Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Luttes étudiantes

La contestation étudiante : un phénomène aux origines lointaines et pluriséculaires

Le mouvement de contestation qui se développe en ce moment au sein de la communauté étudiante collégiale et universitaire, correspond au huitième mouvement gréviste d’envergure à survenir au Québec depuis la fin du long règne de feu Maurice Duplessis. Voici un bref survol historique de ces débrayages et un rappel des principales revendications qui étaient mises de l’avant par les grévistes étudiantes et étudiants.

Le texte qui suit ne correspond pas à un résumé historique exhaustif des grèves étudiantes au Québec. J’ai manqué de temps pour mentionner les grèves de 1978, de 1986 et de 1990. J’aurai l’occasion, sous peu, d’écrire un autre texte sur ces conflits. »

1.0 Mars 1958 :

21 000 étudiantes et étudiants des universités de Montréal, Laval, McGill, Bishop et Sir George Williams déclenchent une grève d’un jour.

Ils réclament la gratuité scolaire à l’université.

2.0 Octobre et novembre 1968 :

Les étudiantes et les étudiants de plusieurs cégeps et de quelques facultés et départements universitaires font la grève.

Ils demandent la création d’une deuxième université de langue française à Montréal, une révision du régime des prêts et bourses et l’abolition de la politique des présences obligatoires au cégep.

3.0 Octobre et novembre 1974 :

Un premier mouvement de grève se met en marche en octobre 1974 dans plusieurs cégeps pour réclamer le retrait des Tests d’aptitude aux études universitaires (TAEU). Le gouvernement du Québec entend les revendications estudiantines et décide de suspendre les TAEU.
En novembre, une nouvelle mobilisation se met en marche et revendique l’amélioration du système des prêts et bourses.

4.0 1988 :

Octobre 1988, une centaine de milliers de cégépiennes et de cégépiens amorcent une grève de trois jours dans une vingtaine d’établissements collégiaux du Québec.

Ils réclament une amélioration du régime des prêts et bourses.

5.0 1996 :

Des étudiantes et des étudiants de certains cégeps et d’universités déclenchent une grève générale pour protester contre l’annonce de la ministre Marois d’une hausse des droits de scolarité à l’université et une augmentation des frais afférents au cégep.

À la mi-novembre, le gouvernement du Québec annonce le gel des droits de scolarité à l’université et le maintien du plafond des frais afférents au cégep.

6.0 2005 :

Des étudiantEs de cégeps et d’universités déclenchent, en février 2005, une grève générale illimitée.

Ils exigent que le gouvernement du Québec annule sa décision de convertir 103 millions de dollars de bourses d’études en prêts.

Un accord est négocié entre les associations étudiantes et le gouvernement. Cette entente prévoit la transformation de 70 millions de dollars de prêts en bourses en 2005-2006, puis le retour des 103 millions de bourses supprimés par Québec les quatre années suivantes.

7. 2012 :

Lors de la présentation du budget de la province de Québec en 2011, le gouvernement libéral annonce que les frais de scolarité à l’université vont augmenter de 325,00$ par année sur une période de cinq ans (une hausse équivalente à rien de moins que 75%). Les frais sont appelés à passer de 2168$ en 2012 à 3793$ en 2017. En ajoutant la hausse projetée à celle intervenue en 2007-2012, les frais de scolarité passeraient de 1668$ à 3793$, une hausse de 127%.

Un mouvement gréviste d’une ampleur sans précédent va prendre forme au sein des cégeps et des universités. La grève sera déclenchée à partir du mois de février 2012 dans certains cégeps et certaines universités. En vue de mettre un terme à la grève, le gouvernement du Québec va adopter, au mois de mai suivant, une loi spéciale. La hausse projetée par le gouvernement de Jean Charest va être annulée par le gouvernement issu des élections générales de septembre 2012. Lors du Sommet sur l’enseignement supérieur, tenu en février 2013, le gouvernement péquiste, dirigé par Pauline Marois, annonce que les frais de scolarité à l’université seront de nouveau en hausse et qu’ils suivront un pourcentage correspondant à l’indice du revenu disponible des ménages. Cette hausse adoptée par le gouvernement Marois a pour effet de mettre en place des hausses annuelles qui ont pour effet de nous éloigner du principe de la gratuité scolaire à l’université.

8. 2018 :

Novembre 2018, 54 000 étudiantes et étudiants de cégeps, d’écoles de formation professionnelle et d’universités du Québec ne se présenteront pas à leurs stages entre le 19 et le 23 novembre afin d’exiger du gouvernement du Québec un programme universel de rémunération des stagiaires.

Pour la première fois de son histoire, le mouvement étudiant réclame un salaire fixe durant les stages et une protection en vertu des lois du travail, notamment en matière de discrimination et harcèlement. 

En clair, l’actuel mouvement gréviste vise à obtenir une rémunération juste et équitable pour l’ensemble des stagiaires.

Conclusion

Ce bref survol nous permet de constater que les grèves étudiantes font partie du paysage social et politique au Québec depuis la fin des années cinquante du siècle dernier. Les revendications étudiantes sont allées de la gratuité scolaire à l’amélioration du régime des prêts bourses jusqu’à la rémunération juste et équitable pour les stagiaires (qui sont en majorité des femmes).

Pour ce qui est maintenant de l’Occident, mentionnons que le phénomène de la grève étudiante remonte à 1229. Eh oui, vous avez bien lu, 1229. Hélas, l’espace nous manque pour faire un historique qui remonte aussi loin dans le temps. Ainsi donc, aussi étonnant que cela puisse paraître, il est juste d’observer que le mouvement gréviste étudiant est incontestablement un phénomène aux origines lointaines, un phénomène que nous pouvons qualifier de pluriséculaire.

Yvan Perrier
19 novembre 2018

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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