photo Fondation David Suzuki
L’hygiène tient donc compte du cadre, du contexte et de l’environnement de l’homme au même titre que de sa physiologie. C’est une vision prophylactique et holistique de la santé de l’homme, tous les aspects du vivant sont pris en compte : sa psychologie, sa physiologie et sa motricité en lien avec son environnement.
On peut résumer la prise en charge hygiénique comme étant bio-psycho-sociale. L’OMS décrit l’hygiène comme « un ensemble de mesures permettant un état de complet bien-être physique, mental et social ». L’hygiène est la plus utile de toutes nos sciences, celle dont personne ne devrait ignorer le principe !
L’hygiène est donc un ensemble de mesures, de procédés et de techniques mis en œuvre pour préserver et améliorer la santé au niveau individuel et collectif, elle est synonyme de prophylaxie. La prophylaxie place le curseur sur le versant politique des droits de tout un chacun à pouvoir bénéficier d’un logement sain, d’une éducation intégrale cognitive et motrice, d’un travail adapté avec une pression et des horaires encadrés et soutenables, de soins de santé, d’une retraite à un âge acceptable, de congés payés, de loisirs ainsi que d’une alimentation saine. En somme, le droit pour tout un chacun de bénéficier de tous les outils c’est-à-dire une politique sociale, sanitaire et économique qui permette l’émancipation et le progrès social pour accéder au bien-être et à la santé.
Toutes ces mesures combinées permettent indiscutablement d’améliorer le bonheur, le bien-être ainsi que la santé individuelle et collective des individus d’une société toute entière.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont très clairs à ce sujet : les populations paupérisées et précarisées ont une espérance de vie inférieure à celles qui ne le sont pas ! En effet, « les hommes les plus aisés vivent en moyenne 13 ans de plus que les hommes les plus modestes. [...] L’auteur de l’étude, Nathalie Blanpain, souligne dans le document que le niveau de vie peut être la cause directe d’un état de santé plus ou moins bon, et donc d’une durée de vie plus ou moins longue »1.
C’est également le cas en ce qui concerne les épidémies : « plusieurs indices épidémiologiques et sociologiques vont dans le sens d’une maladie de pauvres ; les quartiers populaires, les populations du bas de l’échelle sociale payeraient un plus lourd tribut que les classes supérieures. On parle d’ailleurs de l’épidémie comme un processus biosocial »2.
« Quatre économistes français viennent en effet de montrer que la Covid-19 tue d’abord, et de façon particulièrement importante, les plus modestes »3.
Les écarts d’espérance de vie entre les riches et les pauvres il y a un siècle étaient encore plus catastrophiques. En 1850, alors que les dirigeants possèdent 90% des richesses, les ouvriers dont l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans, n’en possèdent que 0,25%4.
Les conditions de vie infrahumaines des ouvriers à cette époque provoquaient une véritable hécatombe. Le tableau de l’état physique et moral des ouvriers dans les fabriques de coton, de laine et de soie, établit en 1840 par le docteur M. Villermé à la demande de l’Académie des sciences morales et politiques, dresse un constat accablant de la situation ouvrière. « Il n’est pas rare de voir des enfants de six ans employés comme rattacheurs de fils et même des enfants de quatre à cinq ans employés comme dévideurs de trame ou porteurs de bobines. Ils restent seize à dix-sept heures debout, chaque jour, dont treize au moins dans une pièce fermée, sans presque changer de place ni d’attitude, ce n’est pas une tâche c’est une torture et on inflige cela à des enfants de six à huit ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir dès cinq heures du matin, la longue distance qui les
sépare de leurs ateliers et qu’achève d’épuiser, le soir, leur retour de ces mêmes ateliers »5.
Toutes ces calamités provoquées par une élite au pouvoir, cette oppression et la paupérisation de la classe ouvrière qui s’ensuivit a donné lieu à des révoltes parfois sanglantes : en 1793, la terreur et la révolte des jacobins ; en 1831, la révolte des canuts ; en 1834, la semaine sanglante et en 1848, les ouvriers se soulèvent pour réclamer des semaine de 60 heures. « Ces insurrections deviennent rapidement des symboles. En contribuant à développer dans la conscience ouvrière le sentiment d’une réelle communauté d’intérêts, elles vont influencer les grands mouvements sociaux du XIX siècle »6.
Ces confrontations politiques et sociales ont, petit à petit, créées un rapport de force constant et des mouvements sociaux en faveur des exploités qui ont poussés les classes dirigeantes à lâcher du leste en faveur de la classe ouvrière. Rapport de force toujours visible aujourd’hui qui sans aucun doute a changé le cours de l’histoire sanitaire et ouvrière du siècle passé et continue toujours d’influencer le siècle présent avec comme pierre angulaire les caisses de la sécurité sociale et les acquis sociaux.
« Les services sociaux et les acquis sociaux arrachés de haute lutte par des générations d’ouvriers et d’employés ne résultent pas d’une grâce providentielle. Ils appartiennent à l’ensemble des citoyens »7.
Sur le plan sanitaire, ces révoltes ont données vie à trois grands courants hygiéniques progressistes qui ont permis l’émancipation et le progrès social des classes populaires. L’hygiène comme processus de gestion sanitaire du bien-être et de la santé « Le XIXe siècle est aussi celui de la naissance de l’idéologie hygiéniste, c’est-à-dire l’idée que l’hygiène, le sport, l’alimentation, des logements aérés, sont les meilleurs remparts contre la maladie… »8.
1° l’hygiène publique : la réflexion sur les taudis, la salubrité et l’insalubrité de l’habitat qui dans une large mesure a permis d’éradiquer les épidémies transmissibles. Le slogan de l’époque était « Guerre aux bacilles, guerre aux taudis ». Dans leur magnifique livre intitulé Dissolving Illusions
les deux auteurs Roman Bystrianik et Suzanne Humphies décrivent admirablement les conditions de vie déplorables des ouvriers dans les quartiers populaires des grandes métropoles au XIX siècle :
« A Boston, Chicago, New-York, Paris, des quartiers entiers où le bétail, les chiens errants, les chevaux, les rats côtoient les hommes dans des conditions d’hygiène déplorables, assez proches de celles des pays du Tiers-Monde...9.
Durant tout ce siècle, l’explosion de l’urbanisation s’effectue de manière totalement anarchique et incontrôlée. Une surpopulation et une accumulation de déchets humains et animaux vont provoquer de nombreuses maladies infectieuses, promiscuité et pauvreté contribuent à entretenir les maladies
dans les pays industrialisées.
« A Paris, le traitement des déchets constitue un problème pendant toute la durée du XIXe siècle, avec beaucoup de puisards où les Parisiens vident ordures et eaux usées, et aussi leurs besoins…
Ces déchets contaminent les puits et les fontaines où les habitants s’approvisionnent jusqu’en 1870. « Paris est alors la ville aux 85 000 fosses d’aisance. Beaucoup sont encore en usage après la première guerre mondiale », précise Dissolving Illusions. En anglais, « fosse d’aisance » se dit « cesspoll », un mot qui a donné son nom à la fièvre typhoïde : « cesspool fever ». A cette époque, dans les grandes villes du monde occidental, dont certains quartiers sont dignes des bidonvilles du TiersMonde actuel, les rats pullulent… »10.
Progressivement, à partir de la moitié du XIXe siècle, tout au long du XXe siècle, les conditions de vie s’améliorent en Europe et aux États-Unis. On peut pratiquement dire que c’est grâce à l’amélioration de l’hygiène publique « la révolution sanitaire » qu’on a vu disparaître les épidémies ! Par exemple en Grande-Bretagne dans les années 1850 et 1860 se met en place un service de santé publique qui dispose du pouvoir de régler l’assainissement, l’approvisionnement en eau et la pollution environnementale. Au fur et à mesure que les conditions de vie augmentent les maladies et les épidémies régressent et c’est bien avant l’arrivée des antibiotiques. Le choléra est ainsi endigué naturellement sans l’aide du premier vaccin anticholérique qui arrive dans les années 199011.
« De très nombreuses preuves démontrent clairement que l’amélioration des conditions de vie, de l’alimentation, des soins obstétriques – et autres causes non-vaccinales, ont permis le déclin du taux de mortalité lié aux maladies infectieuses. Malgré ces évidences, les promoteurs de la vaccination continuent à proclamer faussement que c’est grâce aux vaccins que notre espérance de vie a augmenté, s’indignent les auteurs de Dissolving Ilusions. L’OMS ne devraient-elle pas plutôt changer de politique dans les pays en voie de développement, miroir de notre passé ? »
2° L’hygiène sociale : la réflexion sur le monde du travail a permis également dans une large mesure d’éradiquer les épidémies mortelles, des enfants comme des adultes, non-transmissibles liées à la fatigue, au stress, à une mauvaise alimentation et aux mauvaises conditions de travail. Au XIX siècle les conditions de travail étaient proches de l’esclavage sans aucune limitation de l’exploitation humaine par les patrons capitalistes. Le travail des enfants ruine leur espérance de vie, les conditions de travail extrêmement stressantes font vieillir la classe laborieuses. « Ceux qui échappent à la mort ou aux maladies dans l’enfance ne dépassent pas la trentaine ou la quarantaine »12.
L’amélioration des conditions de vie et de travail par les caisses de sécurité sociale et l’octroi d’acquis sociaux pour la classe ouvrière va changer la donne sanitaire : limitation du temps de travail, comité paritaire, sécurité, hygiène dans les entreprises, syndicats qui prennent la défense de la classe ouvrière, la sortie des enfants du monde du travail, la pension et la possibilité de se soigner grâce à une mutuelle. Tous ces acquis pour la classe ouvrière vont éradiquer en partie toutes les épidémies non-transmissibles ou du moins permettre une meilleur qualité de vie.
3° L’hygiène physiologique : la réflexion sur le fonctionnement de l’organisme, le corps physique qui est l’entrelacs sanitaire endogène qui permet de booster le système immunitaire sur le plan physiologique et soutenir l’organisme contre les fléaux épidémiques transmissibles et non- transmissibles liés au stress et aux mauvaises conditions de vie et de travail, ce qui doit incontestablement favoriser sur le plan sanitaire la santé des jeunes et de tous les travailleurs.
La physiologie étudie les fonctions de l’organisme à l’état d’équilibre dans un environnement spécifique. Elle met en évidence les mécanismes autonomes de régulation de l’organisme qui permettent de conserver un état stable et équilibré. De fait, les mécanismes mis en œuvre en physiologie et en physiopathologie mettent en évidence nos propres capacités à nous défendre, à ne pas tomber malade et à nous guérir.
Cette réflexion physiologique est très ancienne, répandue en Asie, au Moyen-Orient mais surtout les écrits d’hygiène physiologique les plus connus remontent à Hippocrate, en 460 avant Jésus Christ :
« Que ta nourriture soit ta santé » ou Galien de Pergame en 131 après Jésus Christ qui est le premier à avoir étudié en détails l’effet sur les muscles, les nerfs et les organes des exercices actifs. « La transpiration accompagnant l’activité physique maintient « les pores et conduits du corps ouverts », Galien préconise des exercices symétriques pour éviter le développement unilatéral des membres ou des organes ou encore comme le mentionnait le poète de la Rome antique Juvénal entre 90 et 127 après JC, l’important est de maintenir un esprit sain dans un corps sain, mens sana in corpore sano ou Mercurialis 1530 qui vulgarisa toutes ces techniques empiriques de soins physiques et hygiéniques dans son traité de Arte Gymnastica qui inscrira pour les générations futures, les fondamentaux de la Culture physique, repris par la suite par Hypolite Triat, Edmond Desbonnet et le fondateur de la Naturopathie Française Pierre Valentin Marchesseau, Père de la Biokinesie méthode et technique motrice holistique inspirée de la culture physique mais cette physiologie hygiénique est encore l’apanage d’une élite, elle devient accessible au peuple grâce à la généralisation de l’enseignement et de l’éducation scolaire fin XIX siècle.
« Durant la première moitié du XIXe siècle se produit un changement des concepts et des pratiques par rapport au siècle précédent, car ce n’est plus seulement l’air et l’espace qui préoccupent, mais aussi d’autres éléments de la salubrité des bâtiments (la lumière, l’eau, l’humidité). La propreté du corps des élèves et la prophylaxie à engager contre les épidémies (variole, choléra, fièvres typhoïdes) deviennent des sujets dominants de la prévention en milieu scolaire. Nous assistons à un accroissement de l’engagement sanitaire et éducatif de l’État à tous les degrés de l’enseignement, car ce ne sont plus les écoles des élites qui sont concernées comme au XVIIIe siècle, mais aussi celles du peuple »13.
L’école devient dès lors un outil d’éducation à l’hygiène accessible à tous. L’école a été depuis plus de deux siècles un déterminant puissant puisque peu à peu elle s’est généralisée et massifiée à tous les enfants pour enseigner à des générations de plus en plus larges les bienfaits de l’hygiène physiologique. La boucle est bouclée ! L’hygiène publique, sociale et physiologique dans les faits devient donc la meilleure garantie pour combattre les maladies et préserver le vivant puisqu’elle
s’appuie sur tous les aspects du vivant bio-psycho-social.
L’équilibre entre une vision « exogène » de l’hygiène basée sur l’environnement et une vision « endogène » de l’hygiène basée sur le corps physique et physiologique (anabolisme, métabolisme et catabolisme), de comment un organisme vivant effectue le travail de relation, de nutritionnel, de reproduction, cette prise en charge globale a permis un regard complexe, comme expliqué plus haut, bio-psycho-social de la prise en charge de l’homme. En gros, comment une prise en compte globale de l’hygiène se répercute sur le bien-être et la santé de l’homme.
L’homme dans une perspective d’hygiène publique, sociale et physiologique est analysé et appréhendé comme un tout dans son environnement en perpétuel mouvement. Ce sont ces trois facteurs qui prioritairement ont éradiqués tous les fléaux, les pandémies transmissibles et non-transmissibles et le gros des catastrophes sanitaires.
Carlos Perez
1 G. Normand, « Espérance de vie : des écarts considérables entre les riches
et les pauvres », disponible sur : https://www.latribune.fr, 6 février 2018.
2 N. Martin, « La COVID-19 : une maladie de pauvres ? », disponible sur :
https://www.franceculture.fr, 10 avril 2020.
3 N. HERZBERG, « En France, le Covid-19 a beaucoup tué dans les villes
pauvres », Disponible sur : https://www.lemonde.fr, 20 juillet 2020.
4 J- M. VIGOUREUX, « Détournement de science, être scientifique au temps
du libéralisme », Écosociété, 2020, page 40.
5 J-M. VIGOUREUX, ibidem, page 49
6 J-M. VIGOUREUX, ibidem, pages 52,53,54
7 R. VANEIGEM, « Modestes propositions aux grévistes », Broché, 2004.
8 X, « Quand Paris a la fièvre… Petite histoire des épidémies dans la capitale
», disponible sur : http://enlargeyourparis.blogs.liberation.fr/2020/03/19/
quand-paris-la-fievre-petite-histoire-des-epidemies-dans-la-capitale/, 19 mars 2020.
9 P. DUCOEURJOLY, « Les vaccins ont-ils vraiment éradiqués les
maladies ? (Enquête) », disponible sur : https://pryskaducoeurjoly.com, 03
février 2015.
10 Ibidem.
11 Ibidem.
12 Ibidem.
13 https://journals.openedition.org/rechercheseducations/458
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