Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

L’indépendance du Québec, Québec Solidaire à l’heure du choix

L’arrivée de Pierre-Karl Péladeau et le débat public qui reprend sur l’indépendance du Québec amène plusieurs personnes et certains partis politiques à réévaluer leur position sur la question et certains indépendantistes comme moi à se questionner sur la voie à suivre pour y arriver.

Je suis pour ma part indépendantiste depuis mon adolescence. J’ai été un jeune prisonnier politique d’Octobre 1970 sous la Loi des mesures de guerre. Le passé nous a appris et nous apprend que la lutte pour l’indépendance des peuples est parfois longue et difficile. Elle demande beaucoup de courage et de détermination, mais également de la stratégie. Elle demande aussi de l’abnégation et la capacité de faire des compromis. J’ai aussi milité à plusieurs reprises au Parti Québécois. J’en suis aussi plusieurs fois sorti à cause de la culture interne trop traditionnelle de ce parti et des positions prises par certains gouvernements péquistes trop à droite pour moi. Depuis plusieurs année maintenant je suis membre et militant de Québec Solidaire, un parti de gauche et indépendantiste où je me sens chez moi et très heureux.

Mais cependant il y a un hic. Même si mon parti se dit indépendantiste j’ai toujours gardé comme d’autres personnes des réserves sur la position que j’ai toujours trouvée ambiguë la position de Québec Solidaire sur l’indépendance du Québec et notamment la question de l’assemblée constituante qui préparerait l’indépendance ou pourrait aussi bien nous amener à demeurer dans le Canada. La fameuse déclaration d’Amir Khadir ‘’ L’indépendance est nécessaire mais pas nécessairement l’indépendance ‘’ a par la suite confirmé mes doutes, des échanges avec d’autres militants(es) également. Certains anciens(nes) militants(e) ont déjà quitté pour le NPD suite à un débat sur le sujet mais ce débat est loin d’être terminé selon moi. Tant que l’indépendance était peu probable ou dans un horizon lointain pas de problème mais maintenant que le pays est de nouveau possible et peut-être à portée de main chacun(e) doit préciser ses intentions et prendre parti dans un sens ou dans l’autre, Québec Solidaire le premier. J’ai proposé à l’assemblée générale de mon comté une résolution qui a été adoptée au dernier conseil national, à savoir que le parti reprenne en congrès la discussion sur l’indépendance du Québec et l’unité des indépendantistes. Je pense que l’unité des indépendantistes est comme pour les autres peuples une condition incontournable pour y arriver. Nous avons eu récemment l’exemple de l’Écosse et de la Catalogne où cette unité a été réalisée mais malheureusement pas encore chez nous. Le Parti Québécois a fait son bout de chemin en ne cherchant plus à rallier tous les indépendantistes en son sein et en reconnaissant maintenant la nécessité de faire une coalition, à Québec Solidaire de faire le sien.

Je comprend que pour plusieurs membres de Québec Solidaire la justice sociale passe avant l’indépendance et que l’indépendance est simplement un outil pour y arriver. Je respecte ce choix. Chez moi les deux sont sur le même pied, et l’indépendance est une fin en soi comme la justice sociale l’est également. Mon attachement à l’indépendance en plus de la voir comme un outil pour avoir plus de justice sociale au Québec parce que nous aurons tous les pouvoirs d’un état national entre les mains pour le faire également, relève également pour moi d’une dimension historique et identitaire. Je pense que l’indépendance d’un peuple est comme chez l’être humain une quête d’identité et libération comme cela l’a été pour plusieurs peuples que nous avons admiré et dont nous avons appuyé la lutte de libération nationale.

C’est maintenant de nouveau à notre tour de lier comme nous l’avons fait dans les années 60 et 70 la lutte de libération nationale et la lutte sociale et contre le néo-libéralisme et la conjoncture ne peut être plus propice que dans le contexte de la lutte contre l’austérité et l’affrontement en vue pour l’automne dans le secteur public.

L’indépendance du Québec est pour moi l’aboutissement logique de notre présence française en Amérique et elle s’alimente également à la source amérindienne et également à la source immigrante de notre coin de terre. Parmi les immigrants(es) de l’une ou l’autre génération plusieurs ont déjà mené ce combat de l’indépendance de leur pays d’origine et peuvent nous faire profiter de leur expérience en se joignant à notre combat.

L’indépendance c’est aussi la condition du maintien de notre culture et de notre langue française. Dans mon futur pays il y a aussi de la place pour tous et toutes. L’indépendance c’est également pour moi la fierté de voir dans un avenir rapproché le drapeau du Québec flotter aux Nations-Unies, participer à tous les forums internationaux, et avoir une sélection québécoise à une prochaine Coupe du monde de soccer et aux Jeux Olympiques. C’est finalement voir naître au monde un pays que je veux écologiste, pacifiste, féministe, ouvert sur le monde et y apportant sa couleur particulière.

Je répète encore une fois que pour arriver à l’indépendance du Québec il faut nous unir les indépendantistes de tous les horizons politiques. Il nous faut dès maintenant mettre sur pied une coalition indépendantiste pour prendre le pouvoir en 2018, coalition formée de tous les partis indépendantiste mais aussi un mouvement populaire formé de gens avec ou sans parti pour porter dès maintenant notre message dans la population et obtenir un majorité au prochain référendum. En cas de victoire électorale il y aurait un gouvernement de coalition formé des tous les partis indépendantistes qui mettrait sur pied une constituante pour écrire une proposition de constitution pour un Québec indépendant et qui préparerait un référendum pour le plus tôt possible après la prise du pouvoir.

Nous pouvons avoir des divergences sur la place que nous accordons à l’indépendance du Québec dans l’échelle de nos convictions politiques mais en bout de ligne chacun d’entre nous devra choisir, soit il est indépendantiste ou objectivement il est fédéraliste, ce qui est également une option légitime. Il n’y a plus d’entre deux possible. Même si je l’aurais souhaité ce n’est pas Québec Solidaire seul ou Françoise David seule, plafonnés que nous sommes pour le moment à 10% du vote, qui allons faire l’indépendance du Québec. Et que cela nous plaise ou non le Parti Québécois demeure le ‘’ navire amiral ‘’ pour arriver à l’indépendance. On ne va quand même pas bouder notre avenir national parce que que le capitaine du navire amiral n’est pas assez à gauche à notre goût.

Québec Solidaire qui devra confirmer rapidement son option indépendantiste lors d’un congrès spécial et pour la réaliser rejoindre la coalition indépendantiste, ou bien se ranger dans le camp fédéraliste, ou entretenir l’ambiguïté ad vitam aeternam, et alors je devrai personnellement envisager à contre coeur de retourner au Parti Québécois et rejoindre son aile gauche le SPQ libre.

Yves Chartrand
Membre et militant de Québec Solidaire Hochelaga-Maisonneuve

Yves Chartrand

Intervenant social
Montréal

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