Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Retraites

Le droit à la retraite

Les régimes de retraite sont, depuis quelques années, sous le coup d’une attaque en règle. Il est urgent de remettre à l’ordre ceux qui s’en prennent à notre droit à la qualité de vie et, par conséquent à une retraite équitable.

Un peu d’histoire

C’est sous les pressions socialistes qu’est apparue en 1881 en Allemagne sous le gouvernement Bismark, la première législation prévoyant un droit à la retraite. Au Canada ce n’est qu’en 1927 qu’on voit apparaître les premiers balbutiements d’un tel régime appelé à l’époque, Loi des pensions de vieillesse. Il a fallu attendre en 1952, suite aux pressions syndicales et populaires pour voir apparaître la Loi sur la sécurité de la vieillesse financée par le gouvernement fédéral pour les hommes et femmes de 70 ans et plus (ancêtre de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) ) En 1966, le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec(RRQ) qui sont des régimes contributifs, sont venus le compléter.

Par la suite se sont ajoutés les régimes de retraite négociés dans les conventions collectives des syndicats des secteurs public et privé dont les plus connus ; le régime à prestation déterminée (RPD) plus avantageux parce qu’il garantit un revenu de retraite stable et prévisible et le régime à cotisations déterminées(RCD) soumis à la fluctuation des marchés. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de ces droits, acquis au prix de nos luttes, qui sont bafoués.

Le patronat à l’offensive

Dans la foulée des attaques néolibérales contre le mouvement ouvrier, le monde patronal tente d’éliminer les régimes à prestations déterminées. Selon les données de la Régie des rentes du Québec (RRQ), la proportion de régimes PD qui incluent un volet CD est passée entre les années 2000 et 2010 de 7% à 22%.

Dans le langage des entreprises, ces remises en question sont la conséquence de la baisse du marché obligataire qui conduit à une insolvabilité des régimes et obligent par conséquent les entreprises à les renflouer à même leurs liquidités. Mais ces calculs sont biaisés. Prenons l’exemple de Postes Canada qui est actuellement en négociation avec le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des Postes (STTP-FTQ). La société d’état demande que les nouvelles et nouveaux employés soient dorénavant assujettis à un régime à cotisations déterminées, invoquant ses problèmes de liquidité servant à renflouer le régime. Les taux d’intérêt actuellement bas réduisent le rendement des placements obligataires et la liquidité du régime. Mais ces mêmes taux sont avantageux lorsqu’elle doit emprunter pour effectuer ses investissements immobiliers et d’infrastructure dans le cadre de ses changements technologiques. C’est comme tenir un budget en ne regardant pas l’ensemble de son portefeuille.

Le gouvernement en rajoute

Le gouvernement songe maintenant à modifier les paramètres du RRQ afin de combler le déficit actuariel. La ministre responsable, Julie Boulet, a déjà indiqué qu’un projet de loi sera déposé avant l’été 2011 pour modifier le régime de retraite offert à l’ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec, copiant ainsi les modifications que le gouvernement fédéral s’apprête à prendre avec le RPC. En plus de hausser les cotisations, le projet de loi prévoit hausser les pénalités pour les départs à la retraite avant 65 ans, l’objectif étant de maintenir les employés et employées au travail plus longtemps.

Les déboires de la caisse de dépôt et placements du Québec, causés par le scandale des placements dans le papier commercial ne sont pas sans incidence sur l’incapacité de la caisse à pourvoir aux retraites. Cela nous démontre les conséquences des investissements de Henri-Paul Rousseau dans des produits hautement spéculatifs voire illicites, sous les directives de Jean Charest, dans le but de bénéficier de hauts rendements à court terme, l’équivalent de jouer à la roulette russe. Mais ce n’est qu’une partie du problème. Selon Michel Lizée, coordonnateur au Service aux collectivités de l’UQAM et économiste spécialisé dans le dossier des régimes de retraite, membre du SCFP :
Si les salaires avaient augmenté au même rythme qu’entre 1965 et 1980, (premières quinze années du RRQ), il serait en bien meilleure posture qu’il ne l’est.
Si l’on veut payer les rentes du RRQ pour ne parler que de ce seul programme, plus de 80% des rentes qui seront versées dans 20 ou 30 ans proviendront des cotisations versées par les travailleurs actifs, lesquelles dépendront avant tout (a) du taux de participation de la main-d’œuvre et du niveau d’emploi dans l’économie et (b) du niveau des salaires payés et donc de l’évolution de la productivité de l’économie québécoise.

On peut en déduire que les actuelles coupures de postes du secteur public additionnées aux pertes d’emplois dans le secteur privé dues aux fermetures d’entreprises et aux relocalisations, conjuguées aux baisses de salaire « pour faire face à la mondialisation » comptent parmi les véritables responsables des futures baisses de rendement de la caisse de retraite.

Les conséquences ne sont pas seulement dommageables pour les travailleurs et travailleuses. En allongeant la période de travail, le gouvernement réduit d’autant les opportunités d’emplois pour les jeunes et augmente le taux de chômage. La bataille pour le droit à une retraite décente c’est notre bataille à tous !

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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