Édition du 17 décembre 2024

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Politique canadienne

Le congrès du NPD : Le déclin et la chute d'un vieux Préambule

(Ou un parti social-démocrate assagi) [1]

Traduction : Presse-toi à gauche !

Comme la course à la direction du Parti libéral fédéral, le congrès politique du NPD la fin de semaine dernière s’est avéré être plutôt à « contre-temps ». Toutes les attentes (ou espoirs) d’une réelle introspection ou importante bataille sur l’identité du NPD sont tombées à plat. C’est suite à un débat minimal et à un vote décisif de 960 contre 188 que les déléguéEs ont approuvé un nouveau préambule à la constitution du parti reposant, en partie, sur le dernier message de Jack Layton aux Canadiens et qu’ils ont retiré du nouveau préambule les références au « socialisme démocratique » et à la « propriété sociale ». En lieu et place, le nouveau préambule énumère les "traditions démocratiques socialistes et sociales-démocrates" comme faisant partie du patrimoine du parti et appelle à une économie fondée sur la régulation.

Malgré ce changement, il serait difficile de suggérer que le NPD soit devenu un parti différent après le congrès de ce week-end. Le NPD n’était pas un parti socialiste, le vendredi matin, lorsque le congrès s’est ouvert. A l’évidence, les gouvernements néo-démocrates provinciaux dirigés par Darrell Dexter et Greg Selinger ne sont pas des gouvernements socialistes. Malgré les moments prévisibles d’hystérie des médias de Colombie-Britannique, de la classe capitaliste ou des partis concurrents, Adrian Dix ne promet pas une transformation socialiste de l’économie provinciale.

En regardant dans le passé, il est ridicule de décrire les gouvernements dirigés par Gary Doer, Roy Romanow, Mike Harcourt ou Bob Rae comme « socialistes ». Plus fondamentalement, quelle personne sérieuse pense vraiment que le NPD sous Jack Layton était un parti « socialiste » ?

La longue histoire de la modernisation du CCF-NPD

Ce n’était pas le moment de la dite clause IV. En 1995, le Parti travailliste britannique, sous Tony Blair, a amendé sa constitution pour supprimer la référence à l’article IV affirmant l’objectif de « la propriété collective des moyens de production, de distribution et d’échange. » Cette formulation remontait à 1918 et les membres du parti avaient repoussé la tentative précédente de modifier l’article IV en 1959-60. Le succès de Blair en 1995 était clairement une étape importante dans la transformation du Labour en un parti de la « troisième « voie », le distinguant de la social-démocratie d’après-guerre.

Le précurseur du NPD, la Cooperative Commonwealth Federation (CCF), avait en fait éliminé son propre article IV, en 1956, quand il a remplacé le Manifeste de Regina de 1933 et sa déclaration affirmant qu’« aucun gouvernement CCF ne sera satisfait avant qu’il ait éradiqué le capitalisme et mis en pratique le programme complet de planification socialisée qui mènera à l’établissement au Canada d’une société coopérative. » Dans les années 1950, le chef du CCF, MJ Coldwell considéra le manifeste de Regina et une telle rhétorique comme une « meule autour du cou du parti » . Contrairement à la direction du British Labour Party, qui avait essayé en vain de modérer l’article IV, le CCF a adopté la déclaration de Winnipeg, beaucoup plus modérée.

Le NPD s’est redéfini périodiquement depuis lors. Il y a eu de nouvelles déclarations notables du NPD et des auto-définitions en 1961, 1969, 1983 et 1995. À l’approche de la convention du week-end dernier, le préambule à la constitution du parti n’avait pas le poids symbolique ou émotionnel de l’article IV du Labour Party britannique ou du Manifeste de Regina du CCF.

L’héritage social-démocrate

Au moment où le CCF est devenu le NPD en 1961, le parti avait clairement accepté les paramètres généraux d’une économie capitaliste, mais avec une politique budgétaire keynésienne pro-active, certains éléments de propriété publique dans une économie mixte, une négociation collective institutionnalisée, régime qui a facilité le développement des syndicats, et un appui solide aux programmes sociaux tels que la santé publique, les pensions, l’assurance-chômage et l’aide sociale.

En d’autres termes, le NPD sous la direction de Tommy Douglas au niveau fédéral (1961-1971) et depuis son origine, était un parti social-démocrate. Juste pour être clair, je n’utilise pas le terme de social-démocratie dans un sens sectaire, comme une étiquette infamante. Dans le climat politique actuel, le terme social-démocratie sonne assez bien, paraît même radical. Historiquement, lorsque le CCF-NPD a déclaré qu’il voulait réformer le capitalisme, il le pensait vraiment. Mais il faut reconnaître que ce programme social-démocrate n’a jamais été anti-capitaliste ou socialiste dans le sens de la construction d’une société allant au-delà du capitalisme.

Qu’est-ce que le NPD défend ?

Le vrai nœud de la question est que, depuis la fin du boom d’après-guerre au milieu des années 1970 et le début de l’offensive capitaliste néolibérale peu de temps après, il y a eu de moins en moins de place pour des réformes sociales au sein du capitalisme. Les forces de gauche ont été rejetées sur la défensive en essayant de conserver des acquis historiques et les programmes sociaux existants.

Lorsqu’il y a eu des victoires importantes, telles la reconnaissance croissante des droits des queers, ceux-ci ont été rangés sous la rubrique de la liberté et de l’individualisme libéral élargi au sein du capitalisme, plutôt que contre le capitalisme. Les luttes pour l’égalité au sein du capitalisme doivent continuer à être menées et elles démontrent que certaines réformes et certaines victoires sont possibles. Ces questions restent assez centrales pour le NPD, même s’il y a eu des soubresauts importants dans le passé.

Dans le contexte contemporain, il aurait, en fait, été beaucoup plus utile pour le NPD de débattre sérieusement de la « sociale-démocratie » plutôt que du « socialisme » à son congrès d’orientation de 2013. Encore une fois, je ne dis pas cela pour être désinvolte. Quel espace politique et fiscal existe-t-il pour des réformes dans le capitalisme contemporain ? Comment exactement, dans une ère de domination néolibérale et de crise économique mondiale, les néo-démocrates se proposent-ils d’atteindre, selon les termes du nouveau préambule, un pays où il y a plus d’égalité, de justice et ... de prospérité « durable » ? Les réponses à ces questions sont loin d’être claires et le NPD n’a même pas tenté d’y répondre. La réalité, c’est que le NPD de Mulcair a continué de dériver vers la droite.

Le déclin du socialisme à l’intérieur et à l’extérieur du NPD

Peut-être que la véritable histoire du nouveau préambule du NPD, c’est qu’il a été adopté facilement sans une réelle mobilisation contre son adoption. L’opposition était faible. Le Caucus Socialiste et le Fightback sont de minuscules groupes au sein du NPD qui n’ont pas réussi à mobiliser une opposition importante aux changements proposés. Il y a d’autres socialistes au sein du NPD, mais ils ne sont pas syndiqués et, à ce congrès, ils semblaient moins nombreux que par le passé.

Historiquement, les défis de gauche au sein du parti - comme le Manifeste du Waffle en 1969, ou la Nouvelle Initiative politique en 2001 et les campagnes à la direction de Jim Laxer, Rosemary Brown et Svend Robinson - ont réussi à générer un soutien de 35 pour cent des déléguéEs, ou plus. La faiblesse de l’’opposition à ces changements à la constitution du parti, qui regroupait à peine plus de 16 pour cent des déléguéEs, est révélatrice.

De toute évidence, de nombreux membres du NPD et de déléguéEs au congrès sont restéEs sur la défensive face au texte du préambule et craignaient, à propos du « socialisme », des attaques tant partisanes que de la part des médias. Il y a une reconnaissance claire que le NPD a une chance de gagner la prochaine élection fédérale et les membres, dans leur ensemble, sont disposés à moderniser la langue du parti afin de maximiser ses chances électorales.

En réalité, certains socialistes dans et autour du NPD seront moins susceptibles de faire du bénévolat pour le parti ou même de voter pour le NPD lors des prochaines élections fédérales. Cela dit, le plus important motif de mobilisation pour les néo-démocrates continuera à être Stephen Harper et son gouvernement conservateur.

Il est probablement juste de dire que le nouveau préambule de la constitution du NPD est une description plus précise et honnête de l’idéologie et de l’approche de la politique du parti que ne l’était l’ancien préambule.

Soyons honnêtes aussi. Au milieu du désastre de la mondialisation néolibérale et de la crise économique, il n’y a pas un essor croissant des organisations socialistes à l’extérieur du NPD. C’est à une réalité politique plus vaste et plus ardue que nous sommes confrontés.


Murray Cooke est un membre de la section locale 3903 du SCFP, de l’Assemblée des travailleurs du Grand Toronto et membre du Nouveau Parti démocratique. En 2001, il a été délégué au congrès du NPD fédéral, grâce au Caucus Socialiste, et il a voté pour la résolution de la New Politics Initiative. Cet article a été publié sur le site de New Socialist.


[1Ce titre est un hommage aux écrits classiques sur la modernisation et la modération du CCF-NPD, y compris le livre Michael S. Croix, « The Decline and Fall of a Good Idea » (1974) et celui de Leo Zakuta, A protest Movement Becalmed » (1964). Plus indirectement, il se réfère également au « Movement to party », thèse présentée par Walter Young dans son Anatomy of a Party (1969).

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