Parfois cependant, cette exaltation devient exacerbée. On tombe dans la démagogie, l’arrogance, le je-sais-tout-isme. On diabolise les adversaires, ça peut aller jusqu’à la déshumanisation. C’est courant dans les mouvements de droite, qui préfèrent des formules, des images, voire des caricatures, plutôt qu’un sain débat. Cela peut aller jusqu’aux extrêmes. Alors là, l’adversaire doit être « exterminé », comme le disait récemment l’ancien vice-président de Quebecor, Luc Lavoie. « Il faudrait, affirmait-il, prendre exemple sur les Amériques, qui prennent des guns pour tirer des écureuils. En fait, moi, j’aurais aimé pouvoir chasser les séparatistes, mais ça a l’air que ce n’est pas possible ». Il a essayé de s’excuser en disant que c’était une blague, mais dans le fond, c’est ce qu’il pense.
Aujourd’hui, on entend ce discours haineux sous la bannière du nationalisme ethnique. Selon Joseph Facal, les seuls « vrais » Québécois sont catholiques, blancs, de langue française ». On peut tolérer les autres, mais à condition qu’ils abandonnent leur identité d’origine. Autrement dit, ces « faux Québécois » ont le choix entre partir et se soumettre à des normes imaginaires, que nous-mêmes avons transgressées, lorsque nous sommes sortis de la « grande noirceur » dans les années 1960-70.
Tout cela débouche sur un torrent haineux contre Québec Solidaire, qui devient dans ce discours un repère de fédéralistes honteux. Un jour il n’y a pas si longtemps, j’ai été interpellé par un ami de Roméo Bouchard qui me disait qu’il n’y avait pas de différence entre QS et Trudeau. Quand je lui ai rétorqué qu’il ne comprenait pas la différence entre l’interculturalisme et le multiculturalisme, il est devenu très hostile. Entre-temps, son héros Roméo s’empresse de dénoncer QS comme une bande d’extrémistes marxistes.
Bon, on pourrait continuer comme cela longtemps. Il faut certes avoir le courage de répondre et de débattre, sans jamais utiliser les mêmes procédés démagogiques.
Par chance, ce ne sont pas tous les nationalistes et tous les péquistes qui sont comme cela. En tout cas, j’espère que Jean-François Lisée et Véronique Hivon vont se tenir loin de cette démagogie. À l’origine, le nationalisme du PQ a été marqué par des personnalités progressistes comme Gérald Godin et Robert Burns, notamment. Ils savaient bien que le nationalisme ethnique était un terrible piège.
Pour être réfléchi, il faut aussi se regarder dans le miroir. La gauche parfois tombe dans les mêmes travers. Le langage ordurier utilisé par des groupes qui se réclamaient du « marxisme-léninisme » n’est plus en vogue, bien que sur le fond, il y a encore des gens qui pensent détenir toute la vérité. On dénonce avec la même virulence QS dans une certaine « gauche » qui emploie tous les qualificatifs pour dénigrer ce « sale parti réformiste ». L’idée que le peuple québécois a le droit à son autodétermination et que l’émancipation nationale peut se croiser avec l’émancipation sociale est vue comme un « complot bourgeois ». Encore là portés par l’exaltation, on en vient à penser que seule la confrontation avec la police et l’action directe expriment la volonté de changement. C’est ainsi que les Nouveaux Cahiers du socialisme se sont faits « expulser » du salon du livre anarchiste il y a quelques années.
Certes, cela serait une erreur de mettre dans le même sac tous les anarchistes et d’autres radicalisés. Il y en a beaucoup avec lesquels les socialistes se retrouvent sur les mêmes fronts de lutte, quitte à débattre de manière respectueuse, en sachant qu’on n’a pas tout vrai.
Il y a des similitudes entre la démagogie de droite et la démagogie de gauche, mais à mon avis, ce n’est pas symétrique. La démagogie de droite est davantage réfléchie, elle vient de puissants think-tanks qui permettent aux élites (le 1 %) de dire tout haut ce qu’ils disent tout bas, à travers différents bouffons comme Donald Trump (il n’y a pas si longtemps, c’était Mussolini et plus proche de nous, Duplessis). Leur haine est davantage systémique.
La démagogie de gauche, par contre, est souvent spontanée. Elle reflète un sentiment d’impuissance, voire un désespoir qui peut facilement s’imposer devant l’immense mur de l’oppression. Cela n’empêche pas moins qu’il faut combattre ce discours haineux et arrogant d’une certaine gauche.
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