L’argumentaire de Laval est d’une logique et d’une efficacité redoutables et il est important que nos lecteurs en prennent connaissance.
Première préoccupation, l’eau : en cas de déversement du pipeline en période de crue, « la totalité des prises d’eau de la ville de Laval pourrait être affectée dans un intervalle de 8 à 12 heures ». (…)
« Ainsi, un déversement de pétrole dans la rivière des Outaouais pourrait priver d’eau l’ensemble des Lavallois pour une durée indéterminée. De surcroît, tout le système de traitement d’eau potable incluant le système de distribution pourrait être affecté si les eaux captées par les prises d’eau étaient contaminées aux hydrocarbures. Ce scénario est très envisageable dans le cas d’une fuite non détectée. Le nettoyage des infrastructures de traitement et de distribution d’eau potable pourrait alors être long, difficile et onéreux. »
Deuxième préoccupation, l’impact sur la biodiversité et la fragmentation du territoire. Le tracé prévu du pipeline traverserait des territoires zonés agricoles et d’autres d’une grande richesse du point de vue de la biodiversité, notamment l’archipel du Mitan dans la rivière des Prairies, une réserve naturelle protégée. Un déversement porterait un coup fatal à des espèces en voie de disparition au Canada, comme la Carmantine d’Amérique ou le chevalier cuivré. Or l’étude de dispersion des contaminants en cas de fuite n’est même pas disponible.
Troisième préoccupation, l’absence d’information sur la manière dont l’oléoduc traverserait la rivière des Outaouais et les affluents de la rivière des Milles Iles. La société TransCanada « ne semble pas vouloir segmenter chaque passage d’un cours d’eau à l’aide de vannes par exemple ». « La ville de Laval juge l’ensemble de cette situation extrêmement préoccupante étant donné que la rivière des Outaouais est le tributaire des sources d’eau brute de la ville. »
Quatrième préoccupation : Laval comptabilise ses gaz à effet de serre et s’est engagé à produire un plan d’action pour la réduction des GES, elle est impliquée dans des réseaux pour ce faire et elle s’inquiète des impacts des changements climatiques pour sa collectivité. Or les émissions amont associées au pétrole transporté par Énergie Est s’élèveraient de 30 à 32 millions de tonnes par année, soit 15 fois plus que les émissions de GES annuelles de l’ensemble du territoire lavallois.
Cinquième préoccupation, les mesures de sécurité de la compagnie. Le mémoire de Laval rappelle que plusieurs incidents récents justifient l’inquiétude des citoyens quant à l’efficacité de ces mesures :
La détection des fuites à l’aide des outils technologiques les plus modernes –tant vantés par TransCanada – n’a pas fonctionné lors de deux accidents récents (oléoduc Pegasus d’Exxon à Mayflower en Arkansas en 2013 ; oléoduc de Nexen à Fort McMurray en Alberta en 2015)
La distance importante entre les vannes d’isolement (29km) fait qu’en 16 minutes quelque 5 000 barils ou 750 000 litres ont pu s’échapper dans l’environnement à Mayflower. La même distance est prévue pour Énergie Est.
Les temps de réaction sont aléatoires. Le déversement de 20 000 barils de l’oléoduc 6b d’Enbridge dans la rivière Kalamazoo à Marshall au Michigan en 2010 a été causé par un temps de réaction très long (17 heures) et à la négligence d’Enbridge qui n’avait pas tenu compte des signaux d’alarme préalables attestant du mauvais état du pipeline.
Laval constate donc à partir de l’analyse des accidents survenus antérieurement que les compagnies sous-estiment les conséquences des « pires cas » :
« sous-estimation du délai d’arrêt d’urgence et des performances antérieures ;
sous-estimation des fréquences des incidents et des bilans de sécurité antérieurs ;
absence de souci des défaillances possibles de l’équipement ;
culture d’entreprise présumant que les opérateurs ne font pas d’erreurs
en cas de sinistre, peu de différenciation des effets entre les types de pétrole : dilbit, pétroles conventionnels ou synthétique et pétrole de schiste. »
Étant donné que Laval « ne peut garantir la sécurité de ces citoyens et la protection de l’environnement sur son territoire » la ville ne peut donc que s’objecter à la réalisation du projet oléoduc Énergie Est. Enfin, la ville souligne aussi que le projet ne permet pas de réduire la dépendance énergétique aux combustibles fossiles, ne réduit pas les émissions de GES et n’aura pas d’impact positif sur la qualité de l’air, objectifs qu’elle fait siens.
Ce mémoire est implacable pour TransCanada. Résultat : Laval 1, Énergie Est 0.
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