Ce gouvernement est prêt à fermer les yeux sur toutes les négligences de l’industrie et à l’appuyer pour maximiser les profits que pourraient générer l’exploitation de énergies fossiles, gaz de schiste et pétrole en faisant fi des intérêts des citoyenNEs et des régions concernées sans égards aux désavantages pour le Québec et ses ressources.
Quelques perles
Le rapport pointe du doigt les incohérences entre le discours du gouvernement Charest sur le développement durable et la réalité des gestes posés ou non en la matière. Les citations sont tirées de la version Faits saillants du rapport émis le 30 mars dernier par le Commissaire au développement durable ou des communiqués qui l’accompagnent.
Sur la politique de développement durable :
Il n’y a pas toujours de stratégies ou, lorsqu’il y en a, elles ne permettent pas de définir clairement la vision gouvernementale et les priorités d’intervention ou elles manquent de continuité. (p. 13)
On néglige de faire des bilans en vue de mesurer l’état d’avancement, d’apprendre des expériences passées et d’apporter les correctifs nécessaires. (p. 13)
Beaucoup d’efforts sont fournis afin de démontrer le caractère ambitieux
des intentions, mais ces efforts s’avèrent plus modestes au moment de
l’action, de la mise en œuvre. (p. 13)
À ce jour, on ne trouve pas d’exemples d’intégration complète des principes de développement durable dans les activités régulières des organisations (ministères et organismes gouvernementaux NDLR). (p. 15)
Sur la nécessité de dresser un portrait de la biodiversité québécoise :
Les deux stratégies ne se sont pas appuyées sur une détermination et une évaluation des principales composantes de la biodiversité québécoise. En l’absence d’un tel portrait d’ensemble, le MDDEP et ses partenaires n’ont pas été en mesure de faire un diagnostic afin de mettre à jour les enjeux existants et de cerner ceux qui sont émergents. Ils n’ont pas non plus procédé à une évaluation des risques et des effets potentiels de leurs interventions respectives sur la biodiversité. (p. 21)
Dans un contexte de ressources limitées et devant la volonté du gouvernement de tendre vers un développement plus durable, l’exercice d’évaluation économique de la biodiversité prend toute son importance. Il est donc essentiel que le MDDEP suive la tendance adoptée par plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui est de bâtir un argumentaire économique au fur et à mesure que les connaissances évoluent. Les travaux du MDDEP sont quasi inexistants à ce chapitre. Le fait de ne pas avoir statué sur l’état de la biodiversité au Québec, jumelé aux travaux embryonnaires sur la valorisation de la biodiversité québécoise, n’aide pas les ministères et organismes à préciser les attentes gouvernementales en la matière et à répondre à l’enjeu fondamental associé au maintien de la biodiversité. (p. 22)
Sur la reddition de comptes :
Plusieurs lacunes par rapport à la reddition de comptes ont été observées. Celles-ci ont trait à la suffisance et au degré de fiabilité des informations inscrites dans les rapports annuels de même qu’au délai de publication de ceux-ci.
En conséquence, la qualité des informations présentées dans les rapports annuels se trouve altérée. En outre, l’absence d’un bilan relatif à la stratégie 2004-2007 prive le gouvernement d’une appréciation globale des investissements et des interventions effectués à l’égard du maintien de la biodiversité ainsi que d’informations essentielles à la préparation d’une nouvelle stratégie ou d’une autre démarche de même nature. (p. 22)
Sur l’application de la Loi sur le développement durable :
L’information disponible dans les plans d’action ne permet pas de déterminer les responsabilités ni de se faire une idée sur les ressources nécessaires pour leur réalisation. Nous avons également constaté une absence quasi généralisée d’objectifs et d’actions pour lesquels des responsabilités partagées entre les entités gouvernementales ont été prévues. Ceci démontre une difficulté à se défaire des habitudes de gestion en silo et à développer une plus grande collaboration comme l’incite la Loi sur le développement durable. (p. 26)
Sur le respect de la Loi sur la qualité de l’environnement :
Le commissaire déplore que l’administration publique n’applique pas toujours correctement les lois et les règlements en vigueur. Dans le cadre de la vérification sur l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, il a été surpris de constater que des avis d’infraction sont délivrés à répétition aux mêmes entreprises sans qu’elles se conforment aux normes.
Pour ce qui concerne les gaz de schiste, il a aussi constaté des dérogations à l’application de la réglementation. Ces manquements touchaient l’environnement, la sécurité et le respect des exigences liées aux travaux statutaires. Cela amène le commissaire à se questionner sur la possibilité pour un même ministère de concilier à la fois la responsabilité de l’application d’une réglementation et le développement de secteurs comme celui des mines ou des gaz de schiste. (Communiqué 20110330 CDD – 1)
Sur la mise en application de la Loi sur l’environnement dans le secteur industriel :
Le commissaire a relevé, dans plusieurs cas, une insuffisance d’information pour appuyer la délivrance des Certificats d’autorisation (CA) et un suivi inadéquat du respect des conditions liées à ces autorisations. Ainsi, les inspections ne sont pas toujours effectuées, et les renseignements requis pour assurer que le projet demeure acceptable d’un point de vue environnemental ne sont souvent pas transmis au ministère.
Il est particulièrement préoccupé par le fait que la capacité du milieu récepteur à recevoir une pression additionnelle est peu prise en compte lorsque le ministère délivre un CA. Actuellement, celui-ci procède à la délivrance d’un CA s’il y a respect des normes prévues au règlement, et ce, peu importe le degré de fragilité du milieu récepteur. En l’absence d’une véritable évaluation des effets cumulatifs sur l’environnement, il y a un risque de porter atteinte à la santé humaine, à la qualité de l’environnement et à la pérennité des écosystèmes.
Le commissaire constate aussi que le retour à la conformité règlementaire des contrevenants est long et difficile. Des avis d’infraction se multiplient, sans résultats rapides. Concrètement, parmi les dossiers d’avis d’infraction examinés, le tiers seulement démontraient un retour à la conformité à l’intérieur d’une période de 6 mois. (Communiqué 20110330 CDD – 2)
Sur la gestion gouvernementale de l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste :
Il a aussi constaté que la réglementation ayant trait à la délivrance des permis de recherche et les exigences relatives aux travaux statutaires annuels permettent aux entreprises de minimiser leurs investissements financiers tout en conservant leur permis. Il est préoccupé par l’absence de contrôle exercé par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, lequel ne s’assure pas de l’admissibilité des dépenses liées aux travaux statutaires et qui tolère des situations allant à l’encontre de la réglementation. Il souligne aussi les faibles exigences réglementaires concernant l’assurance de responsabilité civile qui est limitée à un million de dollars par incident.
Le commissaire note l’insuffisance des inspections qui ont été menées jusqu’à présent lors des étapes critiques associées aux activités d’exploration, soit lors des travaux de forage ou de complétion, afin d’assurer la protection de l’environnement ainsi que la santé et la sécurité des personnes. (Communiqué 20110330 CDD – 3)
Des bataillons de lobbyistes pour les énergies fossiles
En marge du dévoilement du rapport du commissaire au développement durable, on apprend que l’industrie des énergies fossiles déploie ses troupes et ce, depuis une longue période. Ainsi, selon une enquête du quotidien Le Devoir, 55 lobbyistes sont sur le terrain pour faire avaler la couleuvre des gaz de schiste.
Une simple consultation du Registre des lobbyistes du Québec permet en effet de constater que, à elle seule, l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) a inscrit 35 personnes au registre. Ce regroupement a en fait maintenu plus d’une trentaine de lobbyistes sur sa liste depuis juin 2009. À cette époque, à peu près personne au Québec ne soupçonnait l’existence de réserves importantes de gaz de schiste dans les basses terres du Saint-Laurent. La plus longue liste, inscrite en avril 2010, comptait 38 noms, nous apprend Alexandre Shields.
Sur la liste des lobbyistes inscrits, on trouve des noms bien connus et d’autres agissant dans l’ombre. Lucien Bouchard et André Caillé et plusieurs personnes issues des différentes entreprises actives dans l’exploration gazière, Jean-Yves Lavoie, chef de la direction de Junex et ancien ingénieur pétrolier de la Société québécoise d’initiatives pétrolières, une société d’État aujourd’hui dissoute, Pierre Boivin, président du club de hockey Canadien et membre du conseil d’administration de Questerre Energy, le président de Questerre, Michael Binnion, et le président de Gastem, l’ancien ministre libéral Raymond Savoie. Martin Daraîche, ex-conseiller au sein du gouvernement de Jean Charest apparaît aussi sur cette liste.
La liste compilée par Le Devoir comprend aussi des entreprises comme Petrolia qui compte parmi ses représentants deux anciens employés de la défunte division Pétrole et gaz d’Hydro-Québec. Talisman Energy a embauché Daniel Bernier (chef de cabinet dans le gouvernement Charest de 2003 à 2005) et Daniel Gagnier (chef de cabinet du premier ministre de 2007 à octobre 2009). Questerre Energy a elle recruté Marie-Claude Johnson, ancienne attachée politique de Raymond Bachand et Monique Jérôme-Forget. Gaz Métro a aussi inscrit plusieurs lobbyistes en lien avec ses activités de distribution de gaz naturel. Enfin, des entreprises gazières n’ont toujours pas de lobbyistes inscrits directement en leur nom, dont Molopo, qui détient des permis couvrant 9000 km2 au Québec. Même chose pour Corridor Resources, qui a mis la main sur les permis du gisement Old Harry.
Ça fait beaucoup de personnes pour défendre une ruée vers l’or des énergies fossiles contre l’opposition citoyenne.
Au fédéral aussi
Par ailleurs, une recherche menée par La Presse (31 mars 2011) indique qu’entre juillet 2008 et le 31 décembre 2010, 20 entreprises ou organismes liés aux pétrolières ont obtenu 229 rencontres directement avec des ministres conservateurs. Si on y ajoute les chefs de cabinet, les députés conservateurs, les conseillers de ministres ou du bureau du premier ministre, les sous-ministres et les présidents d’organismes gouvernementaux, c’est plus de 1100 rencontres qui ont eu lieu entre le gouvernement Harper et le monde des pétrolières en 30 mois.
L’auteure ajoute que le Ministre de l’Environnement d’octobre 2008 à novembre 2010, ex-député albertain Jim Prentice est de loin celui qui a rencontré le plus souvent les représentants de l’industrie des pétrolières, avec 74 entretiens. Sa collègue Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles d’octobre 2008 à janvier 2010, a eu 45 rencontres avec les entreprises et organismes liés à ce secteur de production énergétique, dont à neuf reprises avec l’ACPP.
Par contre, parmi les cinq plus importantes organisations environnementales, seul l’Institut Pembina a obtenu des rencontres avec des ministres conservateurs : 7 fois en 30 mois, avec le ministre Prentice (à 5 reprises), le ministre Christian Paradis (qui a remplacé Mme Raitt aux Ressources naturelles), et le ministre John Baird, dans le court laps de temps où il a assuré la transition avant la nomination du nouveau ministre de l’Environnement, Peter Kent.
À la lumière de ces informations, il apparaît clair que les gouvernements à Québec et à Ottawa ont fait leur lit. Ils travaillent main dans la main avec l’industrie des énergies fossiles à rendre légitime les opérations et les demandes de cette industrie. Aux citoyenNEs d’en prendre bonne note.