Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Économie

Il devient de plus en plus difficile de défendre les politiques d’austérité

La fin de l'austérité

Il devient de plus en plus difficile de défendre les politiques d’austérité. L’expérience européenne nous montre qu’elles ne font que perpétuer la crise : le chômage est en hausse, la dette augmente, l’économie s’enlise dans la récession. Bien sûr dans la vie, il ne faut pas craindre certaines privations, mais encore faut-il que ça donne des résultats !

Devant un échec aussi flagrant, les économistes qui ont prôné ce modèle cherchent des excuses. Ils auraient, semble-t-il, commis des erreurs de calcul. Olivier Blanchard, économiste en chef du Fonds monétaire international a admis, avec son camarade Daniel Leigh, qu’il avait mal évalué l’effet de l’austérité sur la croissance, parce qu’ils avaient appliqué un modèle qui convenait à une période de prospérité plutôt que de crise. Ce qui a donc faussé l’ensemble des statistiques utilisées. Deux autres économiste, Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart, se sont fait reprendre par des collègues lorsqu’ils ont calculé l’effet de l’endettement sur la croissance, sans que cela ne change rien à leurs convictions. La leçon de tout ça : les erreurs de mathématiques sont plus faciles à admettre que les erreurs idéologiques.

Pas nécessaire de faire de longs calculs pour savoir que l’austérité de fonctionne pas. Il suffit tout simplement de se retourner vers le passé. Les exemples abondent. On ne connaît aucun cas célèbre où l’austérité a permis de relancer l’économie. Par contre, on a écrit des milliers de pages sur les effets dévastateurs des plans d’ajustement structurel — autre nom pour « mesures d’austérité » — dans les pays du Sud pendant les années 80 et 90. C’est aujourd’hui les mêmes politiques inefficaces qu’on applique dans les pays du Nord.

L’auteur John Michael Greer, dans La fin de l’abondance, explique très bien le comportement des économistes : « La plupart d’entre eux consacrent leur carrière à la création de théories élaborées et de modèles quantitatifs qui sont rarement confrontés aux données de l’histoire économique, avec pour conséquence qu’ils échouent lors qu’ils se frottent à la réalité économique d’aujourd’hui. »

Mais revenons à nos moutons. Que ce soit pour des raisons mathématiques ou idéologiques, les mesures d’austérité ne fonctionnent donc pas comme elles le devraient. La logique implique alors qu’on y mette fin et qu’on passe à autre chose.

Tout n’est pas si simple malheureusement, et il suffit de constater à quel point la chancelière d’Allemagne Angela Merkell y tient pour constater que nous n’en sommes pas au bout de nos peines.

D’abord, les économistes mauvais mathématiciens, qui baignent depuis toujours dans le néolibéralisme, n’ont pas la moindre solution de rechange. Ils ne vont tout de même pas se mettre à l’écoute de leurs collègues de gauche ou des néo-keneysiens comme Joseph Stieglitz et Paul Krugman, qui proposent des solutions aussi farfelues, selon eux, que d’investir massivement dans les énergies renouvelables, séparer les banques de commerce des banques d’investissements, ou de taxer les transactions financières.

On peut ici parler de dissonance cognitive. C’est-à-dire, que ces économiste ont des connaissances acquises qui sont incompatibles avec la réalité. Comme ils n’ont pas de solution de secours, pour restaurer l’équilibre cognitif, il ne reste plus qu’à appliquer encore et toujours ce qu’on a appris : devant les mesures d’austérité qui ne fonctionnent pas, il faut encore de nouvelles mesures d’austérité.

Peut-être s’agit-il en fait, d’un programme ambitieux qui n’a dans le fond aucune obligation de résultat. C’est d’ailleurs ce qu’a annoncé le premier ministre britannique David Cameron lorsqu’il a pris le pouvoir : il a affirmé que ses décisions — ses mesures d’austérité — affecteraient « chaque personne au pays » et qu’elles « s’appliqueraient pendant des années, voire des décennies ».

Pour certains, un monde d’austérité se rapproche d’un monde idéal : il permet de briser le mouvement syndical, de privatiser à haute échelle les services publics, de réduire l’État, de ne pas se préoccuper de l’environnement, ce qui donne l’occasion à certains individus de s’enrichir sans limites. Il suffit de lire certains de nos penseurs de droite pour trouver de belles justifications à tout ceci. Jusqu’à la catastrophe…

Nous n’en sommes pas encore rendus là. Mais il faut cesser d’être les dupes de l’austérité, et de ceux qui sont incapables de penser à autre chose. Parce que ce qui en résulte est bien plus grave que des erreurs de calculs.

Sur le même thème : Économie

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...