Édition du 18 juin 2024

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Autochtones

La volonté d’assimilation des enfants autochtones n’en fait pas nécessairement un génocide.

La députée Leah Gazan a fait adopter, à l’unanimité, le 27 octobre à la Chambre des communes la motion invitant le gouvernement fédéral à reconnaître le caractère génocidaire des pensionnats pour autochtones au Canada. Le gouvernement canadien et les communautés religieuses ont-ils vraiment voulu faire disparaître les Premières Nations ?

Puisque la vérité doit l’emporter pour parvenir à la réconciliation, je souligne d’abord que le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) de 2015 écarte clairement, en introduction, l’idée de génocide physique et biologique des Autochtones pour s’en tenir au génocide culturel. Le génocide culturel, peut-on lire, « est la destruction des structures et des pratiques qui permettent au groupe de continuer à vivre en tant que groupe » alors que le génocide physique est « l’extermination massive des membres d’un groupe ciblé ». Les politiques du gouvernement canadien visaient donc à assimiler et à intégrer les peuples autochtones à la société canadienne.

À l’occasion du 70e anniversaire de la convention sur le génocide (1948-1978), l’ONU a précisé le sens de sa définition du génocide. Il s’agit « d’une intention avérée de la part des auteurs de détruire physiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». « La destruction culturelle, précise le texte, ne suffit pas, ni l’intention de simplement disperser un groupe. » La distinction entre génocide physique et génocide culturel a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée générale de l’ONU en 1948. C’est probablement pourquoi la CVR a fait la distinction entre les deux pour se situer du côté du génocide culturel.

Le professeur émérite de l’Université de Saskatchewan, J. R. Miller, récipiendaire de la médaille d’or du Conseil de recherche du Canada en 2010, qui a consacré sa recherche aux rapports entre les populations autochtones et non autochtones pendant trente ans, écrivait dans le National Post en janvier 2021 (nous traduisons) que « l’objectif du gouvernement était l’assimilation et non l’extermination ». « Aucune déclaration, écrit-il, du gouvernement canadien ni aucun document gouvernemental non publié n’a jamais été produit qui contienne la preuve d’une intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Il ajoute que « si le Canada avait voulu détruire les Premières nations, il n’aurait pas consacré autant d’efforts à essayer de les transformer en Euro-Canadiens ».

La motion de la députée Leah Gazan

Pour appuyer la thèse d’un génocide physique, Leah Gazan fait référence aux 200 tombes non marquées détectées près du pensionnat pour autochtones de Kamloops au printemps 2021. Mais, on n’a rien trouvé de tel si ce n’est que l’anthropologue, Sarah Beaulieu, chargée de ratisser le sol avec un géoradar, a repéré des « anomalies » qui se présentent comme des « sépultures probables ». Mais elle ne peut le confirmer sans une « enquête médico-légale après excavation ». On peut trouver sur YouTube la conférence de presse complète du Conseil (15 juillet 2021) où elle explique sa recherche. Malheureusement, le Conseil se refuse de communiquer le rapport écrit aux médias et de procéder à des fouilles jusqu’à ce jour.

La députée fait état de « nouvelles découvertes » par géoradar près de nombreux pensionnats qui confirmeraient un génocide. Mais là encore, on en est au stade d’anomalies trouvées dans le sol qui laisseraient penser à de potentielles dépouilles d’enfants disparus. Quand des tombes sont trouvées, elles font partie de cimetières déjà connus où des adultes sont enterrés. C’est le cas des 751 tombes trouvées au cimetière près du pensionnat de Marieval en Saskatchewan. À ce propos, la députée devrait demander au gouvernement pourquoi la GRC n’est-elle pas impliquée pour effecteur les recherches et trouver les responsables de ces crimes ?

Enfin, la question posée au pape par le journaliste dans l’avion de retour à Rome était une question piège qui commençait par ces mots : « Vous savez que la Commission canadienne de vérité et de réconciliation a décrit le système des pensionnats comme un "génocide culturel", et qu’il a été modifié pour devenir un génocide. » En fait, la CVR n’a jamais changé sa description du système des pensionnats. À la question du journaliste, le pape donne la réponse suivante : « […] mais j’ai décrit le génocide et j’ai demandé le pardon, le pardon pour cette activité qui est génocidaire. Par exemple, j’ai condamné cela aussi : enlever les enfants, changer la culture, changer la mentalité, changer les traditions, changer une race, disons-le ainsi, une culture entière. Oui, génocide est un mot technique. Je ne l’ai pas utilisé, car il ne m’est pas venu à l’esprit, mais je l’ai décrit... ». Sa description du génocide réfère à un génocide culturel ; elle n’a rien à voir avec un génocide physique. Ses discours en sol canadien n’ont jamais fait référence à un pardon pour avoir contribué à éliminer les nations autochtones. Comment aurait-il pu accepter que des religieux catholiques commettent un crime aussi odieux ?

Comme le fait remarquer la députée Gazan, il n’a pas de réconciliation possible sans vérité. Mais cette vérité doit reposer sur des faits avérés.

Jacques Rouillard, professeur émérite,
Département d’histoire, Université de Montréal

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