En 1930, l’économiste John Maynard Keynes écrivait, dans Perspectives économiques pour nos petits-enfants : « L’amour de l’argent comme objet de possession (…) sera reconnu pour ce qu’il est, une passion morbide plutôt répugnante, une de ces inclinations à moitié criminelles, à moitié pathologiques, dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes de maladies mentales ». En 2030, selon lui, l’espèce humaine devrait avoir réglé le « problème économique » et profiter de cette société de loisirs, où les personnes auraient enfin le temps de vivre, de réfléchir, de cultiver l’amitié, de goûter les arts…
En 2012, quand on pense aux perspectives pour nos petits-enfants, notamment à la lumière de l’actualité environnementale, on frissonne. Et quand on observe le prodigieux déni qui règne, on a le vertige et, malgré nous, ou si on veut combattre la neurasthénie ambiante,… on s’indigne. Je suis allée à quelques reprises au jardin Saint-Roch de Québec pour voir et entendre ces Indignés, et discuter avec eux. J’ai assisté à une intéressante conférence-midi donnée par le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Pour ma part, cette étrange place, je la trouvais belle, inspirante et contagieuse. Pleine de sens. Il fallait s’y frotter.
Les Indignés sont le symptôme d’un état de saturation que l’on sent de plus en plus ici et ailleurs. Une illustration encore floue et plutôt insolite que l’ordre des choses est profondément injuste et que des limites ont été atteintes. Ils dénoncent notamment l’appât du gain maladif et morbide du 1 % d’ultra riches et puissants qui tiennent les ficelles du pouvoir et ont accouché d’un monde qui, en plus d’être épouvantable, est d’un ennui mortel. Ces êtres, qui s’apparentent souvent à des psychopathes en cravate, ont la complicité, consciente ou inconsciente, d’un ordre politique pathétiquement subordonné au pouvoir économique. Dans ce système à l’envers, toujours selon Keynes, « les économistes sont au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière ».
Alors, bizarres, ces indignés ? Ce sont eux qui seraient bizarres ? Je pense plutôt qu’ils annoncent un point de bascule inévitable. D’autres manifestations de ce symptôme apparaissent. Ça ne fait que commencer. La grève étudiante en est une, en partie. Réduire l’éducation supérieure à sa valeur marchande ou à son rôle en matière de croissance économique et de création de la richesse, c’est vraiment pitoyable. Et c’est aussi de la provocation.
C’est pourquoi je suis très fière que Québec solidaire appuie non seulement la grève étudiante, mais défende aussi la gratuité scolaire. Au tour de la société de joindre le combat.
Marie-Josée Dufour
Membre de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau