Les pires moments de la pandémie semblent enfin disparaître dans notre sillage, la vaccination va bon train. Le gros des mises en terre est fait. Nous avons déjà fait nos aurevoirs aux proches, mais à la rancœur aussi. On ne cherche plus de responsables, heureusement, car on commence à retrouver nos terrasses.
Enfin, la ministre Laforest nous a rassuré, pas d’inquiétudes à avoir relativement au logement. Ni de crises, ni de crainte, parole d’agent immobilier. Les citoyens peuvent se rassurer, des quatre et demi à 1600$ par mois, il y en a pour toutes les familles dans le besoin.
Et tant mieux ! Ça fait du bien d’entendre des bonnes nouvelles, c’est ce dont nous avions de besoin avec cette année interminable qui refuse de prendre fin. Alors quoi de mieux que de se dire, par-dessus le marché, que jusqu’à 50 000 automobilistes par jour pourront, dans dix ans nous l’espérons, sauver 20 minutes de transport pour atteindre le centre-ville de notre capitale nationale !
L’oubli qui obnubile
Combien de questions demeurent sans réponse au sujet du troisième lien ? L’impact environnemental ? Le gros bon sens du ministre Charest nous avait rapidement indiqué, en 2019, qu’il était clair que le projet serait bon pour l’environnement1. Brandissant le sacro-saint développement durable, on nous avait alors rappelé qu’il n’y a pas de lutte environnementale sans développement économique !
Il est effectivement pratique de pouvoir oublier à notre guise, les informations qui dérangent un peu. Que l’été arrive bien plus vite, dure plus longtemps, est bien plus chaud qu’avant. Que notre système inhumain d’hospice a coûté, inutilement, de nombreuses vies. Que de nombreuses personnes sont présentement poussées dans une pauvreté artificielle du simple fait qu’un besoin aussi vital que le logement leur est désormais inaccessible sans débourser bien au-delà de ce qui était autrefois jugé comme responsable. Et ne parlons même pas de racisme systémique dont le déni est, depuis longtemps déjà, devenu un sport national rivalisant le hockey !
En effet, oublier fait du bien. On peut alors se réjouir à faible coût. Oublions les risques d’étalement urbain, la demande induite qui poussera plus d’automobilistes sur la route, l’absence de faits sur lesquels reposent nos décisions. Oublions les émissions de GES issues de la construction, les dérangements inévitables d’un écosystème déjà fragile, les projets de transport en commun laissés à l’abandon.
Réjouissons-nous plutôt de l’économie qui, on l’espère, sourira devant l’offrande qu’on lui tend. Réjouissons-nous de la vingtaine de minutes que s’économiseront de chanceux lévisiens. Enfin, réjouissons-nous d’une promesse bien tenue, non pas au nom du bien collectif, mais au nom de l’entêtement.
En 2015, le pont Champlain recevait 160 000 véhicules par jour2, le projet coûtera ultimement 4.2 milliards. Lévis comptait environ 146 000 habitants en 2017, certes, le troisième lien aura deux directions, mais aussi deux autres compatriotes. À 10 milliards (avant coûts additionnels évidemment), le projet du premier ministre Legault rend pour le moins perplexe.
Le temps de dire non
L’oubli vient à bien faible coût quand on jouit d’une majorité comme celle qui porta la CAQ au pouvoir en 2018. Encore plus grisant que les circonstances actuelles semblent tranquillement nous porter vers un second mandat tout aussi puissant. Or, si le gouvernement Legault semble profiter d’un engouement sans précédents, celui-ci demeure bien troublant. L’oubli caquiste a cela d’infectieux qu’il crée une vague d’insouciance dans laquelle nous avons tous envie de plonger. Or, la réalité actuelle nécessite de nos dirigeants un bien plus grand sens de la responsabilité.
Cette dernière ne peut pas être qu’une question gestionnaire. Nous avons besoin de décisions sérieuses, informées et surtout orientées vers un bien collectif qui dépasse les idéologies économicistes. Le développement économique n’est pas toujours la solution absolue et universelle que plusieurs souhaitent. Scander qu’un projet est bon pour l’économie ne met pas fin à la discussion. Gris de son pouvoir, Legault se doit de voir plus loin, et surtout d’écouter d’autres discours.
La quiétude que la CAQ incarne peut plaire par le confort qu’elle inspire présentement, mais ce ne sont pas des sentiments que nous pouvons nous permettre. Non, le temps n’est pas à se réjouir. Devant les emportements insouciants de notre premier ministre, il faut dès maintenant dire non.
1. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1335444/3e-lien-etudes-environnement-benoit-charrette-caq
Un message, un commentaire ?