La grève est, par conséquent, un moyen de pression à la fois légitime et légal pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs de défendre leur dignité et de faire valoir leurs revendications en ce qui a trait à leurs conditions de travail et de rémunération.
La radio, la télé et les journaux s’abaissent en accordant un temps disproportionné à la diffusion du message des porte-parole du patronat, sans offrir un temps de réplique identique aux représentantes et aux représentants des syndicats. En diffusant abondamment le seul point de vue patronal on nous intoxique, on nous contamine idéologiquement parlant.
En période de paix industrielle, on nous inonde d’un discours selon lequel le Canada est un « État de droit ». Sous-entendu, un État qui respecte la liberté d’association, les traités internationaux qu’il a entérinés, les lois en vigueur, etc. Par contre, dès que des salariéEs syndiquéEs de certains secteurs d’activités névralgiques pour le patronat menacent de déclencher ou d’exercer leur droit de grève, à partir de ce moment la rhétorique change. La population serait subitement prise « en otage », la grève serait un « désastre », une « calamité », une « catastrophe » pour l’économie et quoi encore. Certaines personnes associent même, à tort, les activités du Port de Montréal à un « service essentiel[1] ». Essentiel pour qui et en vertu de quelle loi ? Là-dessus le silence est révélateur d’une mauvaise foi patente.
Une grève s’exerce rarement sans s’accompagner de dommages collatéraux ou d’inconvénients pour la population, c’est vrai. Mais retirer ou interdire le droit de grève revient à une seule chose : imposer le travail et des conditions de travail sans que celles-ci aient été véritablement négociées. Qui rêve de retourner à l’époque du servage et de l’esclavage ? À notre avis, uniquement celles et ceux qui aspirent à une chose : l’interdiction pure et simple du droit de grève.
Yvan Perrier
11 août 2020
yvan_perrier@hotmail.com
P.S. Le présent article a été inspiré par un commentaire de Francis Lagacé sur son mur Facebook :
« La grève est un droit qui a été conquis de haute lutte au prix de souffrances et même de morts.
Elle est un moyen de pression légitime et légal pour permettre aux travailleuses et travailleurs de faire valoir leurs revendications.
Non, vous n’êtes pas pris en otage quand la grève vous prive de quelque avantage commercial ou personnel. Quand vous serez attaché dans un espace exigu et que vous vous réveillerez avec une mitraillette sous le nez, vous saurez ce qu’est une prise d’otage.
La radio publique se déshonore en fournissant un espace et un temps démesuré à tous les boss et toutes les associations de boss sans offrir une réplique circonstanciée et proportionnée aux syndicats. »
Francis Lagacé
https://www.facebook.com/francis.lagace/posts/10157804488284296?comment_id=10157805309459296¬if_id=1597149352584739¬if_t=feed_comment . Consulté le 11 août 2020.
[1] Au fil des ans, le Comité de la liberté syndicale (CLS) du Bureau international du travail (BIT) a précisé ce qu’il entend par « services essentiels ». « Peuvent être ainsi considérés comme services essentiels : la police, les forces armées, les services de lutte contre l’incendie, les services pénitentiaires, le secteur hospitalier, les services d’électricité, les services d’approvisionnement en eau, les services téléphoniques, le contrôle du trafic aérien et la fourniture d’aliments pour les élèves en âge scolaire [...]. Toutefois, dans les services essentiels, certaines catégories d’employés, par exemple les ouvriers et les jardiniers des hôpitaux, ne devraient pas être privés du droit de grève (...) En revanche, le comité considère au contraire, de façon générale, que ne sont pas des services essentiels au sens strict : la radiotélévision, les installations pétrolières, les banques, les ports (docks), les transports en général, les pilotes de ligne, le transport et la distribution de combustibles, le service de ramassage des ordures ménagères, l’Office de la monnaie, les services des imprimeries de l’État, les monopoles d’État des alcools, du sel et du tabac, l’enseignement et les services postaux. Le service de ramassage des ordures ménagères est un cas limite et peut devenir essentiel si la grève qui l’affecte dépasse une certaine durée ou prend une certaine ampleur » dans Bernard GERNIGON, « Relations de travail dans le secteur public : Document de travail no2 », (2007), Genève, Bureau international du travail, 22-23.
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