Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

L'invasion des terriens

L’expression "Terra nullius", vous connaissez ? Il s’agit d’une locution latine qui signifie : "territoire de personne" ou encore : "terre inhabitée". Elle apparaît pour la première fois dans une bulle papale de 1095. Elle a par la suite légitimé l’injustifiable : la prise de possession de territoires par les puissances coloniales européennes.

En effet, cette définition, même inconstante dans le temps, a servi à justifier l’appropriation de territoires dont les habitants, jugés primitifs et négligeables parce qu’ils ne disposaient pas d’une organisation étatique, étaient vus comme quantité négligeable ; des inférieurs en quelque sorte. Ce fut le cas dans dans les Amériques, en Afrique et une partie de l’Asie et même en Europe (les territoires balkaniques, dont une partie était peuplée de chrétiens non catholiques). À cette époque, il revenait au pape de trancher sur la définition de ces "territoires sans maître".

De nos jours, on interprète cette notion de façon plus modérée. L’actuel droit internationale considère comme Terra nullius une région sur laquelle aucun État n’a exercé sa souveraineté ou qui a renoncé à celle-ci formellement. Inutile de préciser que ces zones sont rarissimes. L’acquisition d’un territoire ne peut désormais se réaliser ni sur simple déclaration de souveraineté ni par un acte symbolique.

On peut citer sommairement le continent Antarctique qui constitue par voie de traité une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science, plus quelques minuscules territoires (comme le rocher de Rockall, à l’ouest de l’Écosse).

Si on transpose la notion de Terra nullius à l’espace interplanétaire, elle convient parfaitement à première vue puisque les astres voisins du nôtre ne semblent pas abriter des formes de vie, du moins évoluées. Dans un traité de l’espace signé le 27 janvier 1967, l’article 2 interdisait toute appropriation nationale d’une planète ou d’une partie d’un astre par proclamation de souveraineté. Lors de la conquête de la lune deux ans plus tard, les États-Unis déclaraient solennellement que notre satellite appartenait à toute l’humanité et qu’ils n’avaient pas l’intention de l’annexer.

Mais on peut maintenant se demander combien de temps encore se maintiendra cette bonne volonté. Au printemps 2020, le président en poste Donald Trump annonçait que les États-Unis devraient disposer du "droit de s’engager dans l’exploration commerciale, la récupération et l’utilisation des ressources dans l’espace extra-atmosphérique conformément au droit applicable. L’espace extra-atmosphérique est un domaine de l’activité humaine sur le plan juridique et physique, et les États-Unis ne le considèrent pas comme un bien commun mondial".

Voilà le grand danger qui guette l’espace et aussi, par ricochet, l’humanité, dans la mesure où nos sociétés productivistes risquent d’y transporter leurs conflits commerciaux, économiques et même militaires.

À mesure que les ressources naturelles terrestres se raréfient vu leur exploitation effrénée, que la pollution continuera d’augmenter, la tentation sera forte (et sans doute irrésistible) d’aller piller les ressources manières éventuellement présentes sur certaines planètes voisines. D’où l’urgence d’un autre traité dans la foulée de celui de 1967 visant à renforcer la protection des autres planètes des convoitises nationales terrestres, à la fois publiques et privées.

On s’interroge beaucoup sur les OVNIS que plusieurs témoins pensent avoir observés ; mais s’il y avait des habitants intelligents sur Mars, Ganymède, Encelade ou Europe, ils verraient nos vaisseaux spatiaux foncer chez eux. Contrairement aux élusifs OVNIS chez nous, les nouveaux venus, eux, ne se cacheraient pas et ils iraient droit au but : l’établissement sans vergogne d’un régime colonial.

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Jean-François Delisle

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