Édition du 19 novembre 2024

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Élections législatives en France

Le RN en force comme jamais à l’Assemblée nationale

Avec un groupe de 89 députés, l’extrême droite fait une progression fracassante à l’Assemblée nationale. Elle aura pour la première fois les coudées franches pour imposer ses thèmes dans l’hémicycle.

20 juin 2022 | tiré de mediapart.fr | Photo : Marine Le Pen, entourée de Bruno Bilde et Steeve Briois à la sortie de son bureau de vote à Hénin-Beaumont, le 19 juin 2022. © Photo Franck Crusiaux / REA
https://www.mediapart.fr/journal/france/200622/le-rn-en-force-comme-jamais-l-assemblee-nationale

Un séisme. Dimanche 19 juin, le Rassemblement national (RN) a fait une percée fulgurante en obtenant un groupe de 89 députés. Un résultat que personne, au sein du parti d’extrême droite, n’osait même espérer ces dernières semaines, puisqu’il revient à multiplier par dix le nombre de ses élus dans l’hémicycle.

Après une campagne particulièrement maladroite, le parti de Marine Le Pen s’impose finalement comme la troisième force politique du Palais-Bourbon, la deuxième formation d’opposition derrière la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), en s’offrant le luxe de devancer largement la droite Les Républicains (LR).

Réélue haut la main à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), avec 56 % des suffrages exprimés, Marine Le Pen s’est réjouie que le RN impose « un très puissant groupe de députés à l’Assemblée nationale qui devient ainsi un peu plus nationale… Nous devenons le groupe le plus nombreux de l’histoire de notre famille politique », a-t-elle rappelé, malgré un mode de scrutin qu’elle juge « injuste et inadapté ».

« Nous avons atteint les trois objectifs que nous nous étions fixés : faire d’Emmanuel Macron un président minoritaire, poursuivre la recomposition politique indispensable, constituer un groupe d’opposition déterminant face aux destructeurs d’en haut, la Macronie, et d’en bas, l’extrême gauche », s’est félicitée l’ancienne candidate à l’élection présidentielle.

Un peu plus tôt, le président par intérim du parti, Jordan Bardella, s’était dit «  très ému » par le score du RN. « C’est un tsunami aujourd’hui », a-t-il expliqué sur le plateau de TF1, peu après les premiers résultats connus.

Près de 40 ans après avoir obtenu un groupe de 35 députés à l’Assemblée nationale, grâce à l’instauration du scrutin proportionnel par François Mitterrand, l’extrême droite réalise donc une percée fulgurante dans un hémicycle où elle a longtemps été contrainte de jouer les figurants.

Le RN consolide ses bastions dans les Hauts-de-France (six députés dans le Nord et six dans le Pas-de-Calais), dans les Bouches-du-Rhône (six députés). Il fait aussi un carton plein dans les Pyrénées-Orientales, dans l’Aude ou dans l’Hérault.

Mais, signe que le parti aux treize millions d’électeurs au second tour de l’élection présidentielle progresse partout, l’extrême droite fait aussi une percée dans des territoires où elle était jusqu’ici absente. En Gironde, elle obtient ainsi deux députés. Elle remporte également des sièges en Charente, en Charente-Maritime, mais aussi dans l’Eure où elle gagne quatre sièges sur cinq.

Un grand nombre d’inconnus vont entrer à l’Assemblée nationale

Pratiquement tous les cadres du parti qui s’étaient présentés sont élus : le porte-parole Sébastien Chenu est réélu dans le Nord (19e circonscription) ; Jean-Philippe Tanguy, l’ancien directeur adjoint de campagne de Marine Le Pen est élu dans la Somme (4e circonscription) ; l’ancien journaliste de LCI Philippe Ballard est élu dans l’Oise (2e circonscription) ; le très médiatique Julien Odoul est élu dans l’Yonne (3e circonscription) ; Franck Allisio, responsable des « argumentaires » pendant la campagne présidentielle est élu dans les Bouches-du-Rhône (12e circonscription) ;la conseillère presse de Marine Le Pen Caroline Parmentier est élue dans le Pas-de-Calais (9e circonscription) ; Laure Lavalette, la conseillère régionale très mise en avant par le parti pendant la campagne présidentielle, remporte un siège dans le Var (2e circonscription) ; et le jeune trésorier du RN Kévin Pfeffer gagne en Moselle (6e circonscription).

Longtemps à la tête du groupe des Horaces, le think tank de hauts fonctionnaires du RN, l’énarque Hervé Fabre-Aubrespy, s’incline, lui, devant le député Ensemble sortant Mohamed Laqhila dans la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Alliée au RN, Emmanuelle Ménard obtient l’impressionnant score de 71 % des suffrages exprimés face à la candidate de la Nupes Magali Crozier-Daniel dans la 6e circonscription de l’Hérault. Et Marie-France Lorho, de la Ligue du Sud, est elle aussi largement réélue dans la 4e circonscription du Vaucluse avec le soutien du RN.

Pour le reste, parmi ce groupe de près de 89 députés, beaucoup de visages inconnus, et de quasi novices en politique, vont faire leur entrée au Palais-Bourbon. Des élus qui vont, cette fois, avoir les coudées franches pour peser dans l’hémicycle plus que l’extrême droite n’a jamais pu le faire sous la Ve République.

Après avoir fixé l’objectif modeste d’obtenir un groupe - soit 15 députés -, Marine Le Pen avait récemment expliqué qu’elle tablait plutôt sur un groupe « d’au moins 60 députés » soit une « opposition de plein exercice », estimait-elle jeudi sur France Inter.

Avec 15 députés, le RN comptait déjà obtenir plus de temps de parole, mais surtout pouvoir s’inviter dans le travail en commission, essentiel pour réellement influencer le travail législatif. En parvenant à franchir, largement, le seuil des 60 députés, le RN pourra désormais déposer des motions de censure, mais aussi saisir le Conseil constitutionnel sur des projets de loi.

Pour le parti d’extrême droite, lourdement endetté, ce raz-de-marée dans les urnes constitue une providentielle bouffée d’oxygène en terme financier. Il va permettre d’obtenir un financement public important - autour de 10 millions d’euros par an - mais aussi un soutien logistique pour, enfin, former et entretenir des cadres qui font aujourd’hui tant défaut au parti de masse qu’est devenu le RN.

Après avoir imposé ses thèses et ses thèmes dans le débat public pendant des années, et particulièrement dans la dernière campagne présidentielle, l’extrême droite a cette fois l’opportunité de peser directement et fortement sur le travail législatif.

Lucie Delaporte

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