Édition du 19 novembre 2024

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Économie

G20 : Le déni de réalité

Prétentions et vérité des actions

Fallait-il attendre quelque chose de la réunion du G20 ? Sachant que les gouvernements des pays les plus riches et les plus puissants du monde avaient une responsabilité écrasante dans la dérive du système économique et financier international pour avoir mené des politiques dont les maîtres mots étaient « tout pour la rentabilité financière » et « tout par le marché », il ne fallait pas se faire d’illusion.

Mais la réalité dépasse ce que nous pouvions imaginer. Le G20 ne met en place aucun frein à la circulation des capitaux ; au contraire, il encourage la liberté des marchés et continue de prôner un libre-échange des marchandises dont l’extension démesurée a fragilisé les économies les moins performantes et détruit des pans entiers de leurs activités. Dans un cadre aussi libéralisé, il ne sera pas possible d’instaurer une taxation des transactions financières, qui serait pourtant une nécessité, d’une part pour freiner fortement la spéculation, et d’autre part pour réunir des ressources indispensables à la résolution des problèmes les plus urgents.

Parfaitement cohérent avec lui-même, mais dans l’indifférence totale des aspirations des citoyens, le G20 n’envisage pas d’interdire véritablement les paradis fiscaux et judiciaires, puisque les principaux d’entre eux, à commencer par la City de Londres, poursuivront leurs pratiques. Entourés de multiples zones de non-droit qu’ils tolèrent, voire favorisent, les principaux pays du G20 ont échoué au test qui leur était proposé : établir et publier ce jour même la liste exhaustive des « pays non coopératifs », en n’en omettant aucun, surtout quand ils constituent le cœur même de la finance mondiale.

Or l’OCDE a rendu publiques, à la demande du G20, trois listes de pays, assorties de trois couleurs de fumée : blanche, grise (avec deux nuances de gris), noire. Blanche comme la virginité, la vertu. Grise comme le temps maussade. Noire comme le drapeau des pirates. Il y a plusieurs bizarreries dans cet inventaire. La liste blanche est censée nommer les « États ou territoires qui ont mis en œuvre des standards internationaux en signant au moins 12 accords conformes à ces standards ». Or, d’une part, le Royaume-Uni, avec sa City, est désigné comme vertueux. D’autre part, nombre de pays parmi les vertueux, la France en tête, sont ceux qui laissent proliférer à leurs portes les paradis fiscaux. Enfin, comble de l’hypocrisie, les îles de Guernesey et de Jersey sont citées comme pays blancs comme neige.
Alors que le système monétaire international dans lequel le dollar impose sa loi a failli, le G20 décide de conforter le Fonds monétaire international auquel on doit, avec sa sœur jumelle la Banque mondiale, d’avoir conduit dans l’impasse la plupart des pays du Sud, dont celle de la dette est la plus voyante.
Les velléités de régulation internationale s’évanouissent dès lors qu’est laissée de côté l’extraordinaire explosion des inégalités dans le monde, dont la cause essentielle réside dans un partage indécent de la richesse produite à l’avantage du capital. Ce n’est pas la décision d’injecter 1100 milliards de dollars supplémentaires dans la relance économique et dans le FMI qui sera capable de remédier à cette situation. Au contraire, la fuite en avant d’un système fondé sur le profit et la démesure ne peut qu’aggraver les tensions sociales et les risques écologiques. Les tensions sociales, parce que rien n’est prévu pour stopper la baisse des salaires et de l’emploi et la destruction des systèmes de protection sociale bradés entre les mains des compagnies privées. Les risques écologiques, parce que, pendant que la liberté des marchés financiers est de nouveau proclamée, des fonds spéculatifs d’un genre nouveau apparaissent pour parier sur la dégradation du climat.

Les dirigeants du G20 se sont gargarisés des 5000 milliards de dollars qui seront injectés dans l’économie mondiale d’ici fin 2010, en ajoutant aux 1100 milliards nouveaux les milliers de milliards déjà injectés depuis deux ans en pure perte.

Les raisons qui ont amené de très nombreux citoyens à se mobiliser contre les palinodies préparatoires au G20 sont renforcées au vu des résultats. En réalité, le directoire autoproclamé du monde nie la gravité de la crise globale du capitalisme.

L’OCDE a établi la liste « des paradis fiscaux qui ne sont pas en conformité avec les règles mondiales d’échange d’informations fiscales ».


1.Liste blanche : États ou territoires qui ont mis en œuvre des standards internationaux en signant au moins 12 accords conformes à ces standards.
Argentine, Australie, Barbades, Canada, Chine(*), Chypre, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Guernesey, Hongrie, Islande, Irlande, Île de mans, Italie, Japon, Jersey, Corée, Malte, Île Maurice, Mexique, Hollande, Nouvelle Zélande, Norvège, Pologne Portugal, Russie, les Seychelles, Slovaquie, Afrique du sud, Espagne, Suède, Turquie, Émirats arabes unis, Royaume-Uni, États-Unis, Îles Vierges.

2.Liste grise : États ou territoires qui se sont engagés à respecter les standards internationaux mais ont à ce jour signés moins de douze accords.- Liste gris foncée (paradis fiscaux déjà identifiés en 2000 par l’Ocde) : Andorre, Anguilla Antigua, Barabade, Aruba, Bahamas, Bahrein, Belize, les Bermudes, les Iles vierges anglaises, les Iles Cayman, les Iles Cook, la Dominique, Gibraltar, Grenade, Liberia, le Liechtenstein, les Iles marshall, Monaco, Montserrat, Nauru, les Antilles néérlandaises, Niue, Panama, St Kitts and Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et Grenadine, Samoa, San Marin, les Iles Turks and Caicos, Vanuatu.
 Liste gris clair (autres centres financiers) : Autriche, Belgique, Brunei, Chili, Guatemala, Luxembourg, Singapour, Suisse.

3. Liste noire : États ou territoires qui ne se sont pas engagés à respecter les standards internationaux.
Costa Rica, Malaisie (Labuan), Philippines, Uruguay.
(*) Macao et Hong Kong territoires chinois, ont pris l’engagement en 2009 de se conformer aux standards internationaux, en conséquence ces deux territoires ne sont plus mentionnés dans la liste grise

Mots-clés : Économie
Jean-Marie Harribey

Jean-Marie Harribey, économiste, ancien co-président d’Attac France, co-président du Conseil scientifique d’Attac, auteur notamment de La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste (Les Liens qui libèrent, 2013) et de Les feuilles mortes du capitalisme, Chroniques de fin de cycle (Le Bord de l’eau, 2014)

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