Je ne vais pas m’attarder ici à faire l’analyse des politiques russe et canadienne d’occupation et de revendications territoriales du Nord. Seulement, M. Harper, avec sa manie de reprocher aux autres ce que lui-même fait a piqué ma curiosité. Se peut-il qu’en plus de la militarisation de l’État canadien, nous assistions à la militarisation de notre économie ? Avec quelques 109 000 emplois directs ou indirects, notre complexe industrialo-militaire gagne en importance.
Bien entendu, M. Harper et son gouvernement n’en sont pas les seuls responsables. Entre 1998 et 2014 seulement, les exportations d’armes canadiennes ont été multipliées par 11, passant d’une valeur globale de 59 M$ à 670 M$. Ce qui inquiète, c’est surtout que cette tendance suit de près les recommandations formulées en 2009 par les représentants de cette industrie, soit de considérer de plus en plus l’industrie militaire comme étant l’un des poumons économiques du Canada.
Exportation d’armes par le Canada (en millions $ constant de 2014)
Source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/CAN/fr/MS.MIL.XPRT.KD.html, calcul de l’auteur.
Il est certain que comparées à l’ensemble des exportations canadiennes de biens, les exportations d’armes et de produits militaires sont encore bien marginales. Elles comptaient pour un maigre 0,01 % du total en 1998 pour atteindre presque 0,1 % en 2011. Il ne faut cependant pas se laisser tromper par ces chiffres. Le Canada se retrouve dans le peloton de tête des marchands d’armes à l’échelle mondiale, ratant le top 10 des plus grands exportateurs que de peu.
Part des exportations d’armes dans les exportations canadiennes de biens, en %
Source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/CAN/fr/MS.MIL.XPRT.KD.html et Statistique Canada : Tableau 380-0027 – Exportations et importations de biens et services, calcul de l’auteur.
Le plus important est d’être conscient de la direction prise depuis maintenant une quinzaine d’années. Puisque le Canada participe activement à la vente d’armes au niveau international, il n’est dès lors plus surprenant de voir notre gouvernement se faire l’apôtre des valeurs militaires ou encore de se ranger dans le camp des faucons sur la scène internationale. Plus intéressant encore est de constater qu’au fond, cela n’a pas grand chose à voir avec la couleur du parti au pouvoir à Ottawa, qu’il ne s’agit pas d’un accident ou d’une anomalie, mais de la suite logique de la place grandissante donnée à l’industrie militaire par les gouvernements qui se succèdent au pouvoir.
Plus l’industrie militaire gagnera en importance dans la structure économique canadienne, plus le gouvernement devra avoir les intérêts de cette dernière à cœur quand vient le temps de prendre position dans les conflits armés de par le monde. C’est souvent en suivant cette pente glissante que les pays se transforment tranquillement en de simple marchand d’armes en marchand de guerre. Espérons qu’il ne soit pas encore trop tard.