1-Nous sommes en faveur d’une "laïcité ouverte".
- Définition de laïcité : qui n’est pas religieux, qui est indépendant de toute confession religieuse. Le fait qu’elle soit neutre et ne favorise personne est justement ce qui la rend inclusive, ouverte à tous et toutes et est un facteur de cohésion.
- La définition de laïcité est claire et sans ambiguïté. Les personnes favorisant le port de signes religieux dans la fonction publique sentent le besoin d’ajouter « ouverte » au mot laïcité. Ce besoin d’accoler un adjectif à laïcité traduit le fait que leur concept ne correspond pas pleinement à la définition et à l’usage fait jusqu’ici. Cela crée la confusion. En fait, pseudo-laïcité serait plus juste.
- Porter un signe religieux est un symbole puissant et d’aucune façon neutre. Ce n’est pas pour rien que certain.e.s insistent tant pour le porter.
2-Plusieurs femmes intelligentes et voilées déclarent publiquement que c’est leur choix de porter le voile :
- Les femmes qui subissent de la pression directe ou indirecte pour porter le voile ne viendront jamais témoigner en public. Pas plus qu’une femme victime de violence ne va venir dénoncer son agresseur en public. La peur de représailles est trop grande. Jamais Aqsa Parvez, vivant en Ontario et tuée parce qu’elle refusait de porter le voile n’aurait pu témoigner publiquement de son oppression. Également pour les femmes de la famille Shafia. Le projet de loi sur la laïcité va venir soutenir toutes ces femmes qui ne peuvent s’exprimer publiquement et qui aimeraient travailler dans la fonction publique sans subir la pression du milieu pour porter le voile. QS et la FFQ croient se ranger du côté des opprimées avec leur « laïcité ouverte », mais elles se trompent de cible.
- Dans les années 40, plusieurs femmes ont contesté le droit de vote pour les femmes tout comme certaines femmes contestent aujourd’hui la laïcité. Le point commun dans ces deux situations : on a adopté le point de vue du dominant. Plusieurs des femmes qui réclament haut et fort, le port de signes religieux dans la fonction publique, font partie de groupes organisés. Je ne serais nullement surprise d’apprendre que ces groupes sont financés par des gouvernements islamiques.
- Le projet de loi sur la laïcité apporte du support aux femmes dans les pays arabes qui luttent souvent au risque de leur vie, pour avoir la liberté de vivre cheveux au vent. Accepter ici le port de signes religieux dans la fonction publique va renforcer la position des gouvernements islamiques tel que l’Arabie saoudite qui ne pourra que se réjouir.
- Dans le sillage de la loi en France interdisant tout signe religieux dans les écoles, (ce qui va beaucoup plus loin que l’actuel projet de loi) un sondage auprès des femmes musulmanes indiquait qu’une grande partie appuyait cette loi. Elle les aidait à diminuer la pression sur elles.
3-Si on interdit le port du voile dans la fonction publique et para-publique, on empêchera plusieurs immigrantes de travailler et de s’intégrer. C’est l’argument principal de Québec solidaire :
- Ne pas confondre débat sur la laïcité et débat sur l’immigration. La laïcité de l’État c’est une chose, l’intégration des immigrants c’en est une autre. C’est comme si dans un débat sur le bien-fondé de l’interdiction de la cigarette dans les lieux publics, on invoquait l’argument de la fermeture des usines de cigarettes. Oui il faut favoriser davantage l’intégration des immigrants et prendre les mesures qu’il faut pour atteindre ce but. D’ailleurs la laïcité dans les institutions publiques favoriserait même fort probablement cette intégration.
- Porter le voile n’est nullement une obligation religieuse tel que le laisse entendre le discours intégriste dominant. « Le port du voile ou de tout autre vêtement n’a jamais été inscrit dans les lois religieuses. Il n’existe aucun « uniforme islamique » prescrit. » Yolande Geadah, Femmes voilées, intégrismes démasqués, p. 60
- Il est interdit de porter des signes identifiant son parti politique dans la fonction publique. Est-ce que cela veut dire qu’on empêche les militants d’accéder à un travail dans la fonction publique ? Personne n’empêchera ces femmes de travailler. Si des femmes tiennent absolument à porter le voile, elles devront assumer les conséquences de leur choix.
4-C’est l’État qui est laïc, pas les personnes. Celles-ci peuvent donc porter tous les signes religieux qu’elles veulent :
- Selon cette logique, les fonctionnaires, infirmières, enseignantes, pourraient donc afficher leur parti politique. Serait-ce respectueux pour les personnes qui reçoivent le service et ne partagent pas du tout ce choix ?
- Est-ce que les parents accepteraient cela des enseignant.e.s ? On sait tous le pouvoir que peut avoir un prof aimé de ses étudiant.e.s, notamment au primaire. Le seul fait de porter un insigne peut avoir une très grande influence sur eux, même si le professionnel ne fait aucun zèle. Si un parent n’a pas le goût que son enfant soit influencé par une personne affichant tel parti, pourquoi accepterait-il qu’il le soit par une personne affichant telle religion ?
- Ceux et celles qui revendiquent à hauts cris le port du voile, accepteraient-ils que dans la classe de leurs enfants, les enseignant.e.s pourtant très compétent.e.s portent un T-Shirt : « Je ne crois ni à Dieu, ni à Yahvé, ni à Allah » ? Si des personnes pouvaient afficher leur croyance, le même droit devrait s’appliquer aux non-croyants.
- La neutralité est le meilleur moyen de respecter tout le monde.
5-La liberté de religion est sacrée. Interdire le port de signes religieux dans la fonction publique nuit à cette liberté :
- Interdire le port de signes religieux dans la fonction publique ne contrecarre nullement la liberté religieuse. Porter un signe religieux est une manifestation de la religion, non la religion en tant que telle. Affirmer le contraire relève de la démagogie ou du prosélytisme. L’essence d’une religion ne se ramène tout de même pas au port d’un signe extérieur. Chacun.e pourra continuer d’adorer et prier Dieu, Allah ou Jehovah sans restrictions.
- Personne n’empêchera les gens désireux d’afficher leur religion de se promener dans les rues, les places publiques, les restos, les centres d’achats, ni de voyager, etc
- Bon nombre de croyants : catholiques, juifs, musulmans, sikhs, n’affichent pas de signes extérieurs. Sont-ils moins croyants pour autant ?
En conclusion :
Le Québec n’est pas une île. Avec le développement des communications : sites, blogues, courriels, facebook, youtube, etc, il serait naïf de croire que le débat au Québec est complètement isolé de la montée de l’intégrisme un peu partout dans le monde.
Pour bien saisir l’enjeu de la hausse des frais de scolarité il faut connaître l’idéologie néolibérale. Ainsi pour les revendications du port du voile partout incluant l’espace civique où normalement s’applique le devoir de réserve : connaître l’idéologie sous-jacente est essentiel.
Yolande Geadah, québecoise d’origine égyptienne nous le montre brillamment dans son livre : Femmes voilées, intégrisme démasqués. En voici quelques extraits :
« Le port du voile est clairement le symbole politique du rayonnement de l’idéologie intégriste dans la société » p.87
« […] le débat actuel sur le voile n’a de religieux que la couche superficielle. Il est au fond essentiellement un débat politique entre deux visions opposées de la société et de la place qu’on y réserve aux femmes. p. 75
« La défense et la promotion du voile en Occident relèvent d’une véritable organisation incluant des associations, des comités de soutien, des déclarations de presse, » p.216
Il serait intéressant d’inviter les imans fervents promoteurs du voile à se prononcer sur les droits des femmes face au mariage, divorce, garde des enfants, héritage, droits à la Cour. Ils s’organiseraient sûrement pour éviter de répondre.
Quel modèle de société sous-tend le voile ? Tout est là. Et les femmes immigrantes en seraient les premières victimes.
Françoise Breault
Septembre 2013