Édition du 12 novembre 2024

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LES RAPPORTS POLITIQUES ENTRE BLANCS ET AMÉRINDIENS : L'ART DU POSSIBLE

La crise entre plusieurs communautés amérindiennes et certains gouvernements (fédéral et provinciaux) se poursuit, chaque partie en rejetant la responsabilité sur l’autre. À sa manière, chacune a raison et tort en même temps.

Je ne reviendrai pas sur les multiples arguments qui ont déjà été formulés sur les causes de la crise. Oui, les chefs héréditaires des Wet’suwet’en du nord de la Colombie-Britannique ont eu raison de s’opposer au projet Coastal Gas Link qui non seulement empiète sur certaines de leurs terre « non cédées », mais s’il se réalisait aggraverait le problème global déjà aigu de l’émission de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, les Amérindiens et Amérindiennes en général condamnent à juste titre la Loi sur les Indiens qui les réduit à l’état de « pupilles » d’Ottawa et les conditions de vie souvent misérables qui découlent de la dépossession historique de leurs terres.

La crise aiguë d’Oka en 1990 n’a pas paru apprendre grand chose aux autorités « blanches » tant fédérales que provinciales sur la colère qui traverse les populations amérindiennes. Un examen de la situation aussi impartial que possible s’impose donc dans les réserves (un terme qui évoque les bantoustans d’Afrique du sud). Il amène à constater de profondes divisions entre les responsables amérindiens eux-mêmes, qu’il s’agisse de chefs de bande (autre terme aussi infamant que ridicule) d’une part, les chefs héréditaires de l’autre, entre « modernistes », bon-ententistes et traditionnalistes.

La solution des conflits entre gouvernements et communautés amérindiennes est plus complexe qu’une qu’une certaine façon simpliste (de gauche ou de droite) de présenter la situation veut le laisser croire. Comment faire le point là-dessus ?

Pour cela, il faut examiner les principales caractéristiques de la situation, bref les rapports de force entre communautés amérindiennes et les divers paliers de gouvernement.

1- Le loi sur Les Indiens devrait être abrogée dans sa forme actuelle et remplacée par une autre, plus respectueuse de l’autonomie des communautés amérindiennes, ce qui ne se fera pas, on peut le prévoir, sans des négociations ardues entre les premiers concernés. Il va sans dire que cette initiative exigerait beaucoup de souplesse et une grande ouverture d’esprit du côté gouvernemental, car il mettrait en jeu d’importantes dimensions territoriales, politiques, juridiques et économiques. Les classes politiques devraient alors tenir tête à bien des intérêts financiers et économiques privés, opposés à un agrandissement de certaines réserves et à un pouvoir amérindien accru. Le feront-elles ? Des pressions s’imposeront sans doute sur les politiciens et politiciennes.

2- Si la loi sur les Indiens actuelle est remplacée par une autre, que des ententes équitables sont conclues entre communautés amérindiennes (avec des mécanismes de révision périodique), il faudra aussi s’assurer qu’elles seront respectées des deux côtés. Il faut regarder la réalité en face : il existe des divisions et peut-être même des déchirements au sein des nations autochtones : chefs de bande, chefs héréditaires, traditionnalistes (dont les « Warriors ») et bon-ententistes, sans oublier aussi bien des opportunistes. Si les autochtones sont en droit d’espérer des traités plus justes, les gouvernements pour leur part auront le légitime souci que ces accords soient respectés par les signataires amérindiens et non fréquemment contestés avec violence par des groupes de dissidents et dissidentes. Une certaine stabilité, garante de fiabilité, se révélera nécessaire de part et d’autre pour établir une paix durable. La « paix des braves » est à ce prix.

En fait, la faiblesse première des autochtones réside dans leur très petit nombre et leur dispersion géographique, des rives du pacifique à celles de l’Atlantique, de la frontière américaine aux îles de l’Arctique. Ils n’ont jamais été très nombreux à l’échelle du continent, et ils ignoraient les frontières rigides à l’européenne. Les « Blancs » et « Blanches » sont infiniment plus nombreux, la plupart d’entre eux vivant ici depuis maintenant des générations et ils sont devenus indéracinables. Dans ce contexte, Amérindiens et Amérindiennes ne peuvent guère s’attendre à plus qu’une autonomie accrue et un pouvoir économique plus grand que celui dont ils doivent encore se contenter.

Des principautés amérindiennes seraient-elles envisageables ? Viables ? Elles seraient nécessairement dépendantes des subsides gouvernementaux, faut d’assises démographiques et par conséquent financières, suffisantes pour leur apporter une réelle indépendance. Il ne pourrait alors s’agir que d’une indépendance de façade.

Il faut plutôt pencher vers des ententes gouvernements-autochtones mutuellement avantageuses conclues à l’intérieur du cadre fédéral canadien (ou d’un Québec souverain le cas échéant).

Après tout, la politique a toujours été l’art du possible, même chez les anciens Amérindiens et Amérindiennes.

Jean-François Delisle

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