Édition du 12 novembre 2024

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États-Unis

Joe Biden n’a fait que nous exposer comment il entend faire campagne pour sa réélection

(Son discours sur) l’état de l’Union a été très clair : il se représentera en 2024 et il pense que le chemin de la victoire passe par les cols bleus américains.

John Nichols, The Nation, 8 février 2023
Traduction, Alexandra Cyr

Il n’était pas nécessaire d’entendre le troisième discours du Président Biden sur l’état de l’Union pour son comprendre son message ; le 46ième président est complètement engagé dans la course pour son second mandat. Avant même ce discours, son équipe avait révélé sa sortie au Laborers Apprentice and Training Center dans le comté de Dane riche en votes, au Wisconsin. Parmi tous les autres endroits qu’il aurait pu choisir, le Président s’est dirigé vers celui au cœur des terres démocrates dans l’État où la contestation est la plus vive depuis des années dans le pays.

Même s’il n’a pas annoncé formellement sa candidature pour 2024 c’est clair qu’il y va. Mais il est loin de la victoire. Son défi, de mardi soir à Washington à mercredi au Wisconsin et tous les jours d’ici là, est immense. Il doit atteindre les électeurs.trices inquiets.es, spécialement sur les enjeux économiques qui sont souvent déterminants pour les résultats d’une élection. Il doit les convaincre qu’il a toute l’énergie à son âge, 80 ans, pour tenir le coup jusqu’à 86. Mais, est-ce qu’il a le message à la hauteur voulue pour convaincre les 75% des américains.es qui pensent que son administration n’est pas sur le bon chemin et arriver à dépasser les seuls.es 37% de démocrates qui sont d’accord avec sa candidature, selon un sondage de l’Associated Press ?

Il a tenté de répondre à cette question dans le discours sur l’état de l’Union. Il a affiché une assurance continue même s’il n’a pas toujours soulevé l’enthousiasme. Joe Biden réussit autant que ce à quoi on peut s’attendre, en temps de gouvernement divisé. Bien sûr, cet appel était soutenu par l’idée que de maintenir J. Biden à la Présidence est le moyen de se prémunir contre le chaos et les calamités qui arriveraient avec une victoire de D. Trump ou même d’un.e rival.e du même genre, comme le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis.

C’est un message qui met en lumière un élément rarement soulevé à propos de ces deux dernières figures politiques : la réalité. Le chômage est au niveau le plus bas depuis 1969. La récession qui se pointait à l’horizon pourrait être évitée. Et les programmes d’infrastructures, de compétition et de technologies que le Président et les Démocrates ont fait adopter au Congrès en 2021-22 commencent à donner des résultats. Donc, le tableau économique est encourageant et il devrait encore s’améliorer.

Malheureusement pour J. Bien, les Américains.es ne le sentent pas. Que ce soit juste ou non tel n’est pas le sujet. Le Président est bien au fait de ce problème et il doit s’y attaquer. Il est suffisamment expérimenté pour savoir qu’aucun discours, même pas celui qu’un Président en exercice peut livrer du haut de la plus haute chaire, ne peut changer le cours des choses.

Mardi, il a fait un effort pour souligner ses succès. Il a soutenu que le pays avait fait de très grands pas : « Il y a deux ans, l’économie était chancelante. Je suis ici ce soir, devant vous, après que nous ayons créé, avec l’aide de beaucoup de personnes dans cette salle, 12 millions d’emplois nouveaux. C’est plus d’emplois créés en deux ans qu’aucun de Président ne l’a jamais fait en quatre ans. Et c’est à cause de vous et du peuple américain. Il y a deux ans, le Covid-19 avait provoqué des fermetures dans l’économie : nos entreprises étaient fermées de même que nos écoles lourdement affectées par cette situation. Maintenant, cette maladie ne contrôle plus nos vies. Il y a deux ans, notre démocratie déclinait, faisait face à sa pire menace depuis la guerre civile. Mais, maintenant, après les coups, elle demeure invaincue et fonctionne toujours ».

Le problème, c’est que, dire à la population qu’elle ne connait pas sa chance, a rarement mené à la victoire. Demandez-le à Jimmy Carter et George H. W. Bush pour qui les électeurs-trices peu convaincus.es se sont montrés.es sans pardon. J. Biden qui était sénateur au temps de ces deux Présidents, est bien au courant de cela. C’est pourquoi, mardi, il a démontré une énergie populiste raisonnable et avec des applaudissements adroitement distribués, il a pu faire valoir son attachement aux luttes pour maintenir les salaires, sauver la planète, préserver la démocratie, défendre les droits reproductifs, s’occuper de la violence par armes à feu, de la réforme policière et pour la baisse du coût des médicaments. Il a utilisé la formule « finir le travail » au moins une douzaine de fois. Tout ce que peut contenir un discours électoral.

Le point d’orgue est survenu lorsqu’il a déclaré : « Au lieu de demander aux riches de payer leur juste part … des Républicains.es veulent mener Medicare et Social Security à leur fin ». Cela a provoqué des huées et des cris de « Menteur » ! ont surgit chez les représentants.es républicains.es. M. Biden a souri démontrant ses habiletés développées au cours de ses 36 de sénateur. Et il a demandé : « Donc, messieurs-dames, comme il semble que nous soyons tous et toutes d’accord, pas question de toucher à Medicare et Social Security en ce moment ? Bien. Nous avons l’unanimité » !
Bien joué !

C’est sur ce terrain qu’il veut mener la charge. Il a insisté encore et encore, sur les thèmes économiques de pain et de beurre. De toute évidence, il prévoit d’en faire les points centraux de sa course à la réélection.

Il est déterminé à refaire les liens avec les électeurs.trices des États pivots que sont le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie où D. Trump a battu H. Clinton en 2016 parce que les cols bleus y ont été poussés hors du Parti démocrate. Mardi soir, J. Biden à soutenu : « Mesdames et messieurs, mon plan économique est d’investir dans les endroits où les gens ont été oubliés. Vous êtes nombreux.euses à m’entendre ce soir, je sais comment vous vous sentez. Vous avez la forte impression qu’on vous a oubliés.es. Au cours de la poussée économique des quatre dernières décennies, trop de personnes ont été laissées de côté et rendue invisibles. Peut-être est-ce vous qui me regardez depuis chez-vous ? C’est pourquoi nous bâtissons une économie qui ne laissera personne derrière ….c’est un plan de reconstruction des États-Unis avec les cols bleus pour faire une réelle différence dans leurs vies personnelles ».

C’est ce genre d’appel politique finement ciselé que les politiciens d’expérience introduisent dans leurs Discours sur l’état de l’Union. Et J. Biden l’a fait avec grande habileté. Mais il va falloir plus que des réassurances tranquilles d’adoucir les angles du capitalisme pour générer l’enthousiasme. Surtout dans le jeune électorat. Les sondages le donnent juste un peu en avance sur D. Trump. Le dernier, du Washington Post et ABC News, met D. Trump en avance de trois points, un score dans la marge d’erreur, mais encore en avance. L’ancien secrétaire au logement et au développement urbain, Julian Castro a commenté sur Tweeter : « Il y a un consensus général à l’effet que les Démocrates sont heureux de penser à une reprise du match Biden-Trump. Mais les sondages affaiblissent l’argument central de J. Biden pour sa réélection. Deux ans c’est beaucoup et il ne s’agit que d’un sondage mais s’il saisit les électeurs.trices correctement après deux ans de gains, ça devrait nous inquiéter ».

J. Castro voit juste. Et même si J. Biden ne l’admettra peut-être jamais publiquement il est bien au fait de la dynamique politique. C’est pourquoi il a structuré son discours sur l’état de l’Union comme le début de son argumentation pour sa réélection ; il sait que ça ne sera pas facile. C’est ce qui explique aussi pourquoi il se trouvait dans un avion quelques heures seulement après ce discours, vers un État qu’il ne peut se permettre de perdre.

Il va se représenter. C’est sans aucun doute. Mais il est loin de la ligne d’arrivée. Bien sûr, les données économiques sont encourageantes mais malgré les succès exposés dans son discours, il sait qu’il a du travail à faire pour convaincre les Démocrates qu’il est le meilleur candidat. Et, si comme on s’y attend, il devient le candidat, il aura encore plus de travail à faire pour convaincre sa base démocratique et ses alliés.es indépendants.es de voter pour lui en novembre 2024.

Peut-être que les plus partisans.es des Démocrates ne veulent pas prendre ces réalités en compte mais, J.Biden, à en juger par le ton de son discours et l’orientation qu’il a donnée par la suite, nous dit clairement qu’il le fait.

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