Et oui, au moins une fois par année, les « maudits BS » se transforment en « pauvres » et font les manchettes. Les éditorialistes « éditorialisent » sur le sujet, les critiques critiquent la situation, les spécialistes de la question parlent de statistiques et les politicienNEs viennent aux lignes ouvertes pour prouver leurs bonnes intentions. Les artistes nous offrent leur plus beau répertoire engagé et les organismes d’aide alimentaire prennent le micro pour parler du bien-fondé de leur existence.
Pendant toute une journée, tous les médias vont « discourir » sur les pauvres. À Montréal, les bouchons de circulation « provoqués » par la cueillette de denrées font à peine râler les automobilistes, le service de police ferme les yeux sur les arrêts plus ou moins réglementaires, les rues sont très animées, les chants de Noël prennent la rue, la ville « vibre » à l’entraide et au bon coup de main. Oui, toute une grande journée vouée aux élans de générosité de toutes sortes.
Pour « son soi-même », ça fait du bien de donner, on a l’impression de contribuer au mieux-être collectif. En effet, Noël pourra être joyeux dans un plus grand nombre de chaumières. Quand on passe l’année à se serrer la ceinture, un Noël un peu plus « copieux », ça fait du bien au cœur et à l’estomac. J’avoue me laisser tenter moi aussi par tout cet élan de générosité tellement nécessaire pour tant de gens.
Mais je me pose aussi la question : comment se fait-il que, dans une société comme la nôtre, on doive encore « donner à manger » à des personnes ? C’est absurde, voire indécent ! Quelle humiliation pour tant de gens d’avoir à quémander à manger ! Notre société produit assez de nourriture pour nourrir tout le monde, comment se fait-il que l’on en soit arrivé à tant de misère ?
Dans tout ce brouhaha médiatique, il me semble que l’on a parlé des pauvres mais pas assez de la pauvreté. Pourquoi ? Parce que mettre un visage humain sur notre générosité, ça l’humanise. Mais si on parlait de la pauvreté, et pas juste des statistiques, on découvrirait peut-être que cette pauvreté n’existe pas juste dans le temps des fêtes, qu’elle est aussi très sexiste la pauvreté car une majorité de femmes la subissent 365 jours par année. Inadmissible !!!!
Inadmissible car le temps des fêtes presqu’oublié, en janvier, les pauvres retrouveront pour la plupart leur qualificatif de « BS » et la pauvreté continuera de faire des ravages. Elle sera encore et encore source de tracas quotidiens, d’anxiété, de désespoir, de stress perpétuel, de violence, voire de drames familiaux. Serons-nous encore aux côtés des personnes pauvres pour les soutenir ?
Et surtout, serons-nous « assez » indignéEs au point d’interpeller nos dirigeantEs pour qu’ils/elles fassent quelque chose pour contrer la pauvreté et non combattre les pauvres ? Pour qu’ils/elles adoptent des lois qui contiennent des mesures justes qui n’appauvrissent pas encore plus, qui ne favorisent pas toujours les plus nantis ? Il me semble que c’est une question de solidarité mais aussi de dignité de tous et de toutes.
Oui je rêve qu’un jour, il n’y ait plus de guignolée, plus de banque alimentaire parce que tous et toutes auront à manger chaque jour et pas juste un petit surplus le soir de Noël.