Un véritable déblocage de la situation qui déboucherait enfin sur l’édification d’un État palestinien indépendant dépend d’une condition : un rééquilibrage de la politique américaine et canadienne en faveur enfin des Palestiniens et Palestiniennes. Autrement dit, des mesures de rétorsion s’imposent à l’endroit d’Israël. Depuis (trop) longtemps, pour ne pas dire depuis toujours, ce dernier bénéficie de la complaisance coupable des pays occidentaux.
De prime abord, la position de ceux-ci peut sembler pertinente et raisonnable : que les Palestiniens renoncent à la violence et que des négociations se déroulent ensuite entre les deux nations pour régler le conflit qui les oppose. Il s’agit là en apparence d’une position teintée d’un pacifisme vertueux.
Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elle dissimule un parti pris en faveur de la partie dominante, Israël, au détriment de l’autre, dominée, la Palestine. En effet, c’est bien connu, les différents gouvernements israéliens poursuivent avec obstination une politique éhontée de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est au mépris du droit le plus élémentaire à l’autodétermination des Palestiniens et Palestiniennes et du droit international. Les gouvernements occidentaux reconnaissent un "droit sacré" à l’autodéfense militaire au gouvernement israélien mais nient celui des Palestiniens à la résistance, dont les actions armées se trouvent toujours qualifiées de "terroristes".
Des négociations hasardeuses et inégales entre les deux parties milieu-fin des années 1990, dans lesquelles les Palestiniens s’étaient engagés en toute bonne foi, il n’en est sorti qu’un État-croupion qui ne recouvre qu’une partie de la Cisjordanie. Sur la question de Jérusalem-Est, le gouvernement israélien s’est montré intraitable. Pire encore, l’administration Trump a déménagé l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem en octobre 2018. Antony Blinken, le nouveau secrétaire d’État de Joe Biden vient de confirmer le caractère définitif de cette décision. Ottawa ne l’a pas imité sur ce point, du moins pas encore.
Les principaux partis fédéraux canadiens soutiennent sans réserves l’État hébreu et n’envisagent même pas d’appliquer des mesures de rétorsion à son endroit, sauf le Nouveau Parti démocratique qui a proposé de ne plus vendre d’armes à Tel-Aviv à l’occasion du dernier conflit entre le Hamas, au pouvoir à Gaza et Israël. Les Verts sont déchirés entre une aile pro-israélienne, menée par la cheffe Annamie Paul une juive d’ethnie noire d’une part, et qui n’a pas réussi à obtenir un siège au Parlement, et d’autre part une autre aile pro-palestinienne prônant des sanctions contre l’État hébreu, représentée par des gens comme Jenica Atwin, députée à la Chambre des Communes. Les conservateurs d’Erin O’Toole appuient sans réserves l’État hébreu bien entendu et déplaceraient l’ambassade canadienne à Jérusalem s’ils étaient au pouvoir, ce qui n’empêche pas O’Toole de défendre, comme tous ses pairs, "une solution à deux États". Des formules toutes faites, comme dans le cas des libéraux.
Sur le fond, quelque chose cloche dans cette approche : on fait dépendre la résolution du conflit de négociations entre les deux parties, l’israélienne et la palestinienne, de force très inégale. Elle exclut tout recours à la résistance armée du côté des Palestiniens et Palestiniennes.
Là réside une hypocrisie profonde, car cela revient à exiger des Palestiniens et Palestiniennes qu’ils quémandent leur liberté auprès d’Israël et de son principal protecteur, les États-Unis.
Pourtant, l’histoire de tous les mouvements de libération nationale le prouve : la liberté ne se demande pas, elle se prend. Au besoin par les armes.
Jean-François Delisle
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