligarchie ? Jusqu’où se permettra-t-elle d’avancer dans la réforme de la fiscalité compte tenu d’un tel contexte ?
Un gouvernement sous pression
En plus, cette oligarchie est fédéraliste dans sa vaste majorité est en prête à se mobiliser pour la défense de l’unité canadienne et des politiques économiques que défend l’État canadien qui lui sont profitables. La gouvernance souverainiste risque d’être une période de suspension des revendications du Québec. L’annonce de projets de loi qui seront battus risquent d’être la triste et la seule consolation offerte aux souverainistes.
En somme, le gouvernement Marois est un gouvernement sous pression de l’oligarchie économique et sur la surveillance de ses partis au parlement. Les partis d’opposition n’offriront leur collaboration que dans l’attente du moment propice pour faire tomber ce gouvernement minoritaire. C’est pourquoi ce gouvernement péquiste risque de se contenter de naviguer à vue.
L’attentisme de l’Alliance sociale est moins que jamais à l’ordre du jour
L’Alliance sociale a fait connaître ses attentes à Madame Marois. En éducation, l’Alliance sociale ne reprend pas le combat pour la gratuité scolaire. Elle oublie que la première ministre Marois va chercher à en finir avec les retombées du printemps érable. Dans son sommet sur l’éducation, la perspective de la gratuité scolaire a déjà été écartée. Que va vouloir dire l’indexation des frais de scolarité pour l’endettement étudiant ? Mais, au-delà même de cette question importante, il est essentiel d’examiner le modèle éducatif et qui sera mis de l’avant par le gouvernement péquiste.
Face au réengagement l’État, l’Alliance sociale dit espérer un débat éclairé. Elle demande au gouvernement du Parti québécois à renoncer pour le moment à l’atteinte de l’équilibre budgétaire. C’est bien timide ! Sur la fiscalité, au lieu de mesures précises pour s’opposer à une fiscalité inéquitable, l’Alliance souligne que le Québec est mûr pour un bon débat sur la fiscalité. Pour ce qui du développement économique équitable, l’Alliance « se réjouit du fait que le gouvernement Marois se préoccupe de la question des redevances ainsi que de la deuxième et troisième transformation.... De cette manière, ajoute l’Alliance, nous nous approcherons davantage de l’objectif d’une meilleure redistribution de la richesse au sein d’une économie dynamique et productive. » N’est-ce pas un peu hors contexte alors que l’économie québécoise risque de s’enfoncer dans la crise ?
Les mouvements sociaux doivent compter sur leurs propres moyens et définir un programme d’urgence de sortie de crise
Au lieu de l’attentisme face au gouvernement Marois, il faut élaborer et lutter pour un projet de société qui constitue une véritable alternative à la situation actuelle. Pour guider notre action, il faut se fixer des objectifs précis, à la hauteur de la gravité de la situation, pour lesquels on pourra se mobiliser. Dans la situation actuelle, la seule réponse possible est un vaste programme d’investissements publics permettant d’assurer une transition écologique de l’économie et une réforme radicale de la fiscalité.