Vendredi 9 mars, l’armée israélienne exécute dans un raid aérien Zuhair al-Qaisi, secrétaire général des Comités de résistance populaire, et son escorte militaire Mahmoud Al-Hannani. Les Comités, qui regroupent notamment des militants issus des branches armées des diverses factions palestiniennes, ripostent quelques heures plus tard en tirant plusieurs dizaines de roquettes. L’armée israélienne procède alors à des bombardements sur la Bande de Gaza, qui tuent en quelques jours 25 personnes et en blessent plusieurs dizaines d’autres. Un scénario bien rôdé.
Les « analystes » ont rapidement ressorti de leurs cartons les expressions toutes faites, et vides de sens, du type « cycle de la violence » ou « escalade meurtrière ». Ces formules passe-partout avaient tout juste eu le temps de prendre la poussière depuis qu’elles avaient été utilisées lors de la dernière campagne israélienne de bombardements sur Gaza en août dernier (quatorze morts, dont deux enfants). En parfaite harmonie avec ce mauvais concert, le « quartette pour le Proche-Orient » (États-Unis, Russie, UE, ONU) exprimait de son côté sa « grave inquiétude à propos de l’escalade récente » et lançait un « appel au calme ».
108 Palestiniens tués en 2011
Mais de quoi parle-t-on exactement ? D’un double assassinat, perpétré hors de toute légalité internationale, qui vient s’ajouter à la longue liste des exécutions extra-judiciaires organisées par Israël. Et qui ne pouvait manquer de susciter une réaction chez les Palestiniens de Gaza.
Aurait-on en effet déjà oublié les conditions dans lesquelles vivent les Gazaouis ? Malgré le (très) relatif desserrement du blocus côté égyptien, l’immense majorité des habitantEs de Gaza vit dans des conditions déplorables. Plus de la moitié de la population active est au chômage, plus des deux tiers des Gazaouis vivent sous le seuil de pauvreté, et près des trois quarts sont dépendants de l’aide alimentaire internationale. Depuis plusieurs semaines, la seule centrale électrique de la Bande tourne au ralenti, faute de carburant, et les coupures de courant durent entre 16 et 18 heures par jour, tandis que les ressources en eau potable s’amenuisent.
Dans de telles circonstances, l’assassinat d’un dirigeant de la résistance armée ne pouvait être sans conséquence. Quoi que l’on pense de l’efficacité des roquettes, on peut comprendre que les Comités de résistance populaire n’allaient pas rester sans réagir. C’était d’ailleurs, selon plusieurs journaux israéliens, le pari des autorités, qui estimaient avant l’exécution qu’elle entraînerait le tir d’une centaines de roquettes dans les 24 heures. Fallacieux prétexte, côté israélien, pour multiplier les exécutions et, côté international, pour tirer un trait d’égalité entre « violences » palestiniennes et « violences » israéliennes.
Est-il besoin de souligner l’inanité de cette équivalence, qui assimile des tirs venus de groupes armés depuis une zone assiégée et des bombardements perpétrés par l’armée régulière d’un État colonial ? Est-il besoin de rappeler en outre que les tirs de roquettes ont tué trois personnes côté israélien depuis le 1er janvier 2009, tandis que les bombardements réguliers sur Gaza ont fait 108 morts pour la seule année 2011 ? N’oublions pas, enfin, que « la » violence n’a jamais cessé pour les Gazaouis, et ne cessera pas tant qu’ils ne seront pas libres, hors de la menace de l’armée israélienne, et que l’ensemble de leurs droits, y compris le droit au retour des réfugiés, ne seront pas satisfaits.
Israël prépare l’attaque de l’Iran
Derrière les faux prétextes se cache en réalité un tout autre dessein côté israélien. Il s’agit tout d’abord de pousser le Hamas à la « faute », alors qu’il acquiert une légitimité de plus en plus grande au niveau international (« réconciliation » avec le Fatah, tournée des dirigeants du Hamas dans les pays arabes, etc.). Mais le Hamas n’a pas riposté militairement. Il s’agit également de poursuivre la campagne visant à légitimer de futurs bombardements sur l’Iran, en démontrant qu’Israël est « en danger », quitte à tricher avec la réalité et à sacrifier la vie de plusieurs dizaines d’êtres humains pour les besoins de la démonstration. Un cynisme et une morgue qui, s’ils ne sont guère surprenants, n’en sont pas pour autant moins inquiétants.
Julien Salingue
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 140 (15/03/12).