Édition du 5 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Canada

Le NPD est-il vraiment pour le droit du Québec à l’autodétermination ?

Dans une entrevue réalisée par la revue Canadian Dimension cet été dans le cadre de la course à la chefferie du NPD, les trois candidats et la candidate ont donné leur position concernant l’autodétermination du Québec et se sont peu ou pas prononcés concernant la question de la souveraineté elle-même. La question concernait en fait l’approche concernant les questions de l’occupation du territoire et du droit à l’autodétermination et à la souveraineté pour les premières nations au Canada et pour le Québec. (1)

L’ENTREVUE

Niki Ashton

« Nous devons reconnaître l’impact du colonialisme et appuyer entièrement et reconnaître le droit à l’autodétermination et la souveraineté des premières nations et adopter ainsi que mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones, laquelle inclue le principe du consentement préalable libre et éclairé des peuples autochtones. J’appuie entièrement la déclaration de Sherbrooke, laquelle contient une ébauche claire pour la reconnaissance du droit à l’autodétermination des québécois et québécoises. En même temps, il est important de reconnaître que nous avons une cause commune dans la recherche d’une profonde transformation avec les progressistes du Québec, incluant les mouvements sociaux et Québec solidaire qui est en plein essor.
Je crois que nous pouvons et nous devons travailler avec les peuples autochtones et les québécois pour une profonde transformation de notre système politique et économique afin d’atteindre une justice sociale, environnementale et économique pour tous et toutes. »

Charlie Angus

« Je continuerais de faire de la déclaration de Sherbrooke la pier angulaire de la politique du NPD. Québec est une société distincte à l’intérieur du Canada, et une mesure de fédéralisme asymétrique assure que le gouvernement du Québec peut poursuivre son rôle traditionnel en tant que défenseur de la langue française dans la société québécoise. Un gouvernement fédéral NPD ferait aussi en sorte de continuer à respecter les droits linguistiques et culturels des minorités à l’intérieur du Québec.
Nous avons besoin d’une nouvelle relation nation à nation avec les peuples autochtones au Canada, qui visent particulièrement à arrêter la faillite des enfants et des communautés autochtones. Nous devons également mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies concernant les droits des peuples autochtones, respecter l’Appel à l’Action de la Commission Vérité et Réconciliation, établir un poste d’ombudsman responsable des enfants autochtones, vérifier et démanteler le programme des Affaires autochtones et de développement du Nord et retourner le programme fédéral et les fonds directement aux gouvernements autochtones, en envisageant la possibilité d’abroger la loi sur les Indiens. »

Guy Caron

« J’appuie la déclaration de Sherbrooke qui donne le statut de nation au Québec et prévoit le droit à l’autodétermination et le besoin d’un fédéralisme asymétrique pour combler le manque de relations entre le Québec et le Canada. La souveraineté des peuples autochtones doit également être basée sur le même droit à l’autodétermination et je crois que l’autonomie souveraine obtenue par la nation Naskapi Cree sous l’entente de la Baie James, pourrait servir de modèle pour les générations futures. Un gouvernement Caron mettrait en œuvre toutes les recommandations de la Commissions Vérité et Réconciliation et signerait immédiatement la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones. »

Jagmeet Singh

« Le gouvernement fédéral n’a pas rempli ses promesses envers les premières nations concernant l’éducation, la crise de logement et d’aqueducs, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones, et l’adhésion au tribunal Canadien des droits humains pour mettre en œuvre l’arrêt Jordan, et l’arrêt de la discrimination raciale envers les enfants des premières nations.
J’appelle à l’introduction immédiate de la Loi sur les langues autochtones, un Conseil national pour le Réconciliation et la construction d’un monument national en mémoire des pensionnats indiens.
Je reconnais le Québec comme une nation et appuie la chose essentielle qui en découle qui est le droit à l’autodétermination démocratique. C’est fondamental. »

LA RÉALITÉ

Une incompréhension totale et réductrice de Charlie Angus qui limite le rôle du gouvernement québécois à la préservation de la langue française mais insiste pour dire qu’il fera en sorte de respecter les droits linguistiques des minorités. Tout cela dans la même affirmation du droit à l’autodétermination.
Le débat de dimanche dernier à Montréal a ainsi démontré que confronté à la réalité politique, les grands discours ne tiennent plus. Ainsi le droit à l’autodétermination devient vite conditionnel.

Jagmeet Singh s’est prononcé contre la loi 62 de Québec sur la prestation et la réception de services publics à visage découvert. Il a affirmé que les tribunaux seront saisis de cette question et indiqué que la loi serait surement invalidée et affirmé que c’était le devoir d’un premier ministre d’intervenir, ce n’est plus une question de respect mais de valeurs. Il a même laissé entendre qu’il appuierait la cause de groupes désirant contester cette loi devant les tribunaux une fois qu’elle sera adoptée.

Niki Ashton, pourtant celle qui est vue comme plus progressiste a affirmé qu’une contestation judiciaire « est quelque chose à laquelle il faut être ouvert ».
Quelle que soit la position qu’on peut avoir concernant le projet de loi 62 ou quel qu’autre enjeux, le droit à l’autodétermination du Québec est inconditionnel. C’est au Québec de faire son débat et de décider.

Il est particulièrement singulier que toutes les candidatures se réclament de la déclaration de Sherbrooke adoptée en 2005. Lors de l’adoption de la loi sur la clarté référendaire par le gouvernement Chrétien dans la foulée du référendum de 1995, la majorité des députés du NPD avaient voté en faveur. La déclaration de Sherbrooke revenait donc sur cette position et reprenait ce que Jack Layton avait soutenu lors des élections de 2004 lorsqu’il avait pris position contre la loi sur la clarté, créant ainsi une ouverture au Québec. La reconnaissance de la nation québécoise avait aussi été inscrite dans la plateforme du NPD à ce moment.

Mais lors des élections de 2005 devant le faible appui obtenu en 2004 au Québec et la pression du reste du Canada et malgré la déclaration de Sherbrooke, Jack Layton et le NPD avaient réitéré leur appui à la loi sur la clarté.

(1) https://canadiandimension.com/articles/view/five-vital-issues-facing-the-left-in-canada

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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