Édition du 12 novembre 2024

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Afrique

L’état actuel de la dette en Afrique subsaharienne

tire de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Vendredi 3 février 2017

Les États africains empruntent aujourd’hui à des taux majorés pour refinancer des dettes ou combler leur déficit budgétaire, entraînant ainsi une nouvelle spirale de dette dangereuse.

Le FMI continue ses tournées partout en Afrique subsaharienne dans le cadre de son programme de facilité élargie au crédit (FEC) avec son cortège de mesures d’austérité dont les populations payent le prix. Il s’agit de la suppression des subventions sur les tarifs d’électricité et le gaz, le partenariat public-privé entraînant la privatisation à outrance des services sociaux de base, etc.

La jumelle complice du FMI qu’est la Banque mondiale continue aussi à développer son programme Doing Business pour imposer des réformes dans les politiques et programmes des gouvernements favorables aux investisseurs étrangers et violant systématiquement le droit d’accès des communautés à la terre, à l’eau, etc.

A titre d’illustration : au Mali, le projet de loi foncière dont la consultation a impliqué les organisations paysannes et les mouvements sociaux qui travaillent sur les thématiques foncières et agricoles, qui comportait pendant la première phase de validation sociale 159 articles prenant en compte les préoccupations paysannes en matières agricoles, a été réduit à 49 sur imposition des bailleurs de fonds, en occurrence la Banque mondiale, afin de privilégier les investisseurs étrangers au détriment de la communauté paysanne. Le classement des états dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires est lié à l’adoption par nos états des reformes favorables aux multinationales et piétinant le droit au développement des citoyens.

En plus de ces offensives de la Banque mondiale et du FMI, nos états sont en train de s’endetter sur le marché international financier et sur leur marché régional.

C’est ainsi qu’en novembre 2015, les emprunts souverains émis par des gouvernements africains ont atteint 5,17 milliards de dollars avec des taux variant entre 6% à 10,75%. Depuis cette date, aucun eurobond n’a été émis. Ainsi, on passe des eurobonds aux émissions obligataires en monnaie nationale ou régionale avec des taux compris entre 5.5% et 6.5%.

A cet effet, les états membres de l’UEMOA ont adopté leur calendrier d’émission de titres publics d’un montant de $1122 milliards à mobiliser sur le marché financier
régional au troisième trimestre 2016. Le calendrier du troisième trimestre prévoit des émissions pour un montant total de $1122 milliards de FCFA comparé à un montant émis de $1115 milliards FCFA au deuxième trimestre 2016, soit une légère hausse de 0,63%. Au cours du troisième trimestre, les états membres de l’Union procéderont également à des remboursements au titre du service de la dette de marché pour un montant total de $723 milliards FCFA.

Le constat criant et paradoxal est que cependant c’est le Sud qui finance. Entre 1980 à 2012, les volumes de capitaux qui ont quitté l’Afrique ont été plus importants que ceux qu’elle a reçus, apprend-t-on d’un rapport publié le 5 décembre 2016 par le Global Financial Integrity. Au total, ce sont 1712,5 milliards de dollars que le continent a perdus, soit en moyenne 78 milliards par an |1|.

A l’origine de cette situation, le rapport pointe tout d’abord les sociétés multinationales avec leurs méthodes d’optimisation et d’évasion fiscales. L’empreinte la plus forte se situe dans le domaine des industries extractives (mines et hydrocarbures) où de grands groupes qui tirent avantage des économies d’échelle, mais réalisent surtout des montages comptables et fiscaux qui réduisent fortement la base imposable ou la quote-part des pays hôtes. A cela s’ajoute la faiblesse des institutions et des administrations de ces pays qui les place en infériorité dans les négociations avec des multinationales beaucoup plus puissantes.

Cet état de fait nous justifie que les objectifs de développement durable (ODD) sont morts-nés. Cela est confirmé par la CNUCED elle-même qui a attiré l’attention sur les risques que pose la dette souveraine (celle émise par les états sur les marchés internationaux) notamment pour l’Afrique subsaharienne. « Les pays d’Afrique ont accumulé les dettes, alors même que leurs capacités à les rembourser se sont rétrécies. La baisse des prix des matières premières, la hausse du dollar et la perspective de paiements d’intérêts plus élevés rendent ces dettes plus difficiles à refinancer » |2|.

Selon le secrétaire général de la CNUCED, la dette souveraine ne peut pas bénéficier des mesures de protection contre la faillite ou de restructuration, comme c’est le cas pour la dette privée. Mais même si les actifs publics ne peuvent faire l’objet de saisies, l’incapacité de rembourser pour un pays le prive d’accès au marché des capitaux, et donc de la possibilité de faire face à ses besoins de liquidités.
Du coup, les états africains ne pourront pas respecter leur engagement dans le cadre de l’atteinte des ODD.

Quels sont les remèdes ?
 Le suivi, l’analyse et la dénonciation de la situation de l’endettement des pays de l’Afrique ;
 La lutte contre les différentes mesures de privatisation des services publics et des infrastructures et notamment via les Partenariats public-privé (PPP) ;
 La lutte pour la démocratie populaire et les libertés publiques.
JPEG - 96.1 koBroulaye BAGAYOKO de la CAD-Mali et Secrétaire Permanent du CADTM Afrique (à l’extrémité à droite)

III-2) Contrat dette et développement (C2D)

Si le C2D peut apparaître comme un excellent levier en matière de coopération au développement pour réduire la pauvreté extrême de nos populations et booster nos économies, il n’en demeure pas moins que le caractère très politique de celui-ci est un facteur limitant pour les pays bénéficiaires qui restent sous l’influence et le diktat de la France.

A cela il faut ajouter le caractère quasi monopolistique des entreprises françaises qui relèguent finalement les possibilités des entreprises nationales à de simples faire valoir bons pour être des sous-traitants,une situation qui ne saurait créer la richesse escomptée pour réduire la pauvreté en elle-même par la réduction du chômage et autres besoins, au lieu de chercher à vaincre l’extrême pauvreté qui maintiendrait nos pays dans une extrême dépendance, les éloignant de l’idée de l’émergence de plus en plus galvaudée par nombre d’entre eux.

Les classes dominantes emploient tous les moyens idéologiques dont ils disposent pour identifier les institutions en leur faveur. Ainsi en est-il des institutions économiques et politiques (les grands espaces tels que le FMI, BM, UE, France Afrique ….), les institutions judiciaires telles la cour pénale internationale ou son appendice des cours africaines qui ne jugent que les dirigeants des pays arriérés.
JPEG - 102.1 koAchille Essé Daouda du Forum National sur la Dette et la Pauvreté (FNDP) de la Côte d’Ivoire (devant le PC ouvert)

III-3) C2D Camerounais

Au vu des montants en jeu et des différentes réalisations du C2D au Cameroun à ce jour, cette initiative contribue d’une certaine manière à la relance de l’économie du Cameroun. La trop grande implication de la France dans la gouvernance du C2D finit par annihiler cet apport appréciable |3|.

III-4) Élections et démocratie en Afrique

La vie humaine devient ainsi dérisoire et nos peuples subissent les crises économiques, le chômage, les guerres, et l’épuisement des ressources vient compléter les conséquences néfastes des politiques néolibérales appliquées en Afrique.

Élection est-elle démocratie et démocratie rime-t-elle avec développement ? Au regard de tout ce qui se passe et se trame en Afrique nous disons que ce n’est qu’une vue de l’esprit.
JPEG - 95.3 koJean Marc BIKOKO de la Plateforme d’Information et d’Action sur la Dette (PFIAD) au Cameroun ( à l’extrémité à gauche)

III-5) Comment s’organiser pour agir contre l’endettement

Les mouvements sociaux africains se doivent d’être conséquents puisque nos espaces de luttes commencent à être pollués et/ou même occupés par des organisations et des ONG, inféodées aux IFI/multinationales, qui se voilent sous l’appellation de société civile pour mieux violer la conscience des masses populaires.

La démarcation des mouvements sociaux engagés doit être sans ambiguïté pour éviter que le peuple ne soit pris en otage par cette société civile bourgeoise et complice des institutions financières internationales/régionales et des puissances néocoloniales.

C’est pourquoi, face à l’offensive à outrance des forces impérialistes capitalistes, les luttes des mouvements sociaux africains doivent aller dans le sens :
 De se remobiliser, à côté des peuples mais aussi s’allier aux autres organisations partageant les mêmes convictions et développer une grande solidarité ;
 De travailler pour l’élévation du niveau de conscience et d’organisation des populations pour construire des alternatives ;
 D’exiger l’abolition des dettes publiques sans conditions de la part des états capitaliste et des institutions financières internationales ;
 D’exiger la publication des contrats accords de concession et de dénoncer les conditions explicites et implicites dans ces accords et ces contrats signés par nos états africains avec les institutions financières internationales ;
 Tout en défendant les principes que sont l’anticapitalisme, l’anti-impérialisme, l’anti-productivisme écocide, de participer avec d’autres courants et forces démocratiques, à la consolidation et l’enrichissement de la dynamique altermondialiste, dans un esprit démocratique de respect de l’autonomie des mouvements sociaux et autres composantes de ce processus de construction d’une solidarité internationale émancipatrice pour tous/toutes et chacun-e-s.

Omar Aziki

Militant CADTM

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