Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Le chemin pour de véritables changements

Le Président Obama a donné, cette semaine, à la Convention démocrate, un des meilleurs discours qu’il ait jamais prononcé et même un des meilleurs de l’histoire récente. C’était une défense presque parfaite de la conception libéralei et de l’exceptionnalisme américain. Je voudrais seulement qu’il en soit au moins à moitié convaincu.

Harpers.org, 7 septembre 2012
Traduction, Alexandra Cyr,

Les premières rumeurs ont glorifié ce discours en des termes insignifiants même stupides. En fait, il était non seulement conçu et écrit avec brio, livré avec un tempo impeccable, il a même réussi quelque chose, ce qui est rare pour un discours.

Le Président a réussi, (comme tous les discours démocrates ce soir-là), à complètement minimiser le tandem électoral républicain de même que la partie la plus furieusement paranoïde du parti. En parlant de la politique extérieure, dont on a fait grand état à Charlotte, les orateurs s’en sont pris à M. Romney et à son colistier P. Ryan, en disant qu’ils n’avaient de ces questions qu’une vision bien étroite puisqu’ils en sont des néophytes notoires. M. Obama a déclaré qu’ils sont « nouveaux » en politique étrangère, les enfermant ainsi tous les deux dans un même concept. Ils sont, a martelé John Kerry, dans le meilleur discours de sa vie : « les deux plus inexpérimentés en politique étrangère qui aient jamais été candidats à la présidence et à la vice-présidence depuis des décennies ». Et il a ajouté : « demandez à Oussama Ben Laden s’il est en meilleure posture maintenant qu’il y a quatre ans ». En réponse, la foule a exhibé des centaines d’autocollants de pare-chocs qui reprenait la question de J. Kerry, au cas où quelqu’unE ne l’aurait pas trouvée assez claire : Bin Laden Is Dead ! GM Is Aliveii !

(…) Certains critiques se sont lamentés de ce que M. Obama n’ait pas donné suffisamment de détails sur ce qu’il ferait exactement pour faire avancer le pays ni comment il le ferait. Un discours à une convention n’est pas une adresse sur l’État de l’Union, ni un message au Congrès. Ce n’est pas Charles Evans s’adressant aux membres de la Société Philatélique. Les politiques sont diverses et une entreprise souvent improvisée ; le politicien habile se garde à portée de main un plateau d’instruments comme le chirurgien du bon vieux temps le faisait. Voici le scalpel, un fendoir, un maillet ou une scie. M. Obama s’est servi de tous les instruments de son plateau pour disséquer les RépublicainEs et leurs candidats.

Ils ont dit tant de choses. Quand vous mettez de côté autant de mensonges, de dangereux mensonges en plus, vous vous désespérez que quelqu’un vous prenne à part (et vous explique). Obama ne se promène pas dans le monde en s’excusant pour les Etats-Unis. Nous ne devrions pas nous retrouver dans deux, cinq, six, huit nouvelles guerres. (…) Casser les syndicats d’enseignantEs n’est pas « un enjeu de droits civiques en ce moment », (désolé Condi)iii. Le seul fait d’éliminer des règlements (non identifiés) et de poursuivre les coupes dans les impôts des très riches ne déclenchera pas un développement économique durable ni non plus une société correcte, acceptable. Et il n’est pas vrai que 99% des scientifiques dans le monde sont impliqués dans une colossale et couteuse supercherie contre les Etats-Unis, son peuple et le monde. Et le corps des femmes n’est pas équipé pour anéantir le sperme des violeurs.

Les Démocrates ont réussi à contrer les Républicains de la manière la plus élégante qui soit, avec quelques phrases bien tournées. B. Obama a démontré, hors de tout doute, que c’était lui l’adulte dans cette course. Et il ne l’a pas fait seulement on désignant les enfants cachés dans leur chambre. Il a mis de l’avant une défense raisonnée, éloquente non seulement des initiatives progressistes qui ont eu lieu jusqu’à maintenant, mais de toute la tradition libérale, de gauche avec le monde entier. C’était un remarquable discours libéral, bien argumenté. On ne pouvait que déplorer qu’il ne soit pas arrivé au pouvoir au cours d’une période ou la droite eut été désemparée, poussé par un mouvement de base passionné avec une large majorité pour le soutenir.

Attendez ! Ça s’est déjà produit et M. Obama a gaspillé chacun de ces avantages parfois même de manière très délibérée. La triste leçon de ces quatre dernières années, c’est que le président ne croit pas beaucoup aux paroles enflammées qu’il utilise pour galvaniser sa base. Il semble bien que, au cours d’un second mandat, il sera presque exclusivement préoccupé par la recherche du « grand arrangement » sur le déficit, si cher au cœur des commentateurs-trices. Quand on connait l’opposition, cet arrangement ne peut qu’être un parfait désastre pour la cause libérale et le pays. C’est le seul résultat important qui puisse arriver (bien sûr que c’est possible) s’il est réélu pour « un autre quatre ans ». Il peut s’ajouter quelques autres traités commerciaux qui vont contribuer délocaliser encore plus d’emplois (comme le Trans Pacific Partnership qui est négocié en ce moment en Virginie) ou peut-être même quelque terrible décision de politique étrangère qui s’abattrait sur lui comme, (Dieu nous pardonne), une invasion de l’Iran.

J’ai parlé à quelques Démocrates à Charlotte, des déléguéEs et d’autres qui n’en étaient pas. Ils et elles n’étaient absolument pas conscientEs de cette perspective, prêtEs pour la bataille. Il est probable que des discours mirobolants vont commencer, avant même la prochaine assermentation, à propos d’une entente pour un budget sur dix ans puisque l’arbitraire « plafond de la detteiv » du congrès va forcer les choses. Compte-tenu de ce que les RépublicainEs de la Chambre et du Sénat vont probablement demander, et de ce que le Président va probablement leur donner, ma plus grande espérance pour les prochaines quatre années est la paralysie et le verrouillage. (…)

Mais il y a pourtant une alternative. Celle qui subsiste dans les gènes de l’organisateur communautaire que fut B. Obama et qu’il nous a renvoyé. Bruce Shapiro, écrivain et analyste politique futé écrit dans un courriel : « Obama a résolu le dilemme de la déception par rapport à sa présidence, en ressuscitant l’action citoyenne pour un meilleur second mandat, plutôt que de miser sur des changements de politiques ou de leadership ».

Shapiro et le président ont raison. Nous sommes le changement que nous cherchions. Seules nos actions de masse vont pousser ce président, essentiellement conservateur, à l’action. Et encore plus profondément, à créer le pays et l’environnement politique où l’enthousiasme, la bonne volonté et le dur travail ne seront plus jamais gaspillés pour un personnage si distant même s’il a le meilleur discours du monde.

Kevin Baker

Macroéconomiste et économiste auprès du Center for Economic and Policy Research à Washington.

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