Ce qui s’est avéré être la tare du PQ, c’est que, des courants qui cohabitent à l’intérieur, la droite peut l’emporter et c’est la trahison. Et quand la gauche l’emporte et que le parti se hisse au pouvoir, il n’a pas la référence de classe pour envisager un changement profond dans les rapports de production. Ce qui le guide, sans un parti communiste fort pour l’influencer, c’est l’idéologie petite bourgeoise qui vacille entre le capitalisme et le socialisme, entre des mesures qui confortent le statu quo ou l’ébranle, entre des mesures qui affrontent le patronat ou des politiques qui lui cèdent du terrain pour le maintenir au pouvoir, des décisions qui font reculer le capitalisme ou des aspiration à changer le système du tout au tout en direction d’un pouvoir sur leur vie plus grand pour les ouvriers.
La référence de classe n’est pas anodine puisque c’est elle qui décide qu’elle direction prendra le parti une fois au pouvoir. Déjà avant même la prise du pouvoir, on peut assister aux hésitations de la petite bourgeoisie dans les fondements même du parti. S’il n’y a pas de volonté au départ d’exproprier les capitalistes, on peut se demande à quoi rime un régime qui laisse intouchée la propriété des moyens de production. Maus encore là, on peut vouloir nationaliser les grands moyens de production et d’échange et se placer entre le capitalisme d’État et une gestion ouvrière de la production. C’est toute la différence entre une position de classe et un réformisme de bon aloi qui ne va pas plus loin qu’une adaptation du capitalisme à ce que la compétition engendre comme nouveauté dans le mode de production pour maintenir les rapports entre les classes ouvrière te bourgeoise. Sans ce bouleversement dans les structures de la société, la classe dominante l’emporte et se maintient toujours au pouvoir.
Ainsi que Québec Solidaire aille au pouvoir pace que les pragmatiques l’auront emporté dans la crise actuelle, la question de la classe et de l’histoire de la prise du pouvoir par cette classe restera en plan parce que le programme de Québec Solidaire reste celui de « dépasser le capitalisme » et non d’en finir avec celui-ci.
Bien sûr, comme pour le PQ, on peut s’attendre de Québec Solidaire qu’il provoque certaines réformes qui constitueront des progrès de société, mais les désistements enregistrés à la suite des démissions annoncent des dissentions insolubles entre une gauche réformiste qui est pressée d’exercer le pouvoir et une autre qui se concentre sur les luttes politiques qui forcent les changements indépendamment de qui exerce le pouvoir. On peut penser que la dernière lutte du Front Commun, si elle avait été menée à terme et conduite de manière à forcer le gouvernement par la grève, ou autrement grâce à l’opinion, à reculer pour des réinvestissements massifs dans le public, qu’elle aurait constitué une victoire notable de la classe ouvrière québécoise. Elle n’aurait pas en elle-même changé les rapports de pouvoir, mais elle aurait été une avancée majeure dans la façon dont les décisions se prennent à la tête de l’État de manière à renforcer la situation d’égalité entre les citoyens. Elle aurait ainsi accordé une plus grande marge de manœuvre aux travailleurs et aux autres classes dans la société.
Même si Québec Solidaire appuyait les travailleurs (le PQ le faisait aussi) il n’est pas dit que ce parti au pouvoir aurait consenti aux revendications de syndicats puisqu’il aurait été pris entre une volonté patronale, i.e. des propriétaires des grands moyens de production, de ne pas y céder et une volonté populaire d’y donner suite. Sur une lancée de mobilisation de la population peut-être y aurait-il acquiescer, mais ce serait immédiatement poser la question des revenus pour payer ces augmentations de salaires et d’investissements dans le public. Ce serait en même temps poser la question de la démocratisation des moyens de production pour consolider ces revenus. Qu’aurait fait Québec Solidaire ? On ne peut présupposer des résultats sans prêter mauvaise foi à la social-démocratie. Mais on peut supposer que sans la pression des communistes et d’une aile gauche radicale, les sociaux-démocrates auraient à nouveau penché en faveur du patronat. C’est l’éternelle question de classe qu’il y a à trancher.
Et le débat qui s’annonce à Québec Solidaire ne se posera pas en terme de quelle classe ce parti représente sinon pour répéter les bonnes intentions de ne jamais trahir et d’assurer à tout le monde que des réformes majeures suivront l’accession au pouvoir, mais la trace est déjà là pour confirmer que l’on restera entre la capitalisme et le socialisme que l’on conditionnera les réformes à la capacité de convaincre le patronat que celles-ci seront à son avantage pour maintenir son pouvoir intact.
De plus on peut se demander si, dans la compétition avec le PQ pour accéder au pouvoir, où le sectarisme de Québec Solidaire le conduira. Amènera-il ce parti vers une radicalisation qui irait dans le sens des expropriations ? On peut en douter, mais il ne faut jurer de rien et penser que la gauche radicale du parti réussira à convaincre du bien fondé de nationaliser, comme la démocratisation l’exige, les grands moyens de production et d’échange ainsi que le parc immobilier pour assurer le droit à un logement public.
Inscrit à son programme, la nationalisation serait la démarcation d’une social-démocratie à l’offensive qui marquerait une tournant en faveur des couches populaires. Et si les pragmatiques devaient l’emporter, ils n’iraient pas au pouvoir sans un programme à réaliser qui laisserait une marque historique sur un Québec indépendant.
Guy Roy
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