Édition du 12 novembre 2024

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Europe

Irlande - Explosion de la dette et du déficit

"Le peuple irlandais a le droit d’être en colère contre les banquiers qui ont prêté sans relâche sur une période de temps considérable", s’est énervé le ministre des finances.

Le spectre de la crise de la dette menace à nouveau la zone euro. Peu avant l’annonce de la dégradation de la note de l’Espagne et alors que les craintes augmentent concernant l’économie portugaise, l’Irlande a fait état, jeudi 30 septembre, de prévisions exorbitantes de sa dette et de son déficit public pour l’année 2010.

La première, qui était à 64,8 % du produit intérieur brut (PIB) à la fin 2009, devrait ainsi s’élever à 100 % du PIB à la fin décembre. Le second doit monter à 32 % du PIB, alors que ce déficit était prévu il y a quelques mois à "seulement" 11,6 %. Le ministre des finances Brian Lenihan a toutefois maintenu son engagement à ramener le déficit sous 3 % du PIB en 2014.

"Le droit d’être en colère contre les banquiers"

"Il va y avoir un bond très important du déficit public en raison du soutien que nous apportons au système bancaire, qui totalisera près de 20 % du PIB", a expliqué Brian Lenihan dans un communiqué. Il a souligné que l’Etat, disposant de réserves de liquidités suffisantes, n’aurait pas besoin d’emprunter des fonds supplémentaires pour combler ces dépenses.

Mais le sauvetage de l’Anglo Irish Bank continue par ailleurs à creuser son trou dans les finances publiques. Les autorités irlandaises ont annoncé jeudi que le plan de sauvegarde de l’établissement bancaire devrait coûter au minimum 29,3 milliards d’euros, et 34,3 milliards dans le pire des cas.

L’Anglo Irish Bank, qui a annoncé fin août une perte semestrielle record de 8,2 milliards d’euros, fait partie des pires nauffrages du secteur. Les banques irlandaises ont en effet accumulé les pertes à cause de créances pourries engagées avant la crise financière, destinées à financer des chantiers immobiliers.

La banque centrale a annoncé qu’un autre établissement bancaire irlandais, l’AIB (Allied Irish Banks), qui devait déjà augmenter ses fonds propres de 7,4 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, devrait lever 3 milliards supplémentaires. L’Etat s’était auparavant dit prêt à participer à cette recapitalisation. La banque mutualiste INBS recevra enfin une rallonge de 2,7 milliards d’euros dans les mois à venir, pour les mêmes raisons.

"Le peuple irlandais a le droit d’être en colère contre les banquiers qui ont prêté sans relâche sur une période de temps considérable", s’est énervé le ministre des finances. "Les chiffres sont horribles, mais nous pourrons les gérer sur une période de dix ans", a-t-il néanmoins ajouté.

"Consolider les finances publiques"

La nouvelle relance néanmoins les craintes sur l’économie irlandaise, dont le PIB a chuté de manière inattendue au deuxième trimestre, même si le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, s’est montré rassurant. "Nous pensons que le gouvernement irlandais pourra résoudre son problème sans avoir recours au fonds de sauvetage" européen, créé au printemps pour venir en aide si besoin à des pays en grande difficulté budgétaire.

Le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, a de son côté souligné qu’il était "essentiel que le gouvernement irlandais présente rapidement un programme budgétaire pluriannuel pour les quatre prochaines années, afin de consolider les finances publiques". Des déclarations qui font écho à son appel à "maintenir son approche rigoureuse en ce qui concerne ses finances publiques" lancé début septembre.

Depusi 2008 et le début de la crise financière, le "Tigre celtique" ne parvient pas à sortir d’une récession plombante, malgré un plan de rigueur très précoce comparé aux autres mesures des pays de l’Union européenne.

Mise à jour du 4 octobre 2010

Les Irlandais ont les nerfs à vif, ces jours-ci. Pour saluer la rentrée des députés, mercredi 29 septembre, un homme au volant d’une bétonnière a enfoncé la grille d’entrée du Dail, le parlement irlandais. Sur son camion, une inscription en lettres capitales : "Anglo Toxic Bank". C’est peu dire que l’interminable naufrage de la banque Anglo Irish nourrit toutes les conversations à Dublin, dans la rue, les pubs, ou les couloirs des administrations.

Après des semaines de spéculation alimentée par une communication calamiteuse, le gouvernement irlandais a dévoilé jeudi le coût final du sauvetage de l’établissement, nationalisé en 2009 et toujours gorgé de créances douteuses. Après avoir déjà déboursé près de 25 milliards d’euros, l’Etat devrait injecter entre 4 et 9 milliards d’euros supplémentaires.

En additionnant les besoins d’autres banques, telle Allied Irish Banks, autre "mouton noir" du secteur, la facture pourrait atteindre près de 50milliards d’euros.

Résultat, le déficit public va s’envoler à 32 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, contre 14,3 % en 2009, et la dette grimpera à 99% du PIB (64% en 2009). Pour le gouvernement, cette "opération vérité" a un objectif clair : montrer qu’il a la situation en main et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, rassurer des marchés de plus en plus inquiets sur la solvabilité à long terme du pays.

Rien dans ces annonces fracassantes n’est toutefois de nature à consoler des Irlandais ayant déjà fait les frais de trois plans d’austérité en deux ans. "Anglo Irish est un puits sans fond que nous renflouons avec nos impôts", dénonce Yvonne O’Callaghan, venue participer mercredi à un défilé de protestation devant le siège de la banque. "Cet argent, c’est à la défense de nos emplois qu’il devrait être consacré. Mais l’Etat ne pense qu’à couper dans les dépenses", lance la jeune femme, autrefois employée dans les services à la personne, au chômage depuis quinze mois.

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