Cette lutte a capté l’attention internationale depuis la fin de semaine de la Fête du travail (4-5-septembre) lorsque les gardiens de l’oléoduc ont lâché des chiens et utilisé du poivre de Cayenne contre les protestataires. Ce dimanche là, au moins six bulldozers creusaient le long du tracé de l’oléoduc où se trouvent des sites archéologiques et sacrés qui ont été mis au jour par la tribu. La compagnie avait obtenu le droit de travailler sur ces sites la veille lors d’un jugement émis par une cour devant laquelle la tribu avait porté plainte (pour violation de ces sites). Beaucoup sont convaincus que la compagnie s’était empressée de raser le territoire et de détruire les sites avant qu’une injonction ne soit émise pour permettre des études plus approfondies.
Plusieurs personnes, surtout des autochtones, se sont précipité vers les machines pour tenter de les arrêter. Les gardiens les ont accueillis avec du poivre de Cayenne, les ont frappé et plaqué au sol. Des chiens d’attaque ont été lâchés. Ils ont mordu au moins six personnes et un cheval.
Nous étions là. Nous filmions la violence des gardiens. Lorsque nous avons publié notre vidéo elle est devenue virale. Sur Facebook seulement, elle a été visionnée par plus de 13 millions de personnes. CNN, CBS, MSNBC et un nombre incalculable d’organes de diffusion partout dans le monde ont rendu publique nos images d’un chien d’attaque avec du sang sortant de son nez et de sa gueule.
Cinq jours après ces événements le Dakota du nord émettait son mandat d’arrêt. M. Lindsey Wohl, agent spécial du Bureau d’investigation criminelle du Dakota du nord, réfère à la vidéo de Democracy Now dans l’affidavit livré sous serment. Il déclare : « On peut voir Amy Goodman s’identifiant elle-même sur cette vidéo et faisant des entrevues avec les protestataires au sujet de leur implication dans l’action en cours ». L’argument parle de lui-même : elle accomplissait un travail protégé par la constitution, celui de reporter.
Mme Delphine Halgand, la directrice de l’organisme international de surveillance de la liberté de presse, Reporters sans frontières, a déclaré : « Accuser criminellement une journaliste pour avoir traversé une ligne alors qu’elle rapportait un important sujet de nature environnementale et d’intérêt public notaire, est une attaque directe à la liberté de presse et absolument inacceptable dans le pays du Premier amendement ». M. Carlos Lauria du Comité pour la protection des journalistes, ajoute : « Ce mandat est visiblement une tentative d’intimidation des journalistes qui couvrent des protestations d’intérêt public évident. Les autorités du Dakota du nord devraient se sortir de cet embarras, retirer les accusations contre Amy Goodman et garantir à tous les reporters la liberté de faire leur travail ».
The Bismarck Tribune a rapporté les propos de M. Steve Andrist directeur exécutif de l’Association des journaux du Dakota du nord : « Il est regrettable que les autorités du Dakota du nord aient choisi d’accuser une journaliste qui ne faisait que son travail. Cela donne l’impression qu’elles tentaient d’imposer le silence à la reporter et de l’empêcher de rendre publique cette importante histoire ».
Cette histoire est critique pour la confiance du public partout dans le monde. Elle parle du réchauffement climatique, des droits des autochtones face à ceux des entreprises et du gouvernement.
Le jour même de l’émission du mandat d’arrêt, le Gouverneur du Dakota du nord, M. Jack Dalrynple, faisait appel à la Garde nationale en prévision d’une décision judiciaire qui allait être émise le lendemain. Le vendredi, le juge émettait un jugement contre la tribu et permettait la poursuite de la construction. Quinze minutes plus tard, par une décision sans précédent, le Département fédéral de la justice, celui de l’intérieur et l’armée ont publié une lettre conjointe qui annonçait l’arrêt de la construction de l’oléoduc sur les terres contrôlées par le Corps des ingénieurs de l’armée tant que des consultations formelles entre les gouvernements et les tribus touchées par le projet qui veulent protéger leurs territoires, leurs ressources et leurs droits découlant des traités n’auraient pas aboutit. Mais la construction et les barricades non violentes se poursuivent sur les terres autres que fédérales malgré les demandes du gouvernement de Washington auprès du Dakota du nord pour volontairement faire arrêter les travaux.
Plusieurs ont dit que le journalisme est le brouillon de l’histoire. Au cours des 20 dernières années, Democracy Now dans son heure de nouvelles, s’est donné avec fierté, la mission de couvrir les mouvements parce qu’ils font l’histoire. L’action à Standing Rock est un rassemblement historique de milliers de personnes membres de plus de 200 tribus amérindiennes des États-Unis, du Canada et de l’Amérique latine que se sont désignées elles-mêmes comme des « protecteurs-trices » plutôt que des protestataires. C’est le signe d’une unité de ces tribus jamais vue depuis de décennies.
(Au moment de publier cet article), aucun des gardiens du chantier de l’oléoduc n’a été poursuivi malgré les images de la vidéo qui les montrent clairement en train d’agresser les manifestants-es avec les chiens et le poivre de Cayenne. Le North Dakota Private Investigation and Security Board poursuit son enquête sur l’usage de la force et des chiens par les gardiens.
Pendant ce temps nous allons combattre l’acte d’accusation qui nous concerne. La liberté de presse est essentielle au bon fonctionnement d’une société démocratique.
Dakota du nord, muselez vos chiens pas la presse !