Le Parti québécois est un parti vieillissant. Les 55 ans et plus comptent pour 68% du nombre total des membres. Les jeunes de moins de 40 ans (!?) pour 14%. Les membres issus de la diversité sont si peu nombreux qu’aucune statistique n’existe concernant leur présence dans le parti. Les entrepreneurs sont peu nombreux, et ils craignent de parler de politique et de s’identifier au PQ de peur de perdre leurs clients ou leur financement. Le rapport de PSPP identifie les secteurs de la population où le PQ marque le pas tant au niveau de sa possibilité de recrutement et de soutien électoral qu’au niveau de l’impact de ses politiques. Il dessine ainsi trois tâches : a) le transfert intergénérationnel du flambeau péquiste ; b) la présence et l’attention aux « Québécois-e-s d’adoption » ; c) et l’accompagnement des entrepreneurs souverainistes désirant s’affirmer comme souverainistes.
Les lacunes du Parti québécois – constats superficiels et vœux pieux
Un discours accroché à la vision dépassée des boomers, une pratique marquée par l’inconsistance, des oscillations entre des positions progressistes au moment des élections et une pratique gouvernementale rompant avec ces positions, la recherche de raccourcis suite à une accumulation de défaites, le PQ n’inspire plus confiance particulièrement aux jeunes, aux membres de la diversité ou aux entrepreneurs. Le portrait du Parti québécois est rapidement esquissé. Mais ne cherchez pas dans ce rapport des explications de la réalité et de l’évolution de ce parti, il n’y en a pas. Ainsi, aucune analyse n’est faite des structures de pouvoir dans ce parti dans l’opposition comme au gouvernement. Pourquoi les discussions sur l’échéancier référendaire ont-elles occupé une telle place ? Pourquoi la tenue d’un référendum sur la souveraineté est-elle maintenant écartée par le PQ pour les élections de 2018 ? Pourquoi le PQ n’a pas jamais appliqué sa proposition sur le vote proportionnel ? Pourquoi a-t-il écarté cette proposition de son programme en 2011 ? Pourquoi cette proposition est-elle revenue dans la Proposition principale en 2017 ?
Les orientations des chefs successifs sont les déterminants de la nature du programme. Au PQ, choisir un chef, c’est choisir un programme. Le pouvoir est concentré dans les mains du chef, des ministres ou futurs ministres qui décident de tout y compris de passer outre aux propositions dûment votées dans les congrès. PSPP ne veut pas répondre à ses questions, car ces réponses tiraient au clair l’ADN de ce parti. Elles identifieraient les limites de son action et de son caractère démocratique. Sa tâche est tout autre. C’est celle de reconstruire un attachement enthousiaste. Et pour ce faire, il cherche à jouer sur les affects et non à comprendre un peu sérieusement la réalité de la dynamique interne de ce parti.
C’est pourquoi pour ce qui est de la démocratie au sein du Parti québécois, il ne peut proposer qu’une série de vœux pieux : développer une culture de respect, demander aux caribous d’être plus empathiques envers les non-caribous, voter en ligne sur les propositions venant des régions, assurer l’intégrité lors des courses à la chefferie ...rien qui puisse remettre en cause la réalité du pouvoir antidémocratique au sein de ce parti.
Le rapport de PSPP ne parvient pas à expliquer l’évolution chaotique des positions politiques du Parti québécois, évolution qui est directement liée à la dialectique entre la volonté de construire un bloc social lui permettant d’accéder au pouvoir d’une part et les exigences que la classe dominante parvient à lui imposer lorsqu’il est au gouvernement d’autre part. C’est pourquoi ce parti clignote à gauche lors d’une campagne électorale, mais qu’il tourne à droite lorsqu’il est au pouvoir.
L’accumulation des défaites et la recherche de raccourcis induisent également une dynamique qui explique son inconsistante. Un exemple seulement. Son incapacité d’offrir une orientation claire dans la lutte pour une majorité indépendantiste l’a amenée à adopter un nationalisme identitaire dont la Charte des valeurs était l’expression. Ce devait être le moyen de construire une majorité électorale. Cette tentative a lamentablement échoué pavant la voie à sa défaite. Que répond PSPP à cette problématique de l’inconsistance politique qu’il ne parvient nullement à expliquer ? Il répond encore une fois par des vœux pieux : demeurer cohérent en tout temps, énoncer clairement les valeurs du parti, valoriser ses réalisations sociales, mettre sur pied un comité d’experts en économie, faire du PQ un outil de propagation de l’identité québécoise. Il en reste au niveau des choix de communication. Rien pour sortir ce parti de l’inconsistance organique.
Constats et propositions en direction des jeunes
Les constats peuvent être résumés rapidement : il y a un habitus générationnel issu des expériences vécues propres à une génération particulière dans le domaine, en autres, de la lutte nationale. Les plus jeunes n’ont pas vécu l’expérience d’un référendum, de son caractère enthousiasmant et des déceptions liées à la défaite. Cet habitus générationnel est marqué par la domination du discours néolibéral dans l’espace public qui tend à promouvoir une approche individualiste des problèmes, car cette génération a vécu d’abord, l’impuissance à agir sur le terrain politique pour transformer sa réalité marquée par des sentiments d’exclusion face à la génération des baby-boomers tout particulièrement qui occupait déjà la majorité des postes de responsabilité.
Les propositions tendent à isoler la question générationnelle des fondements réels de la structure du pouvoir au sein du Parti québécois. C’est pourquoi, les solutions, ici aussi, relèvent des bonnes intentions : a) organiser la relève générationnelle et apporter des transformations au fonctionnement du parti pour favoriser la participation des jeunes ; b) véhiculer des discours qui répondent aux sensibilités prégnantes dans l’habitus des jeunes d’aujourd’hui et aux problèmes qui leurs sont spécifiques et c) prendre des initiatives pour contrer les dimensions de leur habitus qui tendent à marginaliser l’identité québécoise dans leur perception d’eux-mêmes comme la promotion de la langue, de la culture et de l’histoire du peuple québécois. En fait, PSPP ne part pas des problèmes spécifiques imposés aux jeunes par la société capitaliste : endettement étudiant, travail précaire, marginalisation politique, blocage dans l’accès aux postes de responsabilité... Partir de ces réalités, ce serait poser la question de la réalité du pouvoir dans le Parti québécois… Là encore, cette réalité ne doit pas être questionnée… et le rapport de PSPP ne le fait pas et n’offre donc pas de solutions véritables.
Comment les réticences des « Québécois d’adoption » envers le Parti québécois se sont-elles construites et consolidées ?
Quelle pratique et quel discours ont pu participer à la construction de ce rapport particulier des « Québécois-e-s d’adoption » au Parti québécois ? Quels sont les obstacles au coeur même du discours nationaliste à un éventuel ralliement au projet du Parti québécois ? Comment de tels obstacles pourront-ils être dépassés ou contournés ?
Face à la diversité québécoise, le rapport de PSPP évite l’essentiel. Il ne s’attarde pas tirer un bilan de l’épisode de la Charte des valeurs québécoises, sauf pour avouer qu’elle a créé de la méfiance chez les nouveaux Québécois. Il ne donne aucun signe d’explication au renforcement de l’islamophobie dans la société québécoise. Il ne fait aucun portrait sérieux sur les discriminations même s’il ne peut ignorer la question. S’il parle d’un discours inclusif, il n’offre aucune définition de la nature inclusive de la nation qui permettrait à la population des communautés issues de l’immigration de s’identifier à la nation et de dépasser la logique du eux et du nous. Alors les diagnostics du rapport de PSPP restent superficiels. Le PQ est absent du terrain où se retrouvent les personnes immigrées ; des campagnes de diffamation sont menées contre le PQ ; ce dernier manque de constance ; il reste ambigu sur le caractère du nationalisme que le PQ devrait défendre. Alors que le PQ a joué la carte identitaire, particulièrement dans les dernières années, PSPP s’avère incapable de fournir l’ombre d’une explication à cet état de fait. C’est pourquoi, il en reste à un recueil de bonnes intentions et de mesures organisationnelles : embaucher des membres de la diversité à des postes importants dans le parti, présenter des candidat-e-s racisé-e-s, maintenir le dialogue avec la diversité et faire la promotion de ce que le PQ a fait pour la diversité. Sur les 33 propositions concernant la diversité, trois propositions seulement soulignent la nécessité de s’attaquer à la discrimination et au racisme que subissent des Québécois-e-s d’adoption. Cela n’a rien de négligeable et il faut le saluer, mais la majorité des propositions s’inscrivent dans une logique d’intégration à la société québécoise et de renforcement du sentiment identitaire parmi les populations issues de l’immigration. Quand on sait le discours aujourd’hui tenu par Jean-François Lisée sur le ralliement au tronc commun et le rejet de l’interculturalisme au nom de la concordance culturelle, sans parler de l’aile du parti qui soutient un modèle d’intégration qui relève de l’assimilationnisme, on doit dire que les postures suggérées ne permettront pas vraiment de dépasser la distance du PQ avec les communautés culturelles.
Comment expliquer le silence relatif des entrepreneurs québécois face à la souveraineté et leur malaise à s’afficher comme péquistes ou souverainistes ?
En fait, les constats sont ici encore plus schématiques que pour les jeunes et les « Québécois d’adoption » Et ces constats sont de la même eau que ceux déjà avancés. Le PQ n’est pas assez présent sur le terrain. Il n’a pas assez de liens avec les entrepreneurs. Il n’a pas su développer des stratégies d’accompagnement des entreprises québécoises.
En l’absence d’une analyse concrète de la situation concrète, PSPP nous propose le même type de remèdes : le PQ devrait avoir une présence accrue auprès de la communauté des affaires, proposer davantage d’aide et d’accompagnement aux entreprises du Québec, réduire la bureaucratie gouvernementale, leur démontrer que le Canada constitue un frein au progrès…
En fait, la position des entrepreneurs face à la souveraineté s’explique à partir d’affects matériels très précis. Les entrepreneurs sont mal à l’aise face au PQ et à la souveraineté, car ils sont sérieusement minoritaires sur cette question dans leur classe. Et comme, ils dépendent pour leurs affaires du reste de leur classe, ils évitent de se faire reconnaître comme indépendantistes ou comme péquistes. De plus les turbulences envisagées face l’indépendance, c’est la crainte que la redéfinition indépendantiste de la société et les possibles mobilisations populaires que cela engendrerait participent d’une remise en question de leurs privilèges dans la société québécoise. PSPP n’ose pas rappeler que lors de tous les rendez-vous importants du peuple québécois avec son avenir lors des référendums, la vaste majorité des entrepreneurs québécois a choisi le camp du fédéralisme canadien. Voilà, un autre fait qui est passé sous silence dans le rapport de PSPP.
Un rapport impressionniste qui évite les questions essentielles
Le rapport de PSPP a étonné et même fait sensation dans certains milieux péquistes et journalistiques. En fait, il est impressionniste. Il se situe en deçà d’une compréhension réelle des dynamiques et des rapports de force qui structurent le Parti québécois. Les solutions plus nombreuses qu’efficaces font complètement abstraction de la réalité profonde de ce parti, de ces dynamiques et de la nature de sa direction. C’est pourquoi la reproduction du même sous la haute direction du chef tant que ce dernier ne sera pas usé para de nouvelles défaites reconduira la tendance de ce parti à se dissocier toujours plus profondément de l’objectif stratégique qu’il prétend poursuivre. C’est pourquoi le rapport de PSPP ne dépasse pas le bon coup médiatique et ne saura influer véritablement sur le déclin prévisible du Parti québécois.