Le gouvernement Harper, la réaction sur toute la ligne !
Depuis une décennie maintenant, le Parti conservateur du Canada a mené une offensive tous azimuts contre la majorité populaire. Les politiques d’austérité ont été au poste de commande. Cela a signifié des coupures dans les services publics et leur privatisation, la diminution des transferts aux provinces particulièrement en santé. La fiscalité est devenue de plus en plus régressive, favorisant l’enrichissement des plus riches. Les protections sociales, particulièrement l’accès aux prestations d’assurance-emploi qui n’est maintenant accessible qu’à une minorité des chômeurs et des chômeuses. Les organisations de défense des femmes se sont vues retirer leurs subventions…
Face à l’environnement, en plus de renier la signature canadienne sur le protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique, le gouvernement Harper s’est rangé derrière les entreprises pétrolières que ce gouvernement a généreusement subventionnées. Il a modifié des lois environnementales pour permettre la construction à marche forcée d’oléoducs avec des évaluations environnementales de moins en moins contraignantes.
Les droits des nations autochtones ont encore une fois été bafoués et rien n’a été fait pour les sortir d’une situation économique désastreuse. Il a refusé le plus longtemps possible de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Face au Québec, il a rejeté toute ouverture à la reconnaissance de son droit à l’autodétermination. Il s’est au contraire appliqué à intervenir dans les champs de compétences du Québec et à chercher à diminuer le poids du Québec à la Chambre des communes par sa réforme de la carte électorale. Il a manifesté un mépris total face à l’utilisation de la langue française… en nommant des unilingues comme juges et comme hauts responsables de l’appareil d’État.
Non content de multiplier les politiques régressives, il a manipulé les institutions politiques (parlement et élections) pour imposer ses solutions. Il a restreint les droits démocratiques des organisations syndicales en utilisant une série de lois de retour au travail niant le droit de grève et en détériorant les salaires et les conditions des employées de la fonction publique fédérales et de différentes sociétés d’État.
En faisant voter une politique de frappes aériennes contre l’État islamique en Irak et en Syrie, le gouvernement Harper est entré dans la logique d’une guerre sans fin contre le terrorisme qui est en fait la couverture d’une reconquête néocoloniale du Proche-Orient et des richesses pétrolières qu’il renferme. Il s’est appuyé sur cette guerre pour justifier la restriction de droits démocratiques (loi C-51) et la criminalisation des mouvements de résistance à ses politiques réactionnaires.
Pour les secteurs progressistes de la société canadienne, la volonté d’utiliser les prochaines élections pour se débarrasser du gouvernement Harper est apparue comme un impératif incontournable. Un mouvement "n’importe qui sauf Harper" a été impulsé par les directions syndicales et plusieurs autres mouvements sociaux.
Le Parti Libéral du Canada de Justin Trudeau, un autre parti du grand capital
Pourtant le PLC avait préparé la voie aux politiques conservatrices : obstacles à l’accès à l’assurance-chômage, politique de déficit zéro, privatisation des services publics, diminution des transferts aux provinces, défiscalisation des revenus des plus riches, sur la clarté contre Québec cadenassant la négation du droit à l’autodétermination du Québec et scandale des commandites. Comme parti du grand capital, le PLC s’est aligné, dans l’ensemble, derrière les politiques conservatrices : soutien à la guerre contre le terrorisme, soutien à la loi C-51, vote des lois anti syndicales… Ce qu’il a d’abord reproché aux Conservateurs c’est de ne pas savoir construire une acceptabilité sociale à ces politiques et de menacer la légitimité de la domination de l’oligarchie économique… Les promesses de Trudeau, sur les déficits nécessaires à la relance, sur les investissements massifs dans les infrastructures et autres postures keynésiennes sont d’abord et avant tout des postures électoralistes pour miner l’avancée du NPD et s’assurer une base. Il serait naïf de croire qu’elles tracent le cadre de la future politique du gouvernement canadien si ce dernier réussit à faire élire une majorité de députéEs.
Le NPD de Mulcair ou la social-démocratie aux portes du pouvoir
Le NPD a réussi à devenir aux élections de 2011, particulièrement grâce à sa percée au Québec, l’opposition officielle à Ottawa, arrachant pour la première cette place au Parti libéral. La direction Mulcair a d’abord fait le pari qu’il pouvait former le prochain gouvernement s’il savait fournir des gages de loyauté à la bourgeoisie canadienne et montrer le caractère raisonnable de ses intentions. C’est ainsi que la direction Mulcair a approfondi son tournant social libéral en promettant qu’un budget équilibré serait la priorité. Il a promis qu’aucune réforme importante de la fiscalité ne serait entreprise, que le libre-échange serait soutenu… s’est même rallié à l’exploitation des sables bitumineux et a soutenu la construction d’oléoducs vers l’Est canadien malgré une opposition importante de sa base. Pour la bourgeoisie canadienne, le NPD reste un parti lancé par les syndicats et il n’est en rien le choix prioritaire d’un secteur de la classe dominante. Pour élargir sa base dans les classes ouvrières et populaires, Il a fait une série de promesses qui marquent une orientation différente des politiques conservatrices : hausse du salaire minimum à 15$ de l’heure pour les secteurs couvert par le Code canadien du travail, vaste programme de garderies à l’échelle du pays, abolition de la loi C-51, arrêt de l’intervention militaire au Proche-Orient, renforcement des mesures de protection de l’environnement... Sur la question nationale du Québec, il a défendu l’idée qu’un gouvernement NPD reconnaisse un vote référendaire à 50%+1, montrant une ouverture que les deux autres grands partis ont même refusé d’envisager. Même s’il est certain que le NPD au pouvoir ne se heurtera pas sérieusement aux intérêts du grand capital, il reste que son utilisation des classes subalternes comme marchepied vers le pouvoir va galvaniser les espoirs de changements et élargir les attentes en termes de transformation sociale.
Le Bloc québécois, vers un désastre annoncé
Dans ce contexte, le Bloc québécois avait été littéralement anéanti par les élections de 2011. Son chef incontesté, Gilles Duceppe mordant lui-même la poussière dans son comté. La reprise du Bloc québécois par une équipe d’indépendantistes liés pour une bonne partie à Option nationale a fait long feu. Assez rapidement, un désastre appréhendé du parti conduit par Mario Beaulieu a poussé la direction péquiste a lui trouver un remplaçant dans la personne de l’ancien chef. Il s’agissait d’une opération de « damage control » afin que les répercussions de sa faible performance sur la scène fédérale n’aient pas des conséquences trop importantes. Le choix du slogan électoral, « Qui prend pays prend parti » l’illustre. Ce n’est pas un slogan de lutte pour la majorité de la population québécoise. Ce n’est pas un slogan ciblant les politiques néolibérales et conservatrices. Ce n’est pas un slogan démontrant la volonté d’en finir avec les attaques contre l’environnement. Ce slogan manifeste la volonté de ramasser les bases bloquistes (et péquistes) pour consolider l’hégémonie des élites nationalistes sur le mouvement indépendantiste. Voilà le sens du pari fait par Péladeau. C’est bien pourquoi la campagne du Bloc s’est inscrite en faux contre la volonté populaire au Québec de se débarrasser de Harper. Le ralliement de Duceppe à la proposition de guerre contre l’État islamique n’est que le dernier soubresaut de manœuvres électorales démagogiques qui risquent fort de le mener à la débâcle. Un vote pour le bloc n’est véritablement pas dans ce contexte un vote pour l’indépendance…
Le Parti vert du Canada ou la défense du capitalisme vert
Le Parti vert du Canada a repris à son compte une série de revendications sociales et démocratiques qui le situent dans la gauche réformiste, malgré ses prétentions de sa direction de définir le PVC comme n’étant ni de gauche ni de droite : effacer la dette des étudiantEs canadienNEs et abolir les droits de scolarité jusqu’à l’université ; défendre les services publics ; éradiquer la pauvreté et les inégalités ; réinvestir dans Radio-Canada ; protéger Poste Canada ; abroger C-51 ; implanter la proportionnelle dans le système électoral canadien ; stopper les projets d’oléoducs et de pipelines. Mais pas question de s’en prendre au capital lui-même. Le PVC se limite à prôner un capitalisme vert dans le cadre d’un nationalisme canadien qui ne laisse aucune place à une compréhension de la lutte indépendantiste du peuple québécois. Le PVC n’offre nullement des réponses claires à la hauteur des enjeux majeurs qui traversent l’État canadien… Il permet cependant l’expression et l’organisation d’une résistance aux politiques conservatrices et cela n’est pas un apport négligeable.
Le terrain électoral est un terrain de lutte que la gauche politique et sociale ne peut ignorer. La prise de pouvoir par le Parti conservateur a démontré la capacité d’un tel parti de s’appuyer sur le pouvoir d’État pour faire évoluer les rapports de forces en faveur de la bourgeoisie, pour miner les conquêtes sociales et réduire les acquis démocratiques arrachés de hautes luttes. C’est le niveau d’organisation et de mobilisation des classes ouvrières et populaires qui est déterminant dans ces rapports de force. Nous verrons que le mouvement syndical et les différents mouvements sociaux ont engagé des batailles essentielles face à l’offensive de la classe dominante dans l’État canadien, mais que la résistance populaire n’est pas parvenue jusqu’ici à bloquer l’offensive néolibérale.
Y a-t-il un au-delà à l’objectif de vouloir chasser Harper ?
Les directions syndicales ont voulu intervenir en marge du terrain électoral. Il ne s’agissait pas de mobiliser leurs troupes pour occuper la rue et les places pour dénoncer les politiques conservatrices et les fausses solutions des partis d’opposition. Il ne s’agissait pas d’envisager des blocages des assemblées où les politiciens distillaient leur discours trompeur en direction des médias. Il ne s’agissait même pas de mettre au défit la social-démocratie de défendre un programme de réformes conséquent et d’en faire les conditions de leur soutien. Il s’agissait de démontrer électoralement que n’importe qui pouvait battre un candidat-e conservateur. Le degré zéro de la politique de classe… Moins que rien, mais c’était suffisant pour alerter le gouvernement qui s’empressa à dresser des obstacles à l’intervention des syndicats. Les environnementalistes en faisant campagne pour le désinvestissement dans les énergies, en multipliant les interventions médiatiques et militantes pour dénoncer la construction des pipelines, en publiant un manifeste pour dénoncer l’irresponsabilité de la classe politique, indiquaient une démarche plus prometteuse. Des groupes travaillant pour la défense de logement social, posaient et mettaient de l’avant leurs revendications et démontraient la démission des politiques gouvernementales face aux besoins sociaux sur ce terrain. Leurs groupes de défense de droits dénonçaient la loi C-51, tant et si bien que même les grands partis d’opposition devaient promettre l’abrogation de cette loi odieuse… L’intervention du mouvement syndical et des mouvements sociaux en cette période électorale, malgré leur faiblesse stratégique, démontre le potentiel de la mobilisation populaire, sur des bases autonomes… Ce que nous montrent les mouvements sociaux qui interviennent aujourd’hui dans le cadre de ces élections, c’est qu’il est nécessaire de dépasser un électoralisme à courte vue et de stigmatiser les partis du grand capital pour ce qu’ils sont et leur rôle de défenseur des intérêts de l’oligarchie.
Il démontre également que ce soit la bataille contre le libre-échange, la bataille contre la construction des oléoducs, la bataille comme le cours guerrier de l’État canadien ou la bataille contre le cours répressif et antidémocratique du gouvernement Harper, la nature pancanadienne de ces combats est patente et nécessite une coordination et des initiatives communes à l’échelle de l’ensemble de l’État canadien.
Construire une alternative politique à la gauche du NPD
Ces batailles posent à la gauche anticapitaliste un défi central : la nécessité de construire une alternative politique à la gauche du NPD sur la scène fédérale, capable de présenter à la majorité populaire dans l’État canadien un autre projet de société permettant de porter ces luttes sur le terrain politique. La perspective de la construction d’un parti à la gauche du NPD à l’échelle de l’État pancanadien est une nécessité incontournable de dépasser les limites de la social-démocratie canadienne afin de parvenir à réaliser le blocage de l’offensive capitaliste et pour réaliser les propositions programmatiques répondant aux besoins de la population.