11 octobre 2021 | tiré d’AOC
Faut-il les croire ? Donald Tusk, ancien président du Conseil européen, revenu à la tête du principal parti d’opposition libérale, la Plate-forme civique (PO), compare les gesticulations de ses adversaires à des « gamineries »
Faut-il les croire ? Donald Tusk, ancien président du Conseil européen, revenu à la tête du principal parti d’opposition libérale, la Plate-forme civique (PO), compare les gesticulations de ses adversaires à des « gamineries » ; il prévient qu’à trop jouer les fanfarons ils risquent d’emporter la Pologne dans un engrenage qu’elle ne contrôlera plus.
À la mi-septembre, deux hauts responsables du parti Droit et Justice (PiS) ont tenu des propos qui ont ému : « Nous devrions réfléchir à la manière dont nous pouvons coopérer avec l’UE » a déclaré le vice-président de l’Assemblée nationale (Sejm), chargé du droit et de la justice.
Suite aux menaces de sanctions, il précise : « Si les choses se passent comme prévu, nous devrons chercher des solutions radicales. Le peuple britannique a montré que la dictature de la bureaucratie de Bruxelles ne lui convenait pas, il a fait demi-tour et il est parti. Nous ne voulons pas partir (…), mais nous ne pouvons pas nous laisser entraîner dans quelque chose qui limiterait notre liberté et qui restreindrait notre développement. » Un député du PiS a été plus direct en se lançant dans des comparaisons qui parlent aux Polonais : « La Pologne “illégale” a lutté contre l’occupant pendant la seconde guerre mondiale, elle a ensuite lutté contre les occupants soviétiques et nous lutterons contre les occupants de Bruxelles. »
En écoutant ces rodomontades nationalistes, on se demande si ce pays a les moyens d’envisager un cadre alternatif à l’Union européenne. Il suffit d’imaginer (au vu du Brexit) ce que coûterait ne serait-ce que la sortie du grand marché européen pour en mesurer les limites. L’interpénétration des économies est considérable, particulièrement avec l’Allemagne. Les échanges commerciaux résument la situation : 80,4 % des exportations polonaises se dirigent vers l’UE (dont 28,1 % vers l’Allemagne), d’où proviennent 58,4 % des importations (22,4 % d’Allemagne)[1].
Alors oui, un Polexit serait une défaite très grave pour l’Union, puisqu’elle reviendrait sur l’élargissement des années 2000 (une des grandes réussites de la construction européenne), mais pour la Pologne, ce serait en plus une catastrophe économique et sociale. Ça ne lui rapporterait rien. Ça lui coûterait très cher. Et elle ne dispose ni de la puissance de l’économie britannique ni de son rayonnement dans le monde, héritage du plus grand empire au XIXe siècle. Il lui resterait à contempler l’Europe qu’elle aurait abandonnée, et à patauger dans son désastre, avec une inflation galopante, l’explosion du chômage, l’accumulation des dettes, et les dérives d’un pouvoir nationaliste autoritaire.
Serait-ce une réponse aux nombreux litiges actuels ? Aucunement. Il est question de lois et de réformes judiciaires adoptées depuis 2015, pas de détruire la Pologne. Ces textes remettent en cause l’indépendance de la justice et permettent à l’exécutif, qui a placé des personnes de confiance dans ces institutions, de contrôler les juridictions et de sanctionner les magistrats qui refusent de se plier aux injonctions du PiS. D’autres décisions portent atteinte aux droits humains, sur l’IVG ou l’homosexualité, dont celles de régions ou de dizaines de communes qui se sont déclarées « zones libres de l’idéologie LGBT ». Sans oublier les engagements non respectés en matière d’environnement (déforestation, fermeture d’une mine de charbon près des frontières tchèque et allemande) ou une loi sur la presse audiovisuelle qui s’attaque aux télévisions indépendantes. Chaque fois, cela soulève un tollé, et des polémiques dans les médias officiels accompagnées de propos antieuropéens délétères. En quoi une sortie de l’UE résoudrait ces conflits ?
Jarosław Kaczyński imagine une « Europe des Nations » à la mode gaulliste version années soixante, qui serait son terrain de jeu pour affirmer les vues de son pouvoir autoritaire.
Jarosław Kaczyński, vice-premier Ministre et chef du PiS, en réalité l’homme fort du régime, a assuré le 15 septembre dernier, que ce n’est pas son but : « Il n’y aura pas de Polexit. C’est une invention de propagande utilisée maintes fois contre nous. Sans équivoque, nous voyons l’avenir de la Pologne dans l’UE […] Nous voulons être dans l’UE mais en même temps nous voulons être un État souverain. »
Hostile à tout fédéralisme, il imagine une « Europe des Nations » à la mode gaulliste version années soixante, qui serait son terrain de jeu pour affirmer les vues de son pouvoir autoritaire qu’il voit souverain, national et catholique. Comme Boris Johnson avant le Brexit, il laisse croire que la Pologne trouverait d’autres partenaires. Elle pourra s’appuyer, outre sur l’OTAN et les États-Unis pour sa sécurité, sur des alliances politiques locales – l’accord de Visegrád avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, ou l’Initiative des Trois Mers lancée en 2016 avec la Croatie, qui réunit chaque année une douzaine d’États membres de l’UE pour discuter de leurs problèmes communs sans les « grands pays », l’Allemagne et la France. Des alliances qui, pour l’instant, n’ont donné lieu qu’à des « coups » politiques comme l’opposition aux quotas de réfugiés en 2015. Elles ne vont guère plus loin, et se révèlent fragiles.
On peut donc penser que le Polexit n’est pas l’objectif de Kaczyński. Plutôt eurosceptique (mais friand des subventions européennes), il laisse filer les déclarations antieuropéennes comme il autorise les défilés de l’extrême droite dans les rues lors de commémorations. Ça nourrit une atmosphère, des thématiques glorifiant la Pologne héroïque. Il aime bien.
Mais a-t-il une stratégie, une ambition pour la Pologne de demain, sinon de conserver son pouvoir ? Rien n’est moins sûr. Kaczyński est connu pour son sens tactique, son pragmatisme et son expérience. Il est maintenant un politicien usé. Son image est terne, sa popularité personnelle au plus bas. Il se heurte aux ambitions de politiciens d’une nouvelle génération, qui le déstabilisent, autant dans l’opposition que dans son camp.
L’opposition libérale de centre droit a marqué des points lors des dernières élections (municipales, législatives et présidentielles). Chaque fois le PiS a conservé le pouvoir de justesse avec ses alliés. Il a perdu la direction de la plupart des grandes villes et de beaucoup de moyennes, il est minoritaire au sénat. Ses réformes sociétales (dont l’extrême restriction du droit à l’IVG) et son alliance avec les pans les plus conservateurs de l’Église catholique ont suscité dégoûts et révoltes dans la société, surtout chez les femmes et dans la jeunesse (qui l’avait pourtant soutenu en 2015). Le mécontentement a pris des formes massives et radicales, et il est rejoint par ceux dans l’enseignement public et le système sanitaire mis à dures épreuves par la pandémie du Covid-19, plutôt mal gérée.
Plus près de Kaczyński, la situation se complique. Sa coalition avec deux petits partis, celui de Jarosław Gowin, ministre du Développement, du Travail et de la Technologie, réputé plus modéré, et celui de Zbigniew Ziobro, ministre de la Justice et père des réformes contestées, a éclaté. Gowin a fini par le quitter pour tenter une autre alliance. Ce qui a attisé les tensions avec deux autres personnages aux ambitions démesurées, le Président Andrzej Duda et le premier Ministre Mateusz Morawiecki.
Les crises en cours montrent comment ce capharnaüm politique, où mensonges, procès d’intention et complotisme se mélangent à des déclarations de principe creuses et abstraites, est de moins en moins maîtrisé par le PiS de Kaczyński. Et comment, chaque fois, peuvent s’enclencher des dynamiques très dangereuses avec l’Union européenne.
D’abord la gestion de la « crise des réfugiés » à la frontière biélorusse. Alors que la Biélorussie n’est pas une porte d’entrée habituelle dans l’espace Schengen, mi-août, avant même la chute de Kaboul, des milliers de réfugiés se sont présentés à ses frontières lituaniennes et polonaises, des Afghans mais aussi des Somaliens, des Congolais. Selon plusieurs observateurs, ils ont été acheminés par les autorités biélorusses qui, moyennant des milliers de dollars par passage, leur auraient promis un acheminement sûr et sans encombe vers l’Europe occidentale.
Les gardes-frontières polonais en auraient refoulé vigoureusement plusieurs centaines selon le principe du pushback, régulièrement pratiqué aux frontières grecques, espagnoles ou franco-britanniques.
Les ministres et le président polonais (devant l’Assemblée générale de l’ONU) ont dénoncé le chantage de Loukachenko et créé en Pologne un climat de peur en se présentant comme les protecteurs de la nation agressée. Le gouvernement a envoyé des hélicoptères et un millier de soldats armés de mitrailleuses pour faire face à ce groupe de personnes désespérées et non armées. Ils ont fait élever une clôture de fils barbelés. Le premier Ministre et plusieurs ministres ont organisé des visites en uniforme militaire, promis de sauver les Polonais « d’une nouvelle vague de réfugiés ».
L’état d’urgence, mesure jamais vue en Pologne depuis la loi martiale de Jaruzelski (décembre 1981), a été proclamé tout au long de la frontière « en raison d’une menace particulière pour la sécurité des citoyens et l’ordre public liée à la situation actuelle ».
Les journalistes et les organisations humanitaires d’aide aux réfugiés sont refoulés. Une bénévole raconte : « Pour moi, c’est inexplicable. C’est un niveau d’absurdité que je ne peux pas dépasser. Il ne s’agit même pas de savoir si nous devons accepter ou non des réfugiés en Pologne, car c’est une question politique, je comprends que chacun puisse avoir une opinion. La mienne est que nous devrions les accepter. Mais le fait est que nous avons des repas chauds, nous avons des vêtements, des matelas, des sacs de couchage, des médicaments, en d’autres termes, tout ce dont ont besoin les personnes qui se trouvent à plusieurs centaines de mètres de nous. Et nous ne pouvons pas leur donner ça, parce que les services polonais nous retiennent. J’ai du mal à imaginer que cela se passe en Pologne, à deux ou trois heures de la capitale d’un pays de l’Union européenne. Il s’agit tout simplement de torturer les gens, il n’y a pas d’autre mot pour le dire[2]. » Ainsi, le gouvernement polonais bafoue les droits élémentaires d’accueil des réfugiés, en prétendant éviter le piège de Loukachenko !
Le 25 août, la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné aux Polonais de fournir aux réfugiés à la frontière de l’eau, de la nourriture, des vêtements, des soins médicaux et, si possible, un abri temporaire. Ce à quoi le gouvernement répond qu’il s’agit d’immigrants illégaux, voire de terroristes et de pédophiles[3] !
L’opposition politique libérale proteste contre les méthodes les plus scandaleuses, mais sans remettre en cause sur le fond l’attitude de l’exécutif. Au contraire, Donald Tusk a déclaré au même moment : « Si j’étais au pouvoir, j’essaierais avant tout de construire une solidarité totale de tous les Polonais et une frontière sûre. » Il accrédite ainsi le danger et la peur, et s’efforcerait d’obtenir « une implication maximale de l’UE dans la protection commune des frontières à l’Est », c’est-à-dire faire appel à l’agence Frontex dont on connaît les méthodes en Méditerranée et la collaboration avec les gardes-frontières libyens. Dans son discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen a d’ailleurs loué les efforts de la Pologne pour défendre la frontière extérieure de l’UE devant les menaces hybrides biélorusses.
Or les sentiments antimusulmans ou xénophobes et les discours charriés par la peur de l’étranger se renforcent dans le pays. Les sondages sont sans appel : 71 % des Polonais s’opposent à l’accueil des migrants, et 52 % sont pour le maintien de l’état d’urgence à la frontière « jusqu’à ce que le problème migratoire soit résolu » ! (enquêtes fin septembre). Si le PiS peut se satisfaire d’une remontée de deux points dans les sondages électoraux, il est évident que cette politique renforce surtout les visions dont l’extrême droite et une partie du PiS font leur miel.
Plus ancienne, la crise judiciaire est plus dangereuse car elle conduit les autorités polonaises dans une impasse. La résolution que Kaczyński a fait voter à la direction du PiS, qui prétend exclure la possibilité d’un Polexit, est centrée sur les réformes nécessaires à mener dans l’UE. Il veut rester dans l’UE sans accepter les décisions de la Cour européenne de justice et le primat du droit européen. C’est une contradiction dans les termes, qu’aucun État membre ne peut accepter. Un mur que la Pologne ne brisera pas. Il suffit de se rappeler l’intransigeance sur ce point des 27 face au Royaume-Uni lors des négociations du Brexit.
Tôt ou tard, la Pologne devra céder ou quitter l’UE.
Tôt ou tard, la Pologne devra céder ou quitter l’UE. Elle le sait. D’ailleurs, plusieurs juges refusent de statuer sur les mesures de la cour disciplinaire que la CJUE a déclarée incompatibles avec les traités, ils ne veulent pas se mettre en contradiction avec le droit européen. Dans le même sens, l’une après l’autre, les régions et les villes qui s’étaient déclarées « zone libres de l’idéologie LGBT » reviennent, l’une après l’autre, sur leurs décisions. Elles craignent de perdre les subventions européennes.
Le gouvernement se montre de plus en plus agacé par la non-approbation du plan de relance national polonais. Son ministre des Affaires européennes a souhaité récemment que les fonds soient versés à la Pologne d’ici à la fin de l’année. Selon lui, la Commission européenne n’a « aucune raison » de suspendre la décision et ses démarches actuelles ne reposent sur aucune base légale. Il envisagerait même, selon des indiscrétions de la presse, de faire pression en bloquant l’avancée de certaines questions dans l’Union, là où l’unanimité est requise. Les questions fiscales traitées par Ecofin pourraient être un de ces sujets.
L’expérience des Conseils européens de juin 2020 a montré qu’au bout du compte les Polonais finissent par capituler. Le prix est trop lourd. D’ailleurs, ils se heurtent cette fois au mécanisme contre lequel ils s’étaient battus avec la Hongrie, qui prévoit la suspension du fonds de relance pour les États qui ne respecteraient pas les normes de l’État de droit. Mécanisme qu’ils ont finalement accepté.
On comprend que le Tribunal constitutionnel ait hésité et reporté ses réunions pour statuer, à la demande du premier Ministre, sur la primauté du droit européen. Sa déclaration du 7 octobre est grave. La Commission européenne a immédiatement rappelé qu’elle est garante des Traités (que d’ailleurs les Polonais ont adoptés démocratiquement et par référendum en 2004), et qu’il n’y aura pas de versement du fonds de relance tant que le gouvernement n’aura pas appliqué les décisions de la Cour européenne de justice.
D’autres dossiers, comme le conflit avec la République tchèque à propos de la non-fermeture d’une mine de charbon à Turów, révèlent encore les limites de l’intransigeance polonaise. Coincée sur une petite enclave polonaise, entre l’Allemagne au nord et la Tchéquie au sud, cette mine de lignite à ciel ouvert est extrêmement polluante. Les populations tchèques se plaignent depuis longtemps de pollutions de l’air et surtout, de l’eau. Les Polonais s’étaient engagés à la fermer. Alors que la Sarre, qui dispose également d’une mine, a rapidement trouvé un compromis avec les Tchèques, les Polonais refusent d’obtempérer. « Il s’agit d’une situation sans précédent. Je ne m’imagine pas qu’on puisse maintenir notre équilibre énergétique sans la mine de Turów. », a déclaré leur ministre chargé de l’énergie. Selon ses estimations, 3 millions de ménages auraient des problèmes d’approvisionnement en énergie en cas de fermeture et 3 500 employés perdraient leur emploi du jour au lendemain. Aussi le premier Ministre tchèque, Andrej Babiš, a-t-il déposé auprès de la CJUE une plainte pour non-tenue des engagements passés. La Cour a donné raison aux Tchèques et ordonné que « la République de Pologne cesse, immédiatement et jusqu’au prononcé de l’arrêt qui mettra fin à l’affaire, les activités d’extraction de lignite dans la mine de Turów ».
Les Polonais ont accepté de discuter avec leurs voisins, mais un accord semble difficile à court terme. Seule rétention polonaise pour l’instant : Duda ne s’est pas rendu au séminaire des droites extrêmes à Budapest, à l’initiative d’Orban, sur le « grand remplacement » et les menaces migratoires. Il craignait d’y croiser Babiš ! Mais la crise s’étend aux « nouvelles alliances » de la Pologne. Au sein de l’accord de Visegrád, les Tchèques se plaignent de Varsovie qui privilégie les relations avec la Hongrie, tandis que les Polonais, attachés à la création d’un fonds de l’Union des Trois mers, seraient mécontents de Prague qui n’a pas encore versé sa contribution (50 millions d’euros).
En vérité, cette dramatisation (ou hystérie) qui domine les relations avec l’UE et les voisins de la Pologne est dévastatrice, selon l’expression d’un observateur. Elle ne fait que renforcer la division de la société polonaise en deux blocs, de forces électorales équivalentes. Une division qui paraît parfois insurmontable, tant les propos sont radicaux au parlement, dans la presse ou même au sein des familles.
Le bloc nationaliste réunit dans la plupart des sondages, autour de 45 % des suffrages, il comprend le PiS et l’extrême droite (autour de 9 %), avec au centre le ministre de la Justice qui joue de plus en plus son propre jeu. Il est opposé au « new deal » du premier Ministre Morawiecki et au Fonds de reconstruction de l’UE. Il se voit en successeur de Kaczyński. Selon Marek Beylin, un éditorialiste d’habitude plus modéré, il peut incarner une option « néo-fasciste ». Ziobro et ses amis « sabotent la politique du gouvernement quand ils le peuvent. Ils pensent probablement qu’ils sont capables de récupérer des troupes dans une large frange du PiS et, avec les mouvements nationalistes, faire un coup d’état néo-fasciste en Pologne, en instaurant une dictature totale, et en rendant le gouvernement actuel encore plus extrême sur le plan idéologique. Bien sûr, ce ne sont que des chimères, car elles ne tiennent pas compte du pouvoir de la société. Mais ces chimères ont poussé le gouvernement de Kaczyński dans une véritable crise.[4] »
Telle pourrait être la « coalition pro-Polexit » dont on parle de plus en plus souvent. En face, le bloc d’opposition démocratique se doit d’inverser la tendance, et de bloquer de tels projets. C’est l’agenda de Tusk qui reprend en main son parti, mais dont le programme, pour l’instant, se réduit à la restitution de l’État de droit par une majorité constitutionnelle. Ce qui n’est pas gagné. Certains envisagent un bloc constitutionnel regroupant tous les partis opposés au PiS et à l’extrême droite, qui, avec une large majorité, pourrait dissoudre le Tribunal constitutionnel et casser la plupart des décisions antidémocratiques du PiS. Mais là aussi le marigot politicien qui domine encore l’opposition risque fort de compromettre ce genre de projets. Seules des mobilisations sociales, ce que Beylin appelle le « pouvoir de la société », pourraient changer la donne. Ce que semble comprendre Donald Tusk qui appelle la population à descendre dans la rue pour protester contre les décisions du Tribunal constitutionnel.
Une coalition Polexit sous la houlette de Ziobro peut-elle gagner ? Ce n’est pas impossible, quoiqu’encore très difficile. À Bruxelles, si l’on en croit les journalistes polonais sur place, on ne s’inquiète guère. On se rassure avec les sondages qui, imperturbablement depuis trente ans, placent la Pologne dans le peloton de tête des pros-européens. Les derniers en date, publiés le 14 septembre 2021, confirment que 88 % des Polonais souhaitent que la Pologne reste dans l’UE (contre 7 % favorables à un Polexit). Mais la moitié des Polonais pensent « que la politique du gouvernement PiS peut conduire à la sortie de la Pologne de l’UE » (sondage Ipsos du 21/23 septembre 2021). Selon un autre institut, seuls 23 % pensent que le PiS veut vraiment provoquer un Polexit.
Malgré tout, l’exemple du référendum britannique qui a décidé le Brexit montre comment l’impasse peut conduire à l’imprévu. Donc, cessons de hausser les épaules lorsqu’il est question de Polexit. Il ne peut être totalement exclu de l’avenir. Ce serait un désastre tant pour les Polonais que pour l’Europe, et de toute façon, une réorganisation radicale d’une Union que beaucoup rêvent en grande puissance…
Jean-Yves Potel
POLITISTE ET HISTORIEN
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