Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La guerre des monnaies : (DOLLAR contre YUAN)

Qu’est-ce que la monnaie ? Qu’est-ce que le dollar, l’euro, le yuan, et les autres monnaies en circulation de par le monde ? Ces devises servent aussi bien aux échanges quotidiens dans les magasins, que, sous d’autres formes, à la spéculation boursière et au commerce international dans une économie capitaliste mondialisée, incontrôlée et anarchique.

Incontrôlée, disions-nous, car les capitalistes financiers qui sévissent sur les bourses du monde ; de Wall Street à la City de Londres, en passant par Paris, Francfort et Shanghai ; gonflent la masse monétaire représentant les marchandises, les moyens de production, les biens et les services produits dans les économies nationales, et ils surmultiplient ainsi de façon tout à fait factice la monnaie disponible sur les marchés boursiers, engendrant ce que les économistes appellent des « bulles financières ». Ce phénomène entraîne en fait la création de « monnaies de singe » ne correspondant à aucune richesse, à aucune valeur réelle, qu’à du vent spéculatif servant à donner l’impression aux pecnots qu’ils s’enrichissent de cet argent de Monopoly « Passe Go et collecte tout l’argent qu’il te faut ».

Quand une « bulle financière » éclate, comme en 2008 à propos des « subprimes », c’est-à-dire la revente, par paquets, de milliers d’emprunts hypothécaires non solvables, ce sont alors des millions de propriétaires d’habitations qui sont saisis, et leurs familles qui les occupent à crédit, qui sont expulsées – jetées à la rue manu militari – dans la plus grande « démocratie bourgeoise » de tous les temps.

Nous invitons les bigots bourgeois férus de démocratie électorale, comptabilisant chaque bulletin de vote jeté dans la crécelle des urnes qu’ils chérissent tant, prouvant, croit-il, la nature « démocratique » de ce système capitaliste pourri jusqu’à la moelle ; nous les invitons à réfléchir à ce paradoxe où une « démocratie » bourgeoise expulse ses commettants de leur résidence alors que leur gouvernement verse, à même les impôts de ces expulsés, des milliards de dollars en subvention à des banquiers pour qu’ils chassent ces payeurs de créances et ces payeurs d’impôts de leur maison ! C’est la loi du système, diront-ils, alors je demande, qui a besoin de ce système inhumain ?

Revenons à la question posée en début d’article. Qu’est-ce qu’une devise ? Une devise est un instrument économique national qui, à l’origine du capitalisme (concentrons-nous sur ce système économique tout en sachant que la monnaie existait bien avant le capitalisme) représentait la quantité de richesse, de biens et de services échangeables (commercialisables) dans une économie nationale. Au début du capitalisme, il existait alors une adéquation assez stricte entre la quantité de monnaie (non seulement sous forme de billets de banque mais sous tout autres formes) en circulation et la puissance commerciale relative du pays qui émettait cette monnaie (1).

S’il y avait distorsion, comme par exemple martingale d’impression d’une trop grande quantité de monnaie nationale par rapport à la richesse (marchandise) échangeable dans ce pays, la sanction des marchés était sans équivoque, la valeur de cette monnaie nationale chutait rapidement et tous ceux qui faisaient commerce avec ce pays inflationniste refusaient de libeller leurs échanges en cette devise nationale et exigeaient plutôt d’être payés dans une « devise forte ». C’est le rôle que jouait le dollar américain jusqu’à la dernière crise (2008), le franc suisse servait également de monnaie refuge, ou encore l’or, cette quasi devise acceptée par tous à un point tel que l’on exigea pendant longtemps que chaque banque nationale, émettrice d’une devise, conserve dans ses coffres une certaine proportion d’or (environ 10 %) correspondant à une portion de la valeur de sa monnaie en circulation. Cette règle fut abolie lors de la répudiation des Accords de Bretton Woods (USA – 1944-1971). (2)

LES ACCORDS DE BRETTON WOODS

À la suite de la seconde guerre mondiale, les États-Unis d’Amérique ayant pris une place prépondérante comme super puissance militaire, économique et financière impérialiste, il fut décidé que la devise américaine, le dollar US, servirait de monnaie d’échange dans les transactions internationales et donc de valeur refuge en cas de difficulté commerciale ou financière entre deux ou plusieurs pays commerçants. C’est-à-dire, qu’à compter de 1944, une banque ou un trust qui souhaitait s’assurer que le fruit de ses transactions monétaires, commerciales, ou boursières spéculatives, soient à l’abri de toutes dévaluations intempestives d’une monnaie nationale fragile, effectuait ses transactions en monnaies fortes américaines – le dollar US – monnaie de réserve.

À partir de 1971 les États-Unis refusèrent de rembourser en or les dollars US excédentaires mis en circulation de par le monde (fin de la convertibilité OR) d’où aucune réserve d’or ne garantissait plus la totalité ou une partie des dollars en circulation. Puis, ils proposèrent que les monnaies soient à conversion flexible selon le cours des marchés. Les autres pays impérialistes, solidement arrimés et assujettis au leader américain, ne dirent mot, pensant que l’économie américaine serait toujours prospère et l’impérialisme florissant. Le système impérialiste était alors dans la dernière décennie de ses « trente glorieuses ».

Par la répudiation des Accords de Bretton Woods (1971), les traders et les banquiers internationaux obtenaient un sauf conduit spéculatif – un blanc-seing – illimité pour spéculer. Les différentes puissances impérialistes du globe crurent alors qu’elles pourraient s’en sortir et s’échapper avec la caisse alors que tous leurs amis, alliés et concurrents impérialistes se casseraient le nez avec un trop plein de dollars dévalués. Mais voilà : chacun de ces cupides croyait son concurrent plus stupide que lui-même et chacun se présentera à la caisse au même moment comme en Argentine quand les petits bourgeois s’alignèrent aux portes des banques cadenassées, incapables d’honorer leurs créances devant leurs clients déboutés. Évidemment, les milliardaires argentins avaient depuis longtemps transformé leurs avoirs en francs suisses anticipant l’effondrement du Peso – en parité dollar – contrairement aux prolétaires de Buenos Aires floués par ces pesos dévalués.

Imaginez la même dramatique, mais cette fois au lieu d’être l’Argentine aux prises avec le piège spéculatif, l’effondrement du Peso, et la perte de confiance des investisseurs, des spéculateurs et des épargnants dans l’économie du pays, ce sont tous les grands banquiers et les boursicoteurs internationaux, ces « génies » de la finance, nous dit-on, qui sont pris au piège américain, le peuple américain étant lui-même la première victime du fonctionnement de ce système économique anarchique, incontrôlé et inhumain.

Évidemment, cette « confiance » des acheteurs, des vendeurs, des spéculateurs, des banquiers et des boursicoteurs était fondée sur l’assurance que la monnaie internationalisée – le dollar US –, représentait bien une valeur forte, reflet d’une économie prospère, et qu’en tout temps chacun d’entre eux pourrait échanger ses dollars pour de vraies marchandises, de vrais biens ou de réels services concrets et tangibles. Que cette condition incontournable vienne à faire défaut et c’est tout l’édifice spéculatif impérialiste qui s’écroule. Le monde capitaliste en est là. La réalité c’est que depuis le début du XXe siècle le dollar américain a perdu 97 % de sa valeur. La dette souveraine américaine est de 15 000 milliards de dollars soit 100 % du PIB américain. Si on y ajoute l’endettement des ménages et celui des entreprises , la dette états-unienne passe à 50 000 milliards de dollars US, soit 360 % de son PIB. Tout compris les États-Unis affichent un « trou » de 200 000 milliards de dollars US. Ce n’est pas la Grèce qui est en faillite ce sont les États-Unis d’Amérique (3).

PROCHAIN SOUBRESAUT DE LA CRISE MONÉTAIRE

Si tous les spéculateurs n’ont pas abandonné le dollar au moment où nous écrivons ces lignes, c’est pour la simple raison que si chacun des voleurs – spéculateurs (pas les fraudeurs de l’assistance sociale mais bien les spoliateurs milliardaires) réclamait son « dû », chacun d’entre eux se retrouverait propriétaire d’une montagne de « dollars de singes » n’ayant absolument aucune valeur réelle comme il en fut dans les années vingt (1920) avec l’ancien Mark allemand que les capitalistes germaniques acheminaient par wagons entiers aux capitalistes français à titre de réparation de guerre (1914-1918).

De fait, lors de la prochaine convergence des crises monétaire et financière, au premier semestre de 2012, des milliers de milliards d’actifs-boursiers-fantômes s’évanouiront et entraîneront dans la décimation au moins 10 % des banques occidentales édifiées sur ces actifs bidons et frauduleux. L’Euro et la dette souveraine grecque ainsi que celle des autres pays européens surendettés seront les déclencheurs mais pas les responsables de cette débandade boursière-bancaire qui frappera même les banques « too big to fail » (trop gosses pour tomber) (4). Elles tomberont elles aussi.

Chaque État national sera tenté de voler au secours de « ses » banques et de sa monnaie nationale en décrépitude car même les hedge funds et les fonds de pension – segments du capital financier – seront menacés d’effondrement (5). Mais les banques sont maintenant trop grosses pour être sauvées et un État qui songerait à prendre ces faillites à charge connaîtrait la décote Moody’s et la hausse de ses frais d’emprunts. La France, par exemple, consacre déjà 45,4 Milliards d’euros par an au remboursement de sa dette souveraine soit 16,5 % de ses revenus ou 80 % de ses revenus d’impôts (6).

LA NOUVELLE SUPERPUISSANCE IMPÉRIALISTE

Pourquoi une économie solide à la monnaie vigoureuse suscitant l’envie de tous les spéculateurs se retrouve-t-elle en si fâcheuse posture que chacun s’en contente faute de mieux, sachant qu’il n’a tout simplement pas le choix, s’il retire ses billes, son client et son fournisseur feront faillite, tout comme lui ? C’est la seule raison qui explique pourquoi le dollar poursuit sa triste destinée internationale – c’est que refuser le dollar revient à scier la branche sur laquelle chacun des grands capitalistes s’est reposé pour spéculer.

Au cours de la décennie quatre-vingt dix et de la première décennie des années deux mille, les entreprises multinationales occidentales ont délocalisé leurs usines ou encore leur production vers les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Corée, Taiwan, etc.) provoquant un chômage endémique et une baisse de revenu chez les consommateurs occidentaux. Les revenus fiscaux des États ont alors périclité et les commerçants ont tenté de compenser cette chute de pouvoir d’achat en offrant un crédit quasi illimité aux consommateurs occidentaux. Les entreprises improductives du tertiaire se sont concentrées dans les pays capitalistes avancés, en déclin, alors que les entreprises productrices de plus value des secteurs secondaire et primaire se sont concentrées dans les pays capitalistes émergents dont la Chine, première puissance industrielle du monde dont la monnaie, sous évaluée, offre maintenant les garanties recherchées.

Bref, un nouvel acteur économique s’est pointé sur la scène industrielle et commerciale mondiale. L’immense Chine avec ses 1,3 milliards de travailleurs à exploiter et de consommateurs à dévaliser. Depuis 1978 environ – prise du pouvoir par Deng Xiaoping en Chine – l’économie mondiale est entrée dans un nouveau cycle. Il ne s’agit pas ici de la crise de la dette grecque, et de ses 11 millions de producteurs – consommateurs (représentant à peine 0,01 % de l’économie mondiale) mais d’une super puissance industrielle et commerciale qui en trente cinq ans est devenue la seconde économie du globe et la première puissance industrielle de la planète, produisant, contrairement aux américains, de vraies marchandises, échangeables (téléviseurs, ordinateurs, automobiles, vêtements, navires, armements, raffineries, trains, fusées, etc.) garantissant toute transaction commerciale bien davantage que des dollars dévalués. Ce sont 20 % des consommateurs du globe qui se sont joints d’une venue à la confrérie mondiale des exploités de l’impérialisme.

Le Yuan, la monnaie chinoise, est aujourd’hui en confrontation directe avec le dollar US. Dans cette guerre à finir entre l’Alliance Atlantique (OTAN) regroupant les puissances impérialistes en déclin dont les économies non performantes et non concurrentielles ne sont pas suffisamment profitables parce que leur aristocratie ouvrière a bénéficié de « trop d’avantages », que les capitalistes occidentaux tentent aujourd’hui à grand peine de leur retirer – lutte et résistance sur le front économique –, dans cette guerre titanesque, contre l’Alliance de Shanghai (Chine – Russie – États de l’ancienne Union Soviétique, Iran, Corée du Nord, etc.). L’une des deux super-puissances devra assujettir l’autre à sa domination et ça ne peut être l’Amérique décadente...

Sur le plan militaire les États-Unis et l’OTAN détiennent une suprématie indéniable dont la résultante est une suite de guerres et d’occupations ruineuses pour leurs économies déjà en difficulté ; pendant ce temps la Chine investit ses capitaux impérialistes en Afrique, en Amérique latine, au Canada, en Australie et noue des liens commerciaux avec les anciens alliés de la puissance états-unienne en déclin accéléré. L’ancien et le décadent devront un jour laisser place à la nouvelle superpuissance économique mondiale qui a nom la Chine et à sa devise le Yuan, que la Chine réévaluera quand bon lui semblera, sans tenir compte des pressions américaines (7). La Chine, en refusant de réévaluer sa monnaie, évite une hausse de prix inflationniste à l’économie américaine dépendante. D’ici là, les banques occidentales connaîtront tous les affres de la dévaluation monétaire et de la crise financière entraînant les épargnes des petits bourgeois dans le gouffre des crises monétaires impérialistes. Le dollar a terminé son cycle de vie, voyez poindre l’aurore du Yuan.

La crise capitaliste est inéluctable et si chacun d’entre vous décide de sauver ce système économique et monétaire parasitaire, alors, il survivra ce système par l’addition de vos sacrifices collectifs et par la somme de vos efforts individuels mais dans moins de dix ans une nouvelle crise systémique encore plus profonde, plus terrible et plus dévastatrice s’abattra sur ce monde impérialiste et on réclamera de chacun d’entre vous que vous fassiez comme ces petits bourgeois argentins, égyptiens, marocains, tunisiens, que vous vous rendiez aux urnes choisir le larbin ou la démagogue qui vous vendra sa salade nationaliste surannée contre quelques heures d’illusion, de rêve, jusqu’au lendemain qui déchante et vous confronte à la dure réalité de la nouvelle faillite des monnaies et du système impérialiste (8).


(1) L’Euro fait exception à la règle nationale et nous verrons dans un prochain article les aléas de cette singularité.
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Bretton_Woods
(3) Myret Zaki. Le dollar va mourir. In L’Étoile du Nord. Vol. 9, no 5, octobre 2011.
(4) Communiqué public GEAB no 58. 15 octobre 2011. Tiré de L’Étoile du Nord (Édition française). Pages 6-11. Vol. 9, no 5, octobre 2011.
(5) Les fonds de pension publique aux États-Unis font face à un gouffre financier évalué environ entre 1000 et 3000 milliards de dollars. GEAB no. 58. 15 octobre 2011.
(6) Charles Sannat. Directeur économique du site : http://AuCoffre.com
(7) De vieux jeux politiques inutiles pour guérir des maladies américaines. http://www.chine-informations.com
(8) Robert Bibeau. La crise économique les balaiera tous ! http://www.mecanopolis.org/?s=bibeau

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