9 février 2024 |tiré de la lette de l’IRIS
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Les leviers économiques
Le poids économique de l’industrie automobile mondiale est considérable. Elle compte pour 3,65% du PIB mondial. Les quelque 85 millions de nouvelles voitures produites dans le monde chaque année stimulent entre autres l’extraction minière et la production d’énergie fossile et électrique. Avec sa production annuelle d’environ 1,5 million de voitures, le Canada est un chef de file de l’industrie automobile. Exportant 95% des véhicules assemblés au pays, le Canada a été le troisième pays exportateur d’automobiles durant la période 1997-2016, derrière le Japon et l’Allemagne, mais devant les États-Unis. Évidemment, l’importante contribution économique d’une industrie est souvent tributaire d’un appui politique à son modèle d’affaires.
Les leviers fiscaux
Le processus d’électrification de l’industrie automobile donne à voir la capacité historique de ce secteur à se ménager un cadre fiscal hautement favorable. À elles seules, les usines de batteries de Volkswagen et de Northvolt, affiliée à Volvo, cumuleront des subventions publiques de près de 25 milliards $. En retour, les entreprises multinationales de cette industrie n’hésitent pas à élaborer des stratégies d’évitement fiscal. Par exemple, le groupe Volkswagen a déclaré dans les 10 dernières années 18,7 milliards $CAN de profits nets au Luxembourg, diminuant ainsi ses contributions fiscales aux trésors publics des pays où elle mène des activités réelles.
Les impôts impayés de cette industrie s’ajoutent à tous les manques à gagner fiscaux qui découlent de la diminution de moitié du taux d’imposition des entreprises au Canada depuis les années 1980. Cette tendance amenuise la capacité financière des États à investir dans des infrastructures de transition, par exemple des projets de transport en commun structurants. En parallèle, le gouvernement semble prendre désormais l’habitude de recourir à la Caisse de dépôt et placement pour financer ses projets de transport en commun, tout en soutenant généreusement le transport par automobile par le biais des subventions à l’achat de voitures électriques. Celles-ci grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral. Autrement dit, la faiblesse du développement du transport en commun au pays soulage l’industrie automobile d’une concurrence accrue, tandis que les subventions publiques à l’achat de voitures électriques pérennisent l’hégémonie du transport de personnes par automobile.
Les leviers socioculturels
La voiture représente beaucoup plus qu’un moyen de transport. Elle renvoie à une planification spécifique de nos milieux de vie tout en symbolisant la réussite pour qui parvient à se procurer le modèle dernier cri. Les publicités qui assaillent l’espace public et médiatique en chantent les louanges et participent à sa diffusion et à sa légitimité. Le triomphe de l’automobilité se vérifie par le taux de voitures par habitant au Québec, qui a presque triplé depuis les années 1970. À l’inverse, la part modale du transport en commun plafonne ou diminue, ce qui affecte son développement. On dénombre par exemple 7 fois moins de départs d’autocars interurbains privés au Québec en 2023 qu’en 1981, l’offre ayant fondu de 85%.
Les leviers politiques
L’évolution récente de l’industrie automobile montre que celle-ci a les coudées franches pour créer des modèles de véhicules toujours plus sophistiqués et profitables, mais non moins dommageables pour l’environnement : le poids médian du parc automobile du Québec est 30% plus élevé qu’en 1990 ; la proportion des voitures de luxe du parc automobile est passée de 2% à 7,1% depuis l’an 2000 ; les « avancées » technologiques proposées par les départements de recherche et développement des fabricants automobiles, telles que la voiture sans conducteur ou l’introduction de l’intelligence artificielle comme façon de « redéfinir notre relation avec la voiture », ne rencontrent aucune limite. Le contrôle politique de cette industrie est absent, alors que d’un point de vue écologique, les seuls modèles de voiture circulant sur les routes devraient être issus d’une planification écologique animée par la sobriété et l’atteinte minimale à l’environnement.
Quelle voie de sortie ?
L’industrie de la voiture électrique est en plein essor et entend bien enfermer les systèmes de mobilité du monde dans l’automobilité pour un siècle supplémentaire. L’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. La voiture électrique n’est toutefois pas plus durable. Sa production requiert trois fois plus de ressources naturelles que la voiture à essence. Les minéraux rares et polluants à extraire ainsi que les usines de batteries entraînent des problèmes écologiques tout aussi préoccupants que le réchauffement planétaire. De plus, 71% de la production mondiale d’électricité est toujours issue de sources non renouvelables. Même si l’industrie automobile pèse de tout son poids économique, politique, fiscal et culturel pour repousser le moment inévitable de son dépassement, le déplacement massif par automobile est une parenthèse historique appelée à se refermer tôt au tard.
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