Édition du 11 mars 2025

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États-Unis

La tragicomédie trumpienne

Le retour à la présidence de Donald Trump illustre parfaitement un propos de Karl Marx qui disait essentiellement ceci l’histoire se répète en deux temps, la première fois comme une tragédie et la seconde fois comme une farce.

Le debut du second mandat de Trump prend toutes les allures d’une bouffonnerie, à commencer par le portrait officiel de Trump lui-même, à peine retouché de la photo d’identité judiciaire prise alors qu’il faisait l’objet d’accusations criminelles voici quelques années.

Il existe des périodes où une puissance hégémonique essoufflée devient sa propre caricature en se repliant sur une interprétation littérale, pour ne pas dire figée et hors contexte de ses heures passées de grandeur. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner certaines des annonces que Trump a faites lors de son intronisation : rebaptiser le golfe du Mexique en "golfe d’Amérique", entamer une guerre commerciale avec son plus proche allié, le Canada, expulser sans discernement les sans-papiers, ne reconnaître juridiquement que deux genres (masculin et féminin), ce qui écarte de la reconnaissance légale les gens trans et non binaires.

Le trumpisme nie, comme tout mouvement réactionnaire, les réalités qui lui déplaisent au profit "des valeurs fondamentales qui ont fait l’Amérique". La formule ne provient pas de lui, mais elle résume fort bien sa tendance idéologique.

Trump et son cabinet seront-ils en mesure de réaliser leur projet de renforcer l’impérialisme américain ? C’est plus que douteux. Les mesures proposées sont même plutôt susceptibles de l’affaiblir encore davantage. Ce qui caractérise les intentions qui animent Trump et ses lieutenants, c’est l’irréalisme qui marque plusieurs d’entre elles. Par exemple, elles vont fragiliser les liens entre les États-Unis et l’Union européenne de même que ceux avec le Canada.

Laisser planer la menace d’une invasion du Groenland, province du Danemark, petit pays très respecté de l’Europe, ne peut que diminuer la crédibilité de Washington sur le Vieux-Continent.

Pareil pour le canal de Panama : une attaque américaine contre ce petit pays aviverait les tensions entre les gouvernements de la région et la Maison-Blanche. De plus,Trump menace le Mexique d’une guerre commerciale (comme avec le Canada) ; une initiative inconsidérée qui aboutirait à lui mettre à dos cet important pays.

Dans quelle mesure l’administration Trump est-elle sérieuse dans ses projets ? Difficile à dire, bien qu’on décèle pour certains d’entre eux une part de bluff. Exagérer la puissance du pays qu’on dirige pour intimider partenaires, concurrents et adversaires relève d’une stratégie d’intimidation qui vise à masquer l’affaiblissement de son impérialisme.
Et le peuple américain dans tout ça ? En termes de vote populaire, Trump l’a emporté de très peu sur Harris (49,8% pour le premier, 48,3% pour la seconde). Il ne s’agit donc pas d’un triomphe populaire pour Trump. Le noyau dur du trumpisme est minoritaire. Plusieurs analystes estiment qu’une bonne partie de ceux et celles ayant appuyé Trump l’ont fait davantage par protestation contre Biden et les démocrates (à tort ou à raison) que par adhésion à l’idéologie réactionnaire des trumpistes. La base électorale de ceux-ci est donc fragile.

Si Trump et ses séides essaient de réaliser intégralement leur programme de répression sociale, ils vont se heurter à la farouche opposition des nombreux groupes visés. Des troubles sociaux sont donc prévisibles. Les démocrates auront alors une chance de remporter une majorité (de quelle ampleur ? ça reste à voir) au moins à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat dans deux ans.

Du côté démocrate justement, l’impopularité de Biden et la dégelée électorale que le parti a subi vont favoriser (du moins, on peut l’espérer) des remises en question sur la politique économique, sociale et étrangère au profit d’une autre axée sur une meilleure redistribution de la richesse et d’une ouverture réelle à certaines causes, la palestinienne par exemple. Dans certaines régions, le mécontentement de l’électorat d’origine arabe a contribué à la défaite de Harris.

Si ce retournement arrivait, l’électorat se trouverait lors du prochain scrutin présidentiel en face d’un véritable choix entre des démocrates progressistes et des républicains réactionnaires.

Alexis de Tocqueville, qu’on cite souvent pour comprendre les fondements de la démocratie américaine, jugeait que le danger qui menaçait celle-ci était l’éventuel despotisme de la majorité. Or, l’examen de l’évolution de la société américaine depuis quelques décennies nous amène à penser que certaines analyses de Marx sont plus pertinentes pour comprendre son évolution. En effet, depuis au moins les années 1980, on observe la montée fulgurante d’inégalités sociales et du renforcement très marqué du capitalisme financier, favorisé entre autres par les traités de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique. C’en est rendu que même des millionnaires s’en alarment. Le règne des multimilliardaires menace le type de capitalisme auquel ils sont habitués et qui les sert d’habitude si bien. Un autre aspect de la situation à surveiller. De quoi passionner les analystes politiques de toute obédience idéologique.

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Jean-François Delisle

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