Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Le Groenland fond comme beurre au soleil

Les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique fondent à un rythme accéléré sous l’action du changement climatique : depuis 2005, elles perdent en moyenne 344 milliards de tonnes par an. De 1992 à 2011, plus de 4 000 milliards de tonnes de glaces polaires se sont diluées dans les océans sous l’effet du réchauffement planétaire, faisant grimper le niveau des mers de 11,2 millimètres.

30 novembre 2012 | mediapart.fr

Telles sont les conclusions, publiées le 30 novembre dans la revue Science, d’une nouvelle étude réalisée par un consortium international de 47 glaciologues appartenant à 26 instituts de recherche (13 aux États-Unis, 5 au Royaume-Uni, 2 aux Pays-Bas, les autres en Allemagne, Australie, Autriche, Danemark et Pays-Bas).

« Si la fonte des glaciers se poursuit au rythme actuel, nous devrions voir le niveau des mers augmenter de 30 centimètres d’ici à 2050 », estime Eric Rignot, chercheur français au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa, à Pasadena (Californie). Rignot, qui est l’un des co-auteurs de l’étude publiée dans Science, a déjà publié en 2011 un article démontrant l’accélération de la fonte des calottes polaires.

Cette accélération pourrait conduire à une hausse du niveau des océans de plus d’un mètre d’ici la fin du siècle. Beaucoup plus que les prédictions du quatrième rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié en 2007, qui estimaient la hausse du niveau des mers entre 18 et 59 centimètres d’ici à 2100.

De nouveaux outils permettant de mesurer la fonte des glaciers ont rendu obsolètes les estimations du Giec. Selon les projections réalisées il y a une dizaine d’années, les pertes de glace au Groenland devaient être compensées par des gains en Antarctique, où une atmosphère plus chaude devait entraîner d’abondantes chutes de neige.

Les observations récentes montrent qu’il n’en est rien : les deux calottes polaires fondent de plus en plus vite. Telle est la conclusion majeure de l’étude publiée par Science. La masse de glace qui disparaît annuellement a triplé pendant la période 2000-2011 par rapport à la dernière décennie du XXe siècle. Chaque année, cette fonte des glaces polaires fait monter le niveau des océans de 0,6 millimètre (soit 20 % de la hausse totale, estimée à 3 mm par an). De plus, la masse de glace qui disparaît annuellement a triplé entre la période 1992-2000 et la période 2000-2011.

Ces estimations n’ont pas été aisées à établir : au cours des quinze dernières années, une trentaine d’études ont cherché à évaluer les gains et les pertes subis par les calottes polaires. Les résultats variaient entre une perte massive de 676 milliards de tonnes par an et un gain net de 69 milliards de tonnes !

Comme on peut s’en douter, une telle abondance de publications divergentes suscitait la confusion. C’est pourquoi, en 2011, les scientifiques du domaine ont décidé de tirer les choses au clair. À cette fin, ils ont mis en place un projet, l’IMBIE, financé par la Nasa et l’Agence spatiale européenne, et rassemblant les 47 spécialistes mentionnés plus haut.

La calotte glaciaire du Groenland fond 5 fois plus vite qu’au début des années 1990

Les glaciologues de l’IMBIE ont colligé un grand nombre de données issues des mesures réalisées par satellite. Il existe trois méthodes pour quantifier les variations des calottes glaciaires :

• L’altimétrie, qui consiste à mesurer la hauteur d’une couche de glace grâce à un écho radar ou laser ;

• L’interférométrie, dans laquelle on mesure avec un radar la vitesse d’écoulement des glaciers pour en déduire les pertes ;

• La gravimétrie, dont le principe consiste à mesurer l’attraction gravitationnelle exercée par le glacier sur deux satellites qui le survolent en se suivant (ce principe est utilisé par le système Grace).

Les satellites jumeaux Grace© Nasa

Les chercheurs de l’IMBIE se sont appuyés sur un grand nombre de mesures satellitaires : ils ont rassemblé les données de 19 années d’altimétrie par radar, 5 années d’altimétrie laser, 19 années d’interférométrie radar, et 8 années de gravimétrie.

Ils ont ensuite constaté que si les résultats, pris isolément, semblaient se contredire, c’était parce que la plupart des campagnes de mesures étaient effectuées sur une courte durée. Or il y a des fluctuations à court terme dans la fonte des glaciers. D’une saison ou d’une région à l’autre, on trouve des résultats divergents. Mais si l’on ajuste les données sur une même région et une même période, on constate qu’elles sont en relativement bon accord. Globalement, « elles montrent la même chose », résume le premier auteur de l’étude, Andrew Shepherd, de l’université de Leeds.

En résumé, les scientifiques sont parvenus à « réconcilier » les données qui semblaient disparates. Interrogé dans Science, le glaciologue Robert Bindschadler, du Centre Goddard de la Nasa, juge que la démarche IMBIE traduit une maturation de ce domaine de recherche : « Jusqu’ici, il y avait une rivalité entre les groupes de recherche ; cette démarche exprime une volonté de trouver un accord. Et elle confirme que les changements des calottes glaciaires sont réels. Les deux géants de l’Antarctique ouest et du Groenland réagissent au changement climatique à un rythme qui s’accélère. »

L’accélération la plus inquiétante concerne le Groenland, qui réagit fortement au réchauffement de l’atmosphère. Selon l’étude publiée par Science, les trois quarts de la perte totale de glace sont imputables au Groenland. Sa calotte glaciaire fond au rythme de 263 milliards de tonnes par an, 5 fois plus vite qu’au début des années 1990 !

L’Antarctique, elle, perd 81 millions de tonnes par an, mais avec de forts contrastes : la région est du continent antarctique ne fond pas, elle est même en léger bénéfice ; celui-ci est cependant plus que compensé par les pertes de la région ouest et de la péninsule antarctique. Le principal mécanisme à l’œuvre est le réchauffement de l’eau des océans, qui fait chauffer le dessous des glaciers et accélère ainsi leur écoulement. En revanche, le réchauffement de l’atmosphère a peu d’incidence sur la fonte de la glace antarctique.

Au total, cette nouvelle analyse confirme les observations les plus récentes : les calottes glaciaires géantes de l’Antarctique ouest et du Groenland réagissent au changement climatique à un rythme accéléré.

Les glaciologues ont encore du pain sur la planche : il leur faut intégrer la nouvelle donne issue des récentes analyses dans des modèles capables de prédire le comportement futur des calottes glaciaires, ce qui est hors de portée des modèles actuels.

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