Édition du 19 novembre 2024

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La précarité a maintenant son application

Une nouvelle application a fait son apparition récemment et a fait parler d’elle. Cette application est qualifiée par la journaliste du penchant anglophone de Radio-Canada de « Airbnb du travail salarié ». En d’autres termes, on pourrait parler d’I-précarité. Qui dit nouvelles technologies ne veut pas toujours dire bonne ou même nouvelle idée.

Les créateurs de l’application la décrivent comme un portail permettant à ses utilisateurs (clairement, on cible ici les milléniaux) de se trouver un « Side Hustle », ou ce qu’on appellerait au Québec : une jobine. Ils prétendent que cette demande vient des travailleuses et travailleurs qui chercheraient de la « flexibilité » dans leur travail.

Dans les faits, ce sont les employeurs des secteurs d’emploi requérant peu ou pas de qualification spécialisée qui sont à la recherche de travailleuses et travailleurs jetables pour optimiser leurs dépenses en ressources humaines en minimisant leurs obligations sociales.

Là où les employeurs voudraient avoir accès à une « main-d’œuvre flexible » qui répond à leurs besoins ponctuels, je vois plutôt des organisations qui désirent avoir des « ressources humaines » en location, comme des objets dont on peut disposer lorsqu’on n’en a plus besoin !

Agences de placement 2.0

Est-ce que le mieux que l’on puisse faire comme société en 2018 pour dynamiser le marché de l’emploi ? Ces agences de placement 2.0 que sont les Uber, Lyft, TaskRabbit et maintenant Hyr ne sont que de nouvelles facettes d’exploitation des travailleuses et travailleurs qui capitalisent sur la précarisation d’une main-d’œuvre qu’ils rendent d’ailleurs captive, justement parce qu’elle est précaire.

Restreinte pour le moment au secteur de la restauration, les créateurs de Hyr souhaitent l’étendre au monde du commerce de détail et plus encore !

L’application prend de 19 à 30 % du salaire des travailleuses et travailleurs qu’elle « met en contact » avec des employeurs. L’application permet également à ses utilisateurs d’accumuler des points qu’ils pourront échanger contre des « journées de congé », ou même une couverture d’assurance !

Imagination législative recherchée

Je ne peux m’empêcher de voir là une occasion supplémentaire de réitérer que les mesures d’encadrement prévues pour les agences de placement ne sont pas adaptées à la réalité de 2018 et qu’elles doivent aller plus loin. Les créateurs d’application comme Hyr et les employeurs qui les utilisent ne cherchent pas seulement à trouver une main-d’œuvre jetable, mais aussi à se prémunir de leur obligation de contribuer au filet de sécurité sociale.

Le monde du travail évolue extrêmement rapidement, beaucoup plus vite que les lois censées l’encadrer. À l’imagination débordante de certaines firmes quand vient le temps de trouver de nouvelles manières d’exploiter les travailleuses et travailleurs, il faut absolument que nos gouvernements fassent preuve, eux aussi, d’imagination législative et de vision pour l’avenir.

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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