Les Pays-Bas, la Belgique, la France ont été battus et occupés par l’armée allemande et la Grande-Bretagne a subi de durs bombardements aériens de la part de la Lutwaffe en 1940-1941. Les pays ayant enduré l’occupation allemande ont été l’objet d’abus criants et inédits jusque là en Europe, c’est vrai. Et ce, sans même mentionner le génocide des Juifs et des Juives. Cette expérience fut traumatisante pour toutes ces nations.
Mais il faut voir aussi que nous sommes en présence de puissances alors coloniales et (encore) capitalistes. On peut renvoyer à exemple à l’empire colonial néelandais (surtout l’Indonésie et la Guyane hollandaise), à la Belgique qui a exploité avec constance et dureté son gros Congo à l’empire français en Afrique du Nord et ailleurs sur le même continent et au Vietnam, sans oublier le Cambodge. Il faut aussi mentionner limposant empire britannique qui a pesé lourdement sur ce que nous appelons aujourd’hui le Tiers-Monde et sur l’Irlande durant des siècles.
Le racisme anti-noir et anti-asiatique se portait bien dans ces nations prédatrices. On n’a qu’à penser à l’album Tintin au Congo où les Africains et Africaines sont représentés sous des traits d’infra-humains.
Au fil des décennies, ce colonialisme a fait directement et indirectement de très nombreuses victimes parmi ces peuples jugés inférieurs par les classes politiques concernées et aussi, il faut l’admettre, par toute une partie de l’opinion publique de ces pays impérialistes.
Bref, quand l’Allemagne est passée à l’offensive au printemps 1940, elle ne s’en prenait pas à des puissances pacifiques et aussi démocratiques qu’on veut le faire croire maintenant, ce qui n’excuse nullement pour autant les nazis d’avoir déclenché le conflit.
Il n’est certes pas question de banaliser le nazisme, mais il faut aussi éviter de faire une fixation sur ce phénomène hideux. Les nazis ont atteint un sommet dans l’horreur, mais Pays-Bas, Belgique, France et Grande-Bretagne pour leur part possédaient déjà pas mal de cadavres dans leur placard.
Comme les États-Unis, entrés dans le conflit un peu plus tard, qui n’étaient pas non plus un modèle de retenue : pendant une bonne partie de son histoire, la République américaine a maintenu Noirs et Noires dans l’escalavage, puis dans une infériorité sociale flagrante (appelée "ségrégation raciale"), sans oublier l’écrasement des peuples amérindiens.
On répondra que le régime de Hitler a surpassé en horreur tous ces abus, un argument valable. Toutefois, entre atrocités nazies et abus (confinant parfois à l’atrocité) des puissances colonialistes, il existe moins une dichotomie qu’un continuum, moins accentué dans le second cas, mais très réel.
On peut mentionner pour finir les bombardements alliés aériens massifs sur l’Allemagne et le Japon, au cours desquels une multitude de civils innocents ont péri, avec pour point d’orgue les deux bombes atomiques larguées par Washington sur Hiroshima et Nagasaki. Les armes les plus dévastatrices du conflit ont été utilisées par le pays qui passe pour l’incarnation même de la démocratie moderne. Le gouvernement Truman a préféré sacrifier au total 200,000 civils japonais plutôt que 50,000 ou 100,000 soldats américains membres de la force qu’aurait nécessité l’invasion terrestre du Japon.
Jean-François Delisle
Un message, un commentaire ?