Édition du 24 septembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

L’avenir d’Énergir, parlons-en !

Alors que la transition énergétique est aujourd’hui au cœur des débats, les acteurs du paysage gazier québécois cherchent à trouver leur place dans un avenir qui leur est incertain. Dans les entretiens récents accordés dans les médias, Éric Lachance, PDG d’Énergir, a présenté sa vision pour l’avenir de l’entreprise, à laquelle les groupes environnementaux souhaitent réagir.

Consciente que les volumes de gaz fossiles vendus par Énergir sont amenés à décroître et voyant que le gouvernement, les municipalités et la population s’interrogent activement sur la place du gaz dans l’avenir énergétique du Québec, l’entreprise souhaite tirer son épingle du jeu en mettant notamment en avant le gaz naturel renouvelable (GNR).

Or celui-ci est facturé sept fois plus cher que le gaz naturel fossile à une clientèle qui, encouragée par les campagnes de communication d’Énergir, en apparence trompeuses, en fait une consommation imaginaire. Ces campagnes ont d’ailleurs valu à Énergir une plainte déposée en mai 2023 à l’Office de la protection du consommateur du Québec (OPCQ ).

Surtout, il faut se rappeler que malgré une différence énorme de coûts, la clientèle « 100 % GNR » reçoit en fait le même gaz que le reste de la clientèle d’Énergir, soit 98% de gaz fossile et moins de 2 % de GNR. En juin dernier, Énergir avait d’ailleurs reconnu publiquement que ses communications pouvaient laisser croire à sa clientèle qu’elle recevait et consommait directement le GNR pour lequel elle paie. Huit mois après cette admission, Énergir continue pourtant de mentionner que la clientèle du programme GNR va consommer du GNR.

9 000 mégawatts

M. Lachance laisse également planer le doute sur la capacité d’Hydro-Québec à assumer les besoins énergétiques des bâtiments en cas d’abandon du gaz, et il affirme que la conversion des volumes de gaz distribués pour le secteur des bâtiments serait l’équivalent de 9 000 mégawatts ou six complexes la Romaine. À nos yeux, il s’agit là d’un épouvantail pour convaincre la population de sa dépendance absolue au gaz. Cela nécessite plutôt une attention particulière et un examen approfondi.

Premièrement, il serait plus rigoureux de distinguer la demande en puissance selon les différentes catégories d’utilisateurs (résidentiel, commercial, institutionnel et industriel) et d’usages, pour avoir un portrait juste de la situation. Les bâtiments résidentiels visés ne représentent globalement que 10 % des volumes de gaz distribués au Québec. Deuxièmement, il faudrait aussi tenir compte des meilleures technologies matures et disponibles pour accroître l’efficacité énergétique et gérer la pointe de demande électrique (accumulateurs thermiques, batteries, domotique, géothermie, réseaux thermiques urbains, etc.), ce qui réduirait considérablement l’impact de la conversion sur le réseau d’Hydro-Québec.

Enfin, personne ne propose de convertir du jour au lendemain la totalité du gaz utilisé dans les bâtiments. Compte tenu de la durée de vie des systèmes en place, cette électrification des systèmes s’échelonnera sur plusieurs années. M. Lachance devrait donc ranger son épouvantail de 9 000 mégawatts et ressortir sa calculatrice.

Réduction des volumes
Le PDG d’Énergir a aussi partagé la volonté de l’entreprise de réduire de manière importante les volumes de gaz distribués. Dans une entrevue, M. Lachance précise qu’Énergir vise d’ici 2050 « une diminution progressive des volumes [de gaz] d’environ 50 % ». Or, comment y croire alors qu’Énergir cherche du même souffle à empêcher aux municipalités d’interdire par réglementation les nouvelles connexions au gaz dans les nouvelles constructions ? Sans compter que cet objectif est loin d’être assez ambitieux considérant que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) demande que les pays riches soient carboneutres en 2045.

En outre, selon l’AIE - une organisation reconnue pour son conservatisme en matière de sortie des énergies fossiles -, pour réussir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faut interdire les nouvelles chaudières à combustibles fossiles – gaz y compris – ainsi que leur remplacement dans les bâtiments à l’échelle mondiale dès 2025.

Une transition aux frais des Québécois

Finalement, alors qu’on savait déjà qu’Énergir allait soutirer 403 millions de dollars d’Hydro-Québec pour la période 2022 à 2030, et 2,4 milliards $ d’ici 2050 dans le cadre d’une entente conclue en 2021 pour compenser la conversion d’une partie de sa clientèle actuelle à la biénergie électricité–gaz, le PDG d’Énergir admet qu’il en voudra davantage. En effet, il affirme qu’il faudra trouver un moyen de réduire l’écart entre le prix réel et le prix facturé à sa clientèle, et qu’il pourrait « peut-être avoir besoin d’un peu de plomberie gouvernementale pour que tout ça, ça marche ».

Cet argent public destiné à compenser la gazière serait beaucoup mieux utilisé en rendant accessibles les technologies d’efficacité énergétique et en soutenant une véritable transition énergétique compatible avec la carboneutralité.

La véritable lutte contre les changements climatiques exige des actions concrètes et des engagements clairs de la part des acteurs majeurs du secteur énergétique, sans recours à des faux-fuyants ou à des demi-vérités. Cela doit être clair : Énergir est le plus grand distributeur gazier du Québec et sa motivation est de générer du profit. Si ses paroles portent parfois à confusion, ses actions, elles, ne mentent pas.

Signataires

Emmanuel Cosgrove, Écohabitation

Anne-Céline Guyon, Nature Québec

Andréanne Brazeau, Équiterre

Bruno Detuncq, RVHQ - Regroupement vigilance hydrocarbures Québec

Myriam Thériault, Mères au front

Patricia Clermont, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)

Stéphanie Harnois, Fondation David Suzuki

Arnaud Theurillat-Cloutier, Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique (TJC)

Natalie Caine, Pour Nos Enfants Montréal

Jean-François Lefebvre, Imagine Lachine-Est

Jean Paradis, Fondation coule pas chez nous

Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus

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