Édition du 17 décembre 2024

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LGBT

Journée de lutte contre l’homophobie et la transphobie Les droits LGBT dans le monde et les enjeux actuels

Dans notre confort au Québec, au Canada (et dans quelques pays européens), on a souvent le réflexe d’oublier que, chaque jour, les agressions contre les personnes LGBTQ s’expriment, et ce, partout dans le monde. À l’approche de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai, et conjointement avec la Fondation Émergence qui a tenue à braquer les projecteurs de sa campagne 2018 sur cet angle, il nous a semblé nécessaire de consacrer un dossier à la réalité que l’homosexualité est encore illégale dans 72 pays.

tiré de : Les droits LGBT dans le monde et les enjeux actuels De Infolettre de Fugues

Lutter contre l’homophobie

L’homophobie et la transphobie sont encore bien vivantes comme l’actualité internationale se charge régulièrement de nous le montrer. Pour atteindre l’égalité, il y a encore beaucoup de travail à faire, y compris de la part des États, dont certains sont encore très réticents à reconnaître les mêmes droits aux LGBT.

L’homophobie en déclin ?

Il est indéniable que bien des progrès ont été accomplis au cours des dernières décennies. Doucement mais sûrement, le nombre de lois qui cri-minalisent nos pratiques sexuelles décroît. Bien qu’elle ne soit pas toujours socialement bien perçue, l’homosexualité n’est aujourd’hui plus illégale dans la majorité des États du monde. Et un nombre important d’entre eux ont également adopté des lois interdisant différentes sortes de discrimination. C’est une progression lente et fragile comme le démontre les rapports sur l’homophobie d’État, produit par l’Association internationale des lesbiennes, gais, bisexuels, trans et intersexes (ILGA).

Au niveau global, des efforts croissants ont été entrepris à l’ONU pour prendre en compte cette problématique. À commencer par la création, en juillet, 2016 du poste d’expert indépendant chargé de la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Belize et les Seychelles ont décidé en 2016 d’abroger leur loi criminalisant les actes sexuels entre personnes de même sexe adultes et consentantes, ramenant ainsi à 72 le nombre de pays qui criminalisent encore l’homosexualité dans le monde. Autre avancée, une reconnaissance croissante des unions, avec l’adoption de nouvelles lois dans ce sens en Slovénie, en Finlande et en Australie, qui porte à 24 le nombre de pays qui reconnaissent les mariages homosexuels et à 29 le nombre de ceux qui offrent un statut protecteur à ces unions. En tout, ce sont 124 pays qui n’ont aucune législation antigaie et 63 qui disposent d’une législation spécifique anti-discriminations.

L’Amérique latine est la partie du monde qui a le plus avancée au cours des deux dernières année avec l’adoption par l’Organisation des États américains d’une résolution prenant en compte le respect des orientations sexuelles et quelques jugements en faveur des droits des homosexuels rendus par la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

États-Unis : Hausse des crimes haineux

Selon un rapport de la Coalition nationale des programmes anti-violence (NCAVP), les crimes de haine envers les LGBT sont en augmentation aux États-Unis. La politique de Trump est-elle responsable ? Difficile à établir une relation de cause à effet, bien que plusieurs observateurs des droits humains en soient convaincus. En l’absence de données officielles, la coalition s’est attelée à la difficile tâche de collecter et de croiser les données issues des médias, celles communiquées par les proches des victimes et celles comptabilisées par les associations à travers le pays. Seuls les meurtres répertoriés comme crime de haine, c’est-à-dire où la victime était ciblée en raison de son genre ou de son orientation sexuelle, ont été retenus. Cela ne signifie cependant pas que ces crimes ont été officiellement classés comme tels par les autorités.

Le NCAVP a décidé de voir plus large pour une raison simple : les lois sont différentes en fonction des États et ne tiennent pas toujours compte de tous les motifs de haine, Movement advancement project. Le décompte macabre communiqué par la Coalition nationale de programmes anti-violence (NCAVP) est le suivant : en 2017, au moins 61 meurtres motivés par la haine ont été commis contre des personnes LGBT aux États-Unis. Une hausse dont la politique transphobe de Donald Trump pourrait, en partie, être responsable. Selon ce rapport, en 2016, 28 personnes LGBT avaient été assassinées (sans tenir compte des 49 personnes tuées lors de l’attentat d’Orlando, un événement exceptionnel). Ainsi, alors qu’en 2016, 1 meurtre était commis tous les 13 jours, ce ratio est monté à 1 meurtre tous les 6 jours en 2017.

Reconnaissance et protection, deux enjeux différents

Bien que les lois reconnaissant nos couples et nos familles augmentent, moins de 25% des États du monde nous reconnaissent et nous protègent… Voilà qui donne à réfléchir. L’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud sont les continents les plus répressifs. Parmi les 14 États dont la législation punit l’homosexualité par la peine capitale, deux sont en Afrique – Mauritanie et Soudan –, les autres étant regroupés dans un arc allant du Pakistan à l’Arabie saoudite. Dans d’autres pays africains et d’Asie, il faut s’attendre à de lourdes peines de prison, voire à de la prison à vie.

Comment l’expliquer ? C’est surtout le colonialisme britannique qui a imposé des lois de l’ère victorienne contre la sodomie. Ce sont ces lois, qui sont toujours en vigueur dans des pays d’Afrique anglophones, en Inde et ailleurs, qui criminalisent l’homosexualité ou, du moins, l’homosexualité masculine. Pourtant, cette criminalisation implique un oubli complet de leur propre histoire, dans la mesure où, souvent, les minorités sexuelles étaient bien acceptées dans la société avant l’arrivée des colonisateurs et des missionnaires qui y ont importé leurs valeurs et leurs religions.

En Afrique, la situation est paradoxale. C’est la visibilité croissante des communautés homosexuelles qui a entraîné une augmentation des persécutions et de la répression d’État. C’est aussi le cas au Moyen-Orient, où « malgré un environnement hostile, beaucoup d’États adoptent une attitude relativement détendue, quand les individus ne sont pas trop “expressifs” et res-pectent les codes régissant les comportements dans les espaces publics », note l’étude de l’ILGA. Au-delà de la criminalisation officielle, ce rapport pointe une augmentation des violences. C’est le cas par exemple en Asie du Sud, où « une résurgence d’un conservatisme d’extrême droite et de l’extrémisme religieux a conduit à une augmentation des actes de violence contre des personnes LGBT ».

L’orientation sexuelle dans le monde : Un désir d’affirmation

Une plus grande répression correspond aussi à un désir de s’affirmer face à l’Occident. C’est le cas, notamment, du groupe armé État islamique, en Syrie et en Irak, qui exécute les homosexuels pour mieux clamer sa haine des autres civilisations, mais aussi en Russie, où la communauté gaie a vécu d’importants reculs au cours des dernières années, notamment avec l’adoption de la loi interdisant de faire la propagande de l’homosexualité, en 2013. Cela s’explique par la volonté affichée par le président russe, Vladimir Poutine, d’affirmer la supériorité de la puissance russe. On décrit les mœurs des Européens et l’homosexualité comme une importation européenne. L’homosexuel devient un symbole associé à l’Europe de l’Ouest ou à l’Occident. C’est également le cas dans d’autres pays de l’ancien espace soviétique. En Europe, ce sont justement les pays de l’Est qui sont le plus réticents à reconnaître des droits aux homosexuels. L’homosexualité est instrumentalisée. Elle devient un enjeu politique.

En Afrique, c’est un peu la même raison qui pousse les autorités à encourager la répression de l’homosexualité, pour se démarquer en rejetant la démo-cratie à l’occidentale, y compris les droits qui vont avec, comme ceux des LGBT. Le cas extrême est celui du Zimbabwe. C’est un pays où l’on en fait une question de fierté nationaliste avec un discours qui dit : « Nous, on n’est pas comme les Occidentaux, qui sont décadents et qui ont des politiciens et des ministres qui peuvent être gais. Chez nous, ce n’est pas normal, ce n’est pas Africain ». Mais tout cela contredit l’histoire de ce pays, des personnes transgenres font partie de l’histoire de toutes les nations du monde, y compris bon nombre de nations africaines.

Des améliorations notables

À l’autre extrémité du spectre, les pays d’Amérique latine sont ceux où l’on a vu le plus d’améliorations pour les minorités sexuelles au cours des dernières années. Dans la plupart des pays de la région, les couples de même sexe bénéficient au moins d’une certaine forme de reconnaissance. On a vu un changement culturel fondamental en une génération. Et ce changement semble être en lien avec la démocratisation du continent au cours des dernières décennies, et le désir d’aller plus loin dans la reconnaissance des droits. Ce sont des pays qui ont connu beaucoup de violations des droits de la personne et ils souhaitaient prendre une distance avec leur passé autoritaire. Les pays anglophones des Caraïbes représentent une exception à cette tendance. Onze anciennes colonies britanniques criminalisent encore l’homosexualité. Cependant, ce n’est pas parce que les droits sont reconnus sur papier qu’ils le sont également dans la pratique. C’est le cas en Amérique latine (notamment au Brésil), où l’on enregistre un des taux les plus élevés de violence contre les personnes LGBT, tout comme en Afrique du Sud.

Cela dit, l’Afrique du Sud est le seul pays du continent à permettre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe et la Constitution leur offre des garanties de non-discrimination. Des avancées qui sont un résultat direct de la lutte contre l’apartheid. On a fait des liens entre race, ethnicité, genre et orientation sexuelle. On a compris que s’il était inacceptable de discriminer sur la base de la race, il s’ensuivait qu’il était également inacceptable de discriminer d’autres catégories sociales. Dans les faits, il y a pourtant des niveaux très élevés de violence contre les personnes LGBT en Afrique du Sud, notamment des « viols correctifs » contre des lesbiennes.

En fait, la loi devrait être vue comme la première étape de la lutte pour la reconnaissance des droits et non comme la dernière. C’est très important — voire essentiel — d’avoir la protection légale et même constitutionnelle, mais tant qu’il y aura de la violence et de la discrimination contre les personnes LGBT, tant que les adolescents se feront intimider dans les écoles, tant que les gens sentiront un besoin de cacher leur orientation sexuelle, il y aura encore un travail à faire.

Réélection de Poutique : Quelles conséquences pour les LGBT russes ?

Président et chef de l’État – Tsar de toutes les Russies – depuis 20 ans et réélu avec 77% des voix pour un quatrième mandat, Vladimir Poutine n’a eu de cesse, en particulier depuis 2013, de mettre à mal les droits des personnes LGBT. Quel état des lieux en 2018 ? Que pouvons-nous craindre des prochaines années placées sous le signe du machisme et du patriarcat ?
Une loi interdisant « la propagande des relations non-traditionnelles devant mineurs » (astucieux choix de mots pour désigner une loi visant à réduire au silence une couche toute entière de la population), un pouvoir complètement sourd aux violences subies par les homosexuels (notamment sous l’impulsion du machiavélique Maksim Martsinkevitch, leader d’un mouvement néo-nazi ultra homophobe) et même un génocide en cours dans l’une des régions les plus islamisées du Pays. Sans compter les multiples sorties machos et surtout homophobes du maître suprême du Kremlin et de ses alliés à la Douma.

L’on pourrait sans crainte penser que la Russie est arrivée au summum de l’horreur et pourtant, il n’en n’est rien. Car si depuis 2013, les LGBT russes n’ont pas été gâtés, Vladimir Poutine ne s’était alors pas fait élire sur un programme particulièrement homophobe (c’est un comble), la question homosexuelle étant totalement occultée contrairement à cette dernière campagne où le candidat-président a particulièrement visés les homosexuels pour arriver à ses fins en ratissant large (l’homophobie étant visiblement un facteur de rassemblement chez les russes).

Concrètement, il est difficile de prévoir ce que le dictateur ambitionne pour le pays qui n’a jamais connue la démocratie. Cependant, à la lumière des chiffres publiés en janvier dernier par levada.ru, l’homosexualité serait considérée comme répréhensible par prêt de 92% des russes. Vladimir Poutine étant un président que nous pouvons aisément considérer comme populiste, une re-pénalisation (ce serait un cas unique depuis la chute de l’URSS) n’est pas à exclure et les militants, constamment harcelés par les forces de l’ordre et le gouvernement, sont sur les dents pour anticiper ce qui serait l’une des plus vastes et des plus dramatiques régressions des droits LGBT dans le monde. Nous ne pouvons que souhaiter bonne chance aux activistes à qui il faudra énormément de courage pour lutter contre l’homophobie là où tout semble déjà perdu. N’oublions pas que la communauté LGBT revient de loin et qu’elle ne saurait à nouveau sombrer dans l’oubli.

Yves Lafontaine

Rédacteur en chef et directeur de Fugues.

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